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Les finances publiques saines, gages de souveraineté et réactivité face aux crises
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Endettement

La crise sanitaire provoqué par le Covid-19 a révélé en Italie, Espagne et France un manque d’anticipation. Elle accentue aussi l’état calamiteux des finances publiques.

Gabriel A. Giménez Roche

Gabriel A. Giménez Roche

Gabriel A. Giménez Roche est professeur associé d'économie à NEOMA Business School. Il enseigne la macroéconomie, la théorie des cycles et les processus entrepreneuriaux dans des programmes de premier cycle et des cycles supérieurs. Il porte un vif intérêt aux sujets macroéconomiques qu'il commente dans la presse française et internationale. Ses recherches portent sur la théorie du malinvestissement, la zombification économique et les routines entrepreneuriales. Les recherches de Gabriel ont été publiées dans le Quarterly Review of Economics and Finance, Small Business Economics, The World Economy, Journal of Economic Issues, entre autres. Il est membre de l'American Economic Association et de la Royal Economic Society.

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L’axe Madrid-Paris-Rome, renforcé par les gouvernements de la Belgique, la Grèce et du Portugal, réclame plus de solidarité européenne et accuse d’égoïsme les pays disciplinés. Au-delà de leur propre victimisation, les pays surendettés craignent leur perte de souveraineté budgétaire. Néanmoins, ce ne sont pas les règles de l’Union européenne qui sont en cause, mais plutôt l’irresponsabilité budgétaire historique des pays surendettés.

La notion de taux prudentiel d’endettement a une raison d’être. C’est celle de déterminer quelle partie de ses revenus, voire de son patrimoine, peut-on sacrifier au remboursement d’une dette sans réduire les activités régulières du débiteur. Ce taux se situe idéalement autour de 30 % des revenus pour un ménage et 40 % pour une entreprise. Pour les États, ce taux a la particularité d’être calculé non pas sur les seuls revenus de l’État, mais sur le PIB du pays, c’est-à-dire, sur les revenus générés par toute la population. Ce calcul repose sur l’idée que la richesse de l’État dépend, in fine, de celle de son peuple. Ainsi, on recommande un taux d’endettement/PIB plafonné à 60 % pour un pays développé et à 40 % pour un pays en voie de développement.

Cette règle prudentielle d’endettement vise essentiellement deux choses. Tout d’abord, habituer l’État à optimiser ses dépenses en temps normal et à discipliner l’équipe au gouvernement, quelle que soit sa couleur politique. En pratiquant la discipline budgétaire, un gouvernement montre sa capacité à faire un usage plus efficace des moyens mis à sa disposition et à éviter tout gaspillage. En outre, en limitant son endettement, un gouvernement se donne a priori une large marge de manœuvre dans l’éventualité d’une crise majeure. Si besoin est, il pourra mobiliser des moyens financiers supplémentaires.

Cette marge de manœuvre existe en principe si le niveau d’endettement est inférieur au seuil d’alerte pour les investisseurs. Historiquement, ce seuil d’alerte se situe à un niveau d’endettement équivalent à 100 % du PIB. La crise de 2008 a néanmoins poussé certains pays développés à dépasser dangereusement ce seuil. Reste que plus l’endettement d’un gouvernement est inférieur au seuil d’alerte, plus il peut augmenter sa dette sans faire les frais de taux d’intérêt plus élevés obligeant le pays en question à augmenter la fiscalité ou à faire jouer l’inflation. Le respect d’un taux prudentiel d’endettement assez bas permet à un gouvernement d’avoir une bonne marge de manœuvre, lui évitant de dépendre de la solidarité de quiconque.

Les calculs de ces marges pour les pays les plus endettés de l’UE versus nombre de pays qui le sont beaucoup moins (Tableau) permet de constater que les premiers n’ont plus ou presque plus de marge de manœuvre budgétaire. A l’inverse, les pays disciplinés de l’Union européenne sont en capacité de s’endetter davantage pour faire face à la crise, en bénéficiant de taux d’intérêts à 10 ans plus bas que ceux des « cigales ».

La France ne s’en sort pas trop mal, jusqu’à présent, avec un taux obligataire bas lié à la taille de son économie et au volume de ses avoirs. En outre, le secteur bancaire français est le plus grand de la zone euro, ce qui permet de bénéficier pleinement des opérations massives de refinancement de la Banque centrale européenne. Cela n’empêche pas la France d’être pénalisée vis-à-vis les pays budgétairement exemplaires de la zone euro et par rapport aux pays scandinaves n’étant pas membres de la BCE.

Cette situation appelle deux commentaires. Tout d’abord, les règles budgétaires de l’Union Européenne ne visent pas à priver les pays membres de leur souveraineté. Bien au contraire. Si l’on n’entend pas l’Allemagne, l’Autriche, l’Irlande, les Pays-Bas - et encore moins les pays scandinaves, baltes et de l’Est de l’UE - réclamer plus de solidarité, c’est pour une raison simple. Ils n’en n’ont pas besoin, parce que leur discipline budgétaire leur permet de préserver leur souveraineté.

Ensuite, la France est la grande bénéficiaire de la bonne gestion de ses voisins. Les excédents primaires des « fourmis » évitent que nos déficits ne plombent la confiance dans l’euro. Ils sont un formidable vecteur de confiance en période de crise. Rétrospectivement il apparait que nous avons été bien légers en fustigeant l’attitude prudente des pays vertueux nous entourant. Ils nous protègent et il ne faudrait pas que les marchés remettent en cause la confiance qu’ils nous accordent, ce qui rapprocherait les taux obligataires français de l’Espagne ou de l’Italie.

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