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Coronavirus : l’après crise sera violente
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Cicatrices

Jean-Yves Archer aborde le sujet sensible de la sortie de crise et des conséquences du coronavirus.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Plusieurs personnalités ont affirmé, sans possibilité factuelle de recouper leurs dires, que le capitalisme allait changer et que nous irions vers des lendemains qui chantent. Bruno Le Maire parle même de capitalisme respectueux sans détailler le contenu de son dernier slogan à la sonorité douce voire doucereuse.  Je ne partage pas cette vision plane de l'Histoire que notre passé dément. La violence est inhérente aux soubresauts du capitalisme surtout lorsque près de deux tiers des potentiels productifs sont à l'arrêt simultanément ce qui est une dramatique épreuve.

Avant le passage à l'an 2000, des milliers de lignes ont été écrites dont certaines ont été balayées par le vent chaud de l'Histoire. Au final, pas de grand bug et un monde qui a continué à tourner comme avant. Ce fait incite à la modestie pour les temps présents. Bien des économistes ont la plume agile ou déformée par le confinement au point d'assurer, mordicus, qu'il y aura un monde d'après, un post-Covid 19.

Rien n'est moins sûr car le redémarrage va susciter une frénésie comparable à celle de la sortie de la " pace car "  après un incident lors d'un grand prix de Formule 1.

A peine remis sur les rails, chaque agent économique va faire vrombir son moteur. Il y aura une course frénétique à la restauration des marges et à la relance d'activité " quoi qu'il en coûte " pour reprendre un slogan présidentiel.

Le monde marchand reprendra ses droits et la forme de totalitarisme qu'il induit au mépris de la justice sociale ou de l'écologie réaliste.

Il n'existe pas, dans le système international, d'institutions en capacité de piloter une sortie de crise harmonieuse alors même que les États-Unis rejettent, sous le présent mandat crépusculaire, toute action multilatérale.
Il faudrait rebâtir des accords de Bretton-Woods dans bien des domaines pour que le capitalisme change de fil rouge. Là, nous sommes face à des forces rugissantes bridées qui verront la fin du confinement comme un droit de tirage illimité sur les ressources à nouveau pleinement disponibles.

C'est une chimère de croire que le monde va changer en mieux, il sera – à l'inverse – encore plus violent pour fêter ses retrouvailles avec l'univers lenticulaire du profit.

Même en Europe, en moins de dix jours, la zizanie s'est montrée sans nul fard au sujet des soutiens sanitaires réciproques tout autant qu'au motif crucial des eurobonds. Oui, l'Union est en danger et en tant qu'européen hardi, je déplore l'importance des forces centrifuges qui iront peut-être jusqu'à entraîner la dislocation de la monnaie commune qui ne pourra porter nominalement ou juridiquement  l'enflure du bilan de la BCE.

Quand la création monétaire est déconnectée du format de l'économie réelle, il y a un moment où la valve de dépressurisation de l'autocuiseur cède au prix d'une crise monétaire potentiellement incontrôlable.

Une guerre, une fois terminée, apporte la joie libératrice de la paix et une vraie aptitude au changement. Ici , dans cette bataille – plutôt que le terme juridiquement impropre de guerre -, nous serons face à un virus baladeur dans l'hémisphère sud et avec un taux d'incertitude quant à sa nouvelle survenance en Occident face à des populations qui n'auront pas toutes été immunisées.

Or, tant les marchés financiers que les agents économiques lambda récusent l'incertitude. Elle réduit l'ampleur des investissements et excite un court-termisme qui n'est pas compatible avec nos défis pluri-décennaux que sont, à titre d'exemple, le démantèlement de nos réacteurs nucléaires ou la mutation urgente de notre modèle agricole.

La césure post-Covid-19 ne débouchera pas sur un nouveau modèle de développement brièvement évoqué par le président Macron mais sur une reproduction d'un capitalisme cupide et vorace. Il suffira de contempler le boom des fusions-acquisitions et le statut, in fine, du salariat.

" Dans une nation qui est dans la servitude, on travaille plus à conserver qu'à acquérir. Dans une nation libre, on travaille plus à acquérir qu'à conserver ". ( Montesquieu, in De l'esprit des lois ).

La France de 2021 ne sera pas exempte de cicatrices nées en 2020, elle sera une nation dans la servitude ne serait-ce que par son niveau d'endettement et le taux de mortalité de ses entreprises rendues agonisantes par la profondeur au fer rouge de la récession.

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