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Le cauchemar
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Un excellent livre, inoubliable: la vie des “Allemands ordinaires “ d’avril 1945 à l’été 1946

Françoise Thibaut pour Culture-Tops

Françoise Thibaut pour Culture-Tops

Françoise Thibaut est chroniqueuse pour le site Culture-Tops.
 
Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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Le Cauchemar


De Hans Fallada
Editions Denoël & d'Ailleurs 310 pages 20 €

Recommandation:

Excellent 

Thème:

Une petite ville au nord-est de Berlin, fin avril 1945. Un peu à l'écart du voisinage, les époux Doll y mènent une vie heureuse avec 2 enfants, malgré les tracas d'un régime politique  soupçonneux. A quelques jours de la Paix du 8 Mai, les troupes russes arrivent. Relativement peu de saccages, mais des vols, un harassant travail obligatoire, des restrictions alimentaires encore plus pénibles. Après un incident assez grave, les Russes désignent Doll pour être maire de la ville. Il contribue aux arrestations des planqués, des ex-nazis, découvre les  caches de biens et nourritures accumulées. La haine, alors, se déchaîne, oblige le couple à partir, sans rien, pour Berlin en ruines et à y survivre jusqu'en Juillet 1946 dans des conditions aussi stupéfiantes que stupides.

Sous couvert d'un «roman» Ditzen raconte en fait le «vécu des Allemands ordinaires» durant les 16 mois que couvre le récit, d'avril 45 à l'été 46. Sans doute a-t-il vécu lui même ces épisodes souvent absurdes, ou il y a assisté ou, encore, ils lui ont été racontés. C'est stupéfiant. Cette période est le Renversement : Après 12 années d'oppression, certes, il n'y a plus de bombardements, mais il y a toujours des militaires, le faim, la misère, les vêtements loqueteux, les ruines, les rats, et la peur.

 Ceux qui ne sont pas devenus fous restent hébétés, vidés de toute énergie, éprouvant « la perte de l'estime de soi ».. On y découvre la haine ordinaire, la vengeance, et surtout la bêtise, mais aussi parfois la bonté; ainsi que la patience et l'amour sans ombre que se portent les époux Doll que la maladie sépare un moment.

Points forts:

Ce n'est pas un livre triste. Au contraire, il est plein d'énergie, de compassion envers l'humanité si stupide. Certaines situations sont tellement idiotes qu'elles en deviennent drôles. En fait il s'agit d'un excellent manuel de survie, car dans le dénuement et la désespérance on ne peut guère aller plus loin. 

Le dernier chapitre s'intitule «la guérison» : l'errance à l'intérieur de soi-même est finie, l'énergie revient, l'avenir se rouvre. Les Doll retournent à la normalité, récupèrent leur maison, trouvent du travail et mangent (enfin) à leur faim.

Points faibles:

Bien sûr, ce n'est pas très drôle ; il vaut mieux avoir bon moral en ouvrant ce livre assez remarquable. L'intérêt réside justement dans le décalage avec notre «réalité» actuelle. Il est sans doute à rapprocher de l'anonyme Une femme dans Berlin (Folio) et de L'Europe barbare de Keith Lowe (Tempus).

En deux mots ...

Le comble du comble -et ce que le livre ne dit pas car l'auteur disparaît en 47- c'est que le couple Doll si avide de sa liberté récupérée, se retrouvera dans la zone russe, donc encagé dans la RDA. Mais c'est une autre histoire…

Un extrait:

…. " Et maintenant, Doll est devenu maire...il lui incombe de départager ces nazis entre complices inoffensifs et criminels actifs, de les dénicher jusque dans les repaires où ils se sont recroquevillés à la hâte….de les déposséder de leurs provisions de hamster...» (p.86).

... "Nous sommes en train de sombrer, pensent les uns. Mais avant, laissez-nous manger encore une fois ! Ah, se rassasier de bonnes choses, sentir la satisfaction de quelques nutriments convenables... " (p.290).

..." ces dernières années, il n'a jamais eu le temps de rester sous un arbre et d'écouter son murmure. Et maintenant il l'a car c'est la paix de nouveau  - la Paix ! Comprends le intérieurement être humain, tu n'as plus besoin d'assassiner et de tuer. Les armes sont inutiles, c'est vraiment la paix ! » (dernier paragraphe)

L'auteur:

On le connaît déjà sous son véritable nom Rudolf Ditzen (1893-1947), auteur de l'extraordinaire Seul dans Berlin publié en France en 2014.  Vu sa date de naissance, il a vécu la période la plus terrible de l'histoire des Allemands. Il vit de divers métiers mais réussit à devenir journaliste, écrivain, publiant une vingtaine d'ouvrages sous des pseudos variés. Il est Hans Fallada avec ce Cauchemar publié en 1947 peu avant sa disparition, à l'âge de 54 ans.

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