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Autorité, responsabilité : le dimanche fou qu’a vécu la France
©Aurore MESENGE / AFP

Bons comportements

De nombreux Français, ce dimanche, ont bravé les recommandations du gouvernement en cette période de pandémie en se rendant dans des parcs et en ne respectant les mesures barrières et de distanciation sociale notamment. Quelle responsabilité porte l'exécutif dans ce comportement d'incivilité de la part des citoyens ?

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Chloé Morin

Chloé Morin

Chloé Morin est ex-conseillère Opinion du Premier ministre de 2012 à 2017, et Experte-associée à la Fondation Jean Jaurès.

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Atlantico.fr : Dimanche, un nombre important de Français s'était retrouvé dans les parcs et les jardins publics, bravant les recommandations du gouvernement en cette période de pandémie. Quelle responsabilité porte l'exécutif dans ce comportement d'incivilité de la part des citoyens ?

Chloé Morin : Le temps des interrogations viendra. Pour le moment, il semble aussi vain de blâmer les choix gouvernementaux que les comportements des citoyens. En effet, pour ces derniers, rappelons que jusqu’à il y a quelques jours on laissait entendre que la situation italienne n’avait rien à voir avec la nôtre, que l’on pouvait continuer à “prendre l’air” - ce sont les mots du Président dimanche - donc on comprend qu’il aient mis du temps à intégrer le nouveau paradigme sanitaire ou aient été déroutés par des signaux qui leur paraissaient contradictoires. Par exemple, compte tenu que les élections sont devenus à ce point secondaires pour nombre de nos concitoyens qu’ils ne prennent que rarement la peine d’aller voter, le maintien du premier tour a pu être accueilli comme le signe que “la situation n’est pas si grave”. En effet, si on maintient quelque chose d’aussi “non vital”, comment comprendre que l’on impose dans le même temps des pratiques drastiques de distanciation sociale? Je pense donc qu’évidemment il faut déplorer les nombreux comportements irresponsables dont nous avons ces derniers jours tous été témoins, mais il ne faut pas exagérer le procès en incivisme. Le gouvernement, je n’ai cessé de le dire depuis des jours, navigue entre deux écueils : alerter au risque d’affoler et créer la panique, ou bien risquer de voir ses consignes prises à la légère. Il est très difficile de modifier nos comportements, surtout lorsqu’il s’agit des plus primaires et essentiels. Nous avons basculé depuis 24 heures dans une nouvelle réalité, il va maintenant falloir supporter cela dans le temps long..

Christophe Boutin : Il est toujours particulièrement délicat, lorsque le pays fait face à une crise majeure qui peut entraîner des milliers de morts, de prétendre donner des leçons à ceux qui sont au pouvoir et qui ont eu et auront encore à prendre des décisions très difficiles. Des décisions qui, quelles qu’elles soient, ne satisferont jamais l'ensemble de la population et ouvriront donc la voie à un grand nombre de critiques, parfois justifiées, parfois moins. C'est donc avec ces réserves - importantes - que l’on peut tenter de répondre à vos questions. Gouverner n’est jamais quelque chose d’anodin, moins encore face à une grave crise grave, et nous sommes sans doute nombreux à nous satisfaire de ne pas sentir ce poids écrasant sur nos épaules.

Ce que vous relevez à juste titre, c'est finalement l'écart qu'il y aurait eu entre le choix présidentiel de demander aux Français d’adopter un comportement responsable et l'attitude de ces derniers. « Chacun a son rôle à jouer, déclarait Emmanuel Macron dans son Adresse aux Français. Je compte sur vous pour respecter les consignes qui sont et seront données par les autorités, et en particulier ces fameux gestes barrières contre le virus ». « Nous observons - dira deux jours plus tard le Premier ministre en annonçant la fermeture d’un certain nombre d’établissements et la baisse du seuil des rassemblements autorisés - […] que les premières mesures prises de limitation des rassemblements sont imparfaitement appliquées. […] Nous avons vu trop de gens dans les cafés, dans les restaurants. » Et c’est d'ailleurs un des éléments que l'on a beaucoup entendu ces derniers temps dans la bouche des membres du gouvernement ou des commentateurs : les Français, décidément Gaulois incontrôlables, ne se comportent pas comme ils le devraient, ne font pas preuve de sens civique, et c'est pourquoi, il conviendrait de prendre des mesures drastiques.

S’il est exact que les Français n’ont pas la rectitude naturelle de comportement de certains de nos voisins, qu’il s’agisse de la sujétion teutonne à l’autorité ou du sens britannique de ce qu’un gentleman peut et doit faire, se limiter à cela serait pourtant oublier ce qu'Emmanuel Macron, s'il avait eu des enfants, aurait su comme tout parent : on ne peut espérer être obéi sans donner une consigne claire, simple et cohérente. Or cette cohérence n'a certes pas été la caractéristique première des discours des diverses autorités étatiques, dont on se demandait parfois si elles ne s’ingéniaient pas à appliquer le trop fameux « et en même temps » jupitérien.

Jetons un voile pudique sur les temps anciens, quand le président se rendait au théâtre en déclarant : « La vie continue. Il n’y a aucune raison […] de modifier nos habitudes de sortie ». On nous dira que c’était il y a une dizaine de jours, un siècle au regard de la vitesse de progression de la pandémie. Mais en allant voter ce samedi, le même Emmanuel Macron déclarait : « Je n’ai pas été testé car il n’y a pas de symptômes », ce qui de l’avis de tous les scientifiques, est une hérésie.

Et quelle cohérence ensuite lorsque, dans son Adresse aux Français, le Président demande à certaines personnes de rester chez elles mais ajoute aussitôt qu'elles pourront sortir « pour s'aérer » ( ?) mais aussi pour aller voter ? Quelle cohérence quand son Premier ministre insiste lui aussi sur cette nécessaire participation au vote deux jours plus tard, alors que la situation a empiré et que lui-même vient d'interdire les rassemblements de plus de 100 personnes ? Quelle cohérence quand il fait fermer « jusqu'à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités » alors qu’une partie des enfants devront quand même y être accueillis ?

Manque de cohérence, et manque de précisions. C’est le cas lorsque le Président nous dit que « les transports publics seront maintenus » mais qu’il « invite tous les Français à limiter leurs déplacements au strict nécessaire » ? Quid de cette dernière notion ? C’est le cas aussi pour la limitation des rassemblements organisée par le Premier ministre. On passe de 5.000 à 1.000 puis 100 personnes, ce qui est certes clair. Mais quels espaces sont concernés ? Initialement les stades, les gymnases de plus de 1000 places, les salles de concert. Puis ce sont les théâtres, les cinémas – avec la limite des 100 personnes par salle, les musées – où il y a rarement 100 personnes ensemble - et les bibliothèques. Enfin, les restaurants, les bars et les discothèques. Mais il faudra attendre le spectacle des parisiens profitant des premiers soleils du printemps pour que la Mairie de Paris ajoute à ces lieux les parcs et jardins… Mais, si l’on interdit les meetings en salle, Christophe Castaner explique doctement que lon ne peut interdire les « mobilisations, parce qu’on nous ferait certainement un procès en démocratie ». Mais, pour les mariages, dont certains dépassent les 100 personnes, on ne sait trop ce qu’il faut faire…. En fait, tout semble à apprécier, comme le déclare avec son sens de l’à-propos coutumier la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, « en fonction du degré d’appropriation de la distanciation sociale ».

On ne peut donc s’étonner de voir les Français étendus sur les pelouses au soleil en ce premier week-end printanier, et ce d’autant moins qu’aucune sanction clairement définie n’existe – autre élément indispensable pourtant à une autorité qui souhaite voir ses consignes respectées et se doute bien que le sens civique ne touchera pas de sa grâce 100% de la population. Après l’épisode du Sras en 2003, un Règlement sanitaire international a été signé en 2005 pour endiguer les épidémies, qui prévoit la possibilité d’imposer des quarantaines. À Moscou, sa violation peut en coûter jusqu’à cinq ans d’emprisonnement, six mois à Hong Kong, trois mois en Italie, avec toujours aussi des amendes. En France si une ordonnance de 2017 prévoit bien la possibilité pour le représentant de l’État de prendre, à l’encontre d’une personne devant être mise en quarantaine, des mesures privatives de liberté, on se trouve bien démuni devant les atteintes aux mesures de confinement.

Le gouvernement et le Président ont ils péché ici seulement par une trop grande confiance dans le sens civique des Français ? Pas seulement. Aux débuts de la crise, lorsque la Chine prenait les mesures drastiques que l’on connaît, nombreux ont été ceux qui se sont émus des violations des libertés individuelles qu’elles entraînaient, et le gouvernement s’en est trouvé incapacité : personne ne voulait prendre le risque d’être comparé à monsieur Xi par un de ces éditorialistes… qui, maintenant, reprochent au gouvernement de n’avoir pas frappé assez vite et assez fort.

De l'application tardive des mesures d'urgences sanitaires aux élections municipales, le gouvernement semble remettre totalement son autorité aux mains des scientifiques. Cela remet-elle en cause la capacité de l'exécutif à prendre des décisions aux yeux des Français ? Peut-on y voir un élément de remise en question du gouvernement de sa propre autorité et de ses capacités d'action ?

Chloé Morin : Je trouve en effet très frappant que le pouvoir Politique se soit placé sur le second plan, derrière les scientifiques. Au départ, c’était une stratégie de communication plutôt efficace et rassurante : en effet, la parole du politique étant décrédibilisée, il était utile d’avoir en première ligne des experts pour expliquer les décisions prises, les enjeux, et ainsi rassurer. Mais au fil de l’eau, ce qui était communication a fini par tenir lieu de stratégie politique : on a parfois eu le sentiment que l’on attendait du scientifique de légitimer, de porter, voire de prendre lui même des décisions à caractère profondément politique. Or, ce n’est pas son rôle : le scientifique dit le réel, décrit le risque et les options disponibles. Le politique, lui, est là pour déterminer le souhaitable - la société que nous voulons, les priorités, les valeurs qui nous animent - et tracer la voie pour y parvenir. Signe des temps, le politique ne peut - ou ne veut? - plus prendre des décisions fondamentales, engageant des vies, sans recourir à des légitimités extérieures pour l’appuyer. Cette dérive n’est pas nouvelle mais il convient d’y prendre garde.

Christophe Boutin : Effectivement, le recours aux « sachants » est une constante. « J'ai interrogé les scientifiques sur nos élections municipales, dont le premier tour se tiendra dans quelques jours. Ils considèrent que rien ne s'oppose à ce que les Français, même les plus vulnérables, se rendent aux urnes » déclare ainsi le Président dans son Adresse aux Français. « La vérité, c’est que nous avons une méthode : nous suivons les recommandations des scientifiques », explique un conseiller du Gouvernement. Et si la France se décide finalement à envisager un confinement « à l'italienne », c’est après que cela ait été préconisé par le Conseil scientifique ad hoc.

Il n’est bien sur pas inutile de consulter des spécialistes pour être à même de décider en toute connaissance de cause, mais avec deux réserves. La première est qu’il est rare qu’il y ait unanimité, et que l’on retient finalement souvent l’approche qui nous intéresse, nous couvrant d’une autorité scientifique moins absolue qu’on ne le prétend. Il est par exemple fort douteux qu’un net consensus soit apparu chez les scientifiques consultés en faveur la tenue des élections, au vu de la progression attendue de l’épidémie. Tout au plus ont-ils pu dire qu’avec certaines précautions le premier tour pouvait se tenir. Mais il appartenait au pouvoir politique, et au pouvoir politique seul, de se poser la question de savoir si la légitimité démocratique même de cette élection serait atteinte si on la maintenait – et à plus forte raison si l’on dissociait de plusieurs mois les deux tours. Idem pour décider ou non d’un confinement renforcé : on demande au politique d’être à même de décider en politique, ce que le pouvoir actuel n’a pas su ou mal su faire. C’est là un autre des tropismes du progressisme macronien que ce culte de l’expertise qui aboutit à une expertocratie qui, comme son nom l’indique, transfère finalement le pouvoir de décision du politique aux experts.

Mais il est une autre des caractéristiques de ce pouvoir qui a largement obéré sa capacité à décider à temps des mesures nécessaires, c’est son refus idéologique d’affirmation de la souveraineté de notre État. Pour en arriver à ce qu’il vient de décider, Emmanuel Macron aura passé sa journée de lundi à consulter le monde entier : réunion par visioconférence avec les chefs d’Etat du G7, dont son président en exercice Donald Trump ; vidéoconférence encore avec la chancelière allemande Angela Merkel, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel.

Emmanuel Macron aurait appelé à « intensifier la coordination européenne et acter rapidement des mesures efficaces et concertées, notamment concernant les frontières de l'UE ». De fait, la Commission européenne a finalement proposé, après des semaines de tergiversations et d’impuissance, d'instaurer une interdiction d'entrer sur son territoire aux ressortissants originaires de pays extérieurs, et ce pendant trente jours – mais avec aussitôt une batterie de dérogations pour les résidents étrangers de longue date, les familles de ressortissants européens, les diplomates, les médecins et les chercheurs mobilisés pour combattre la crise sanitaire. Quant au G7, il - aurait estimé que la crise actuelle « plaide pour une coordination sur la gestion des frontières ».

Mais quelle coordination ? La Commission européenne a, dans le même temps qu’elle tentait de contrôler les frontières extérieures de l’UE, condamné « les mesures unilatérales non coordonnées prises aux frontières par un certain nombre d'Etats membres de l'UE ». Ce sont ces fermetures unilatérales d’États qui assument encore leur souveraineté qui leur permettent de limiter l’impact de la crise, et non une commission aux abonnés absents. Et l’admirable Angela Merkel, icône de l’Europe ouverte à qui Macron ne cesse de tresser des couronnes ne s’est pas fait faute de fermer unilatéralement – sans le dire expressément - les frontières allemandes.

Il est bien évident que nous nous trouvons devant une crise internationale, et que cette dernière suppose une coopération internationale. Le reconnaître est une chose ; mais en déduire qu’il appartiendrait à une instance internationale de décider souverainement de nos frontières à notre place en est une tout autre. Et seul l’aveuglement idéologique d’Emmanuel Macron le conduit à ignorer cette évidence : la crise du coronavirus aura surtout rappelé que le niveau stato-national est le seul niveau de décision considéré comme légitime par des peuples qui en attendent leur sécurité.

Pour toutes ces raisons, en étant d’abord incapable de proposer aux citoyens des mesures claires et cohérentes, dépourvues d’équivoques et dont le respect pouvait être imposé par des sanctions ; en confondant ensuite pouvoir de décision politique et structure scientifique de conseil ; en se refusant enfin à affirmer une souveraineté nationale qui était notre véritable garant, le macronisme aura gravement échoué dans la phase de montée de cette crise du coronavirus. Et la crainte que l’on peut avoir est que, loin de reconnaître les causes de cet échec et de se ressaisir de son autorité, il persiste à ne pas vouloir exercer le pouvoir et à le transférer à d’autres.

Ce lundi soir le président a annoncé de nouvelles mesures de confinement plus coercitives que celles présentées jeudi dernier. Au vu du comportement des citoyens français face à la crise, des leçons ont-elles été tirées depuis la semaine dernière ? Ces nouvelles mesures sont-elles à la hauteur d'une épidémie dont le pic n'a pas  encore été déterminé ?

Chloé Morin : Certains signaux peuvent paraître encore contradictoires. Par exemple, pouvoir sortir faire son footing... mais de fait, on voit que les Français commencent déjà à s’adapter, à modifier leurs comportements. Il ne serait pas compris que les mesures continuent à s’ajouter “au compte goutte”: soit nous sommes en guerre, et dans ce cas les Français comprendront que l’on prenne des mesures radicales et soudaines, soit non. L’entre deux, la gradation, paraît difficile à comprendre.

La vraie difficulté, pour le gouvernement, ce sera de gérer la montée de l’angoisse des prochaines semaines, avec des morts qui vont se multiplier:

- si l’on considère qu’il a adopté aujourd’hui sa réponse “maximale”, il lui sera difficile de répondre à la montée de l’angoisse sans agir davantage;
- et s’il tente de prendre des mesures nouvelles tous les deux jours pour répondre à l’angoisse montante, alors il prêtera le flanc à un procès dangereux pour lui, celui de ne pas avoir agit assez fort, assez vite...

Christophe Boutin : Sur la question de savoir si la réponse est à la hauteur de l'enjeu médical je serais bien en peine de vous répondre, comme d'ailleurs la plus grande partie des Français. Je remarque que, comme il l'avait fait pour ses précédentes décisions, le Président s’est plusieurs fois appuyé sur des recommandations scientifiques, demandant aux Français de se méfier « des demi- experts et des faux sachants ». « J'ai consulté les experts et j'ai consulté le terrain » a-t-il déclaré - sans que l’on saisisse bien quel pouvait être ce « terrain » en question -, avant d’évoquer les mesures qui vont être mises en oeuvre à partir de demain 12 heures.

Ayant visiblement mieux compris que lors de son passage au Touquet le mode de transmission, y compris par des personnes ne présentant pas les symptômes de la maladie, il a donc prévu un confinement pour 15 jours - mais a clairement indiqué à la fin de son intervention que « nul ne peut prévoir la durée » de la crise, ce qui laisse entendre la possibilité de proroger cette durée. Pourquoi cette limite, alors que l’on avait parlé parfois d’une durée de confinement de 45 jours ? D’une part en raison de la durée d’incubation, de 14 jours, mais aussi sans doute pour éviter que ne se multiplient les crises de panique qui ont déjà conduit, en dehors de quelques violences, à d’inutiles ruptures de chaînes d'approvisionnement. Il a dans le même sens d’ailleurs rappelé les Français à leur sens de leurs responsabilités et de leur solidarité.

Pratiquement ensuite, il a indiqué que les trajets autorisés le sont pour des courses, des soins, ou se rendre au travail si le travail à domicile n’est pas possible, mais aussi pour des trajets « nécessaires pour une activité physique pourvue qu'elle ait lieu sans ses amis et sans ses proches ». Le gouvernement devra encore préciser cela comme la manière dont les infractions seraient maintenant sanctionnées. Mais les amateurs de la pensée macronienne auront relevé encore une fois certaines confusions : ainsi, après nous avoir expliqué combien il était important de limiter les contacts à sa famille nucléaire, le Président a-t-il aussi conseillé de s'organiser pour « créer du lien avec ses voisins » – mais peut-être n’étaient-ce que les voisins de la table familiale, perdus dans la contemplation de leurs smartphones.

« Nous sommes en guerre » a-t-il martelé, une guerre dans laquelle toutes les forces, politiques, économiques, sociales et associatives devaient se regrouper dans une union nationale sans faille. Une guerre prioritaire qui explique que toutes les réformes actuelles soient suspendues - y compris celle concernant les retraites – et que le seul texte qui sera soumis au Parlement sera une loi permettant au gouvernement d’agir par voie d’ordonnances face à l’urgence. Une, guerre française – le Président ayant largement insisté sur la défense de l’économie et de l’emploi – mais aussi « européenne », mais il ne put évoquer ici que  la décision de l’UE de fermer pendant 30 jours ses frontières extérieures.

Restait une question politique de taille, se sortir du bourbier des municipales. S’appuyant sur le « consensus scientifique et politique » qui aurait justifié la tenue du premier tour de scrutin, Emmanuel Macron a salué « chaleureusement » les Français qui se sont rendus aux urnes. Et le fait que ce premier tour ait été très fortement affecté dans sa sincérité, et donc dans sa légitimité démocratique, par le taux d'abstention partiellement au moins lié à la crainte du virus ne lui a pas posé de problèmes pour le considérer valide et féliciter les maires et conseillers municipaux qui y ont été élus. Quant au second tour, après avoir demandé l'avis des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, mais aussi « de ses prédécesseurs » - on peut penser qu'il s'agit ici de Nicolas Sarkozy et François Hollande, et qu'il n'a pas consulté Valéry Giscard d'Estaing – et obtenu « l'accord unanime des partis représentés au parlement », il a annoncé son report à une date ultérieure.

Un peu plus de fermeté donc, un peu plus de clarté - mais il faudra attendre encore l’explication de texte gouvernementale -, moins d’Europe ou de formations internationales – le Président étant sans doute déçu de n’avoir guère été écouté -, une volonté d’apaiser les tensions qui se feraient jour, voici donc les principales caractéristiques d’un discours qui ne nous a toujours pas montré quoi qu’il en ait un chef de guerre décidant souverainement et en courant les risques, mais plutôt un habile négociateur apte à diluer ses responsabilités. Ce qui ne veut pas dire que les choix seront moins bons, mais nous parle de l’homme et de son rapport au politique.

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