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Elus amateurs ou pas…. La polémique qui passe totalement à côté du sujet
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Débat stérile

Devant les députés de la majorité, Emmanuel Macron a abordé cette semaine le sujet du manque d'expérience régulièrement reproché aux députés LREM. Lors d'une interview, François Hollande a tenu à réagir aux propos d'Emmanuel Macron sur cette question entre les "professionnels" et les "amateurs".

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico.fr : Depuis quelques jours et la petite phrase lancée par Emmanuel Macron au députés de la majorité mardi soir à l'Elysée (" Si les professionnels, ce sont ceux qu'on a virés il y a deux ans et demi, et que les amateurs c'est vous, alors soyez fiers d'être amateurs !"), la débat sur l'amateurisme ou non de la majorité va de bon train. Pourtant plutôt que de s'intéresser à la forme ne devrions-nous pas plutôt nous concentrer sur le fond ? 

Ce débat sur l'amateurisme ou non des élus de la majorité n'est-il pas l'illustration d'une certaine forme d'hystérie collective ? 

Maxime Tandonnet : Cette hystérie collective est propre à la France visible, politico-médiatique, mais pas vraiment à la France profonde qui a bien d’autres soucis… Elle dénote la poursuite du naufrage de la politique dans le néant. Elle n’est plus que cela aujourd’hui, une succession de polémiques ou de psychodrames médiatiques qui s’enchaînent à un rythme effréné. Jadis, le rôle du chef de l’Etat était d’incarner la continuité de l’Etat, l’unité de la nation. Aujourd’hui, il est exactement le contraire : un trublion national dont la mission est de parler sans cesse et de lancer des micro-scandales qui évitent de penser aux graves enjeux du pays :  l’insécurité qui explose ; la dette publique ayant franchi le seuil historique des 100% du PIB ; le chômage français, deux points au-dessus de la moyenne européenne ; la pauvreté qui touche 9,3 millions de personnes ; les flux migratoires devenus hors contrôle. Cette hystérie permanente est dès lors inversement proportionnelle à l’efficacité de la puissance publique. 

Un tel débat n'est-il pas stérile alors que, plus que élus, ce sont les technocrates (qui ne sont donc pas de amateurs) voire même les multinationales (à l'instar de Google ou Amazon) qui gouvernent le pays ?

Le débat est ancien. Le mot amateur peut avoir deux sens. Amateur veut dire non professionnel et veut dire aussi, au sens péjoratif, incompétent. Il n’est pas choquant que les parlementaires soient des amateurs au premier sens du terme. André Tardieu, dans son avant-dernier livre en 1938, vilipendait la « profession parlementaire », c’est-à-dire l’image de notables qui s’incrustent au parlement et en font leur unique métier toute leur vie. En effet, le sens du mandat parlementaire est celui de la représentation de la nation pour une période limitée, sûrement pas l’exercice d’une profession au sens d’un métier, d’un siège acquis une fois pour toute et indéfiniment renouvelable. En ce sens premier de non professionnel, le mandat parlementaire est en effet une affaire d’amateur. Mais il n’empêche que pour discuter, amender, voter des lois parfois très complexes, il faut un excellent niveau intellectuel, une capacité à maîtriser des dossiers techniques, financiers et juridiques. Or, nombre des parlementaires issus des législatives de 2017 sont des amateurs au deuxième sens du terme, celui d’inapte à cette tâche. Ce phénomène, l’amateurisme au mauvais sens du terme,ne peut qu’aggraver la dépossession du Parlement de sa souveraineté au profit des pôles non démocratiques de pouvoir ou d’influence : technocratie, juridictions, multinationales, etc. 

N'y-t-a-t-il pas un réel danger à se focaliser sur ce genre de questionnements plutôt qu'à s'intéresser aux questions de fond ? 

Bien sûr ! L’image de la politique est désastreuse dans le pays etdonne le sentiment d’empirer d’année en année sans que le fond de l’abîme ne soit jamais atteint. D’après l’enquête de CEVIPOF sur la confiance, 79% des Français ont une image négative de la politique. 39% éprouvent de la méfiance envers elle, 28% du dégoût et 10% de l’ennui. S’ajoutant à l’explosion de l’abstentionnisme (plus de 50% aux législatives de 2017) et au vertigineux progrès du vote « anti-système » de gauche ou de droite, ces résultats soulignent le climat d’écœurement qui ronge le pays et la profondeur du fossé qui sépare la classe dirigeante du peuple et ne cesse de se creuser. La mal suprême de la classe dirigeante est cette conviction permanente que le peuple est inintelligent et manipulable à merci. Elle s’imagine que la stratégie de l’enfumage quotidien dans la polémique stérile est la solution miracle pour neutraliser la colère populaire et assurer sa permanence en préparant la réélection. En vérité, c’est tout le contraire : le peuple ressent fortement quand on se moque de lui et il prend en dégoût ceux qui le méprisent plutôt que le représenter et de le servir comme il est de leur devoir. 

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