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Bientôt un revenu universel à Tremblay-en-France (et pas dans la version Hamon) ?
©DR / mairie de Tremblay-en-France

Expérimentation

Parmi les curiosités de la campagne des municipales, quelques villes voient fleurir des propositions de revenu plus-ou-moins-universel. Une ville de Seine-Saint-Denis se distingue avec un projet fortement inspiré du dividende versé par l’Etat d’Alaska à tous ses résidents depuis 1982.

Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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La ville de Tremblay-en-France est une exception rare au niveau national. La majeure partie de Roissy-Charles-de-Gaulle et de la zone d’activité aéroportuaire étant sur le territoire de la commune, la ville bénéficie de recettes fiscales hors norme. Le budget de la commune atteint ainsi 3.200 euros annuels par habitant, alors que la moyenne française est inférieure à 1.400 euros. La municipalité (communistes et apparentés) n’a aucune difficulté pour utiliser ce budget, avec des prestations et des investissements nettement plus développés que dans les villes voisines. 

Pour autant, les habitants se plaignent comme partout de problèmes d’insécurité, de circulation, de pollution... Car l’argent municipal ne résout pas tout :il est plus facile de multiplier les centres de loisirs et construire une nouvelle salle de concert de 8.000 places que d’éviter les cambriolages à répétition dans les zones pavillonnaires. C’est le constat que fait un candidat non inscrit, qui souhaite apporter un nouveau souffle dans une campagne qui risquait sans lui de tourner au plébiscite du candidat unique, qui se représente avec confiance, à 74 ans. 

A 61 ans, l’élu d’opposition Emmanuel Naud a mis en tête de son programme la proposition d’un revenu universel un peu particulier. Il s’agit de réserver environ 15 % du budget de fonctionnement de la ville, soit un tiers des taxes acquittées par les entreprises de la zone aéroportuaire, pour verser une fois par an à tous les résidents de 16 ans et plus une somme unique de 600 euros. Une simple condition de résidence depuis trois ans dans la commune permettra d’éviter les effets d’aubaine. 

Un exemple venu de loin

Ce type de revenu universel annuel, financé par les ressources exceptionnelles d’un territoire, existe à différents endroits du monde. Il s’agit de territoires producteurs de pétrole, dans les pays du Golfe ou en Alaska. C’est aussi le cas de villes qui hébergent un nombre important de casinos, comme Macao ou en Caroline du Sud. Le principe sous-jacent est que les habitants ont acté un jour que les bénéfices exceptionnels tirés d’une activité économique majeure,non directement imputable au travail de quelques-uns, devaient être partagés à égalité par toute la communauté. 

Ainsi, l’Alaska Permanent Fundverse tous les ans les dividendes d’une société opulente qui capitalise depuis 1977 le quart des revenus pétroliers du 49e Etat américain. Les résultats financiers sont répartis entre tous les résidents, sur base égalitaire. Le montant versé fluctue, généralement entre 1.000 et 2.000 dollars par an. 

A Tremblay-en-France, Emmanuel Naud évalue à 15% la part du budget qui pourrait être reversée à toute la population plutôt que servir à financer des dépenses somptuaires ou des investissements prestigieux. Chacun déciderait librement comment utiliser ce « cadeau » annuel :l’un pour financer son permis de conduire,l’autre pour rénover une pièce de sa maison…

Expérimenter un revenu universel à l’échelon communal ?

Le revenu universel a été discuté à de nombreuses reprises à l’échelon national (en particulier pendant la campagne présidentielle 2017) et a été l’objet d’étude dans 18 départements en 2018 et 2019. Quelques villes étudient également le concept, avec des approches assez diverses, de Grande-Synthe dans le Nord à Ajaccio en Corse. La démarche d’Emmanuel Naud à Tremblay-en-France est unique, permise par un contexte économique très particulier. La modalité,le versement annuel d’une somme relativement modeste, est sensiblement éloignée des réflexions menées au niveau national sur le Revenu universel d’activité. Des économistes de d’université de Marne-la-Vallée s’intéressent à ce projet, qui pourrait constituer la première expérimentation grandeur nature (28.000 bénéficiaires) d’une forme de revenu universel en France. 

Le maire actuel, aux commandes depuis 29 ans, est vent debout contre cette proposition qu’il qualifie d’anticonstitutionnelle. Pourtant, depuis la loi NOTRe de 2015 la commune reste le seul niveau administratif qui dispose d’une « clause générale de compétence », lui permettant d’intervenir dans tous les domaines dès lors que son action présente un intérêt pour son territoire. Aucune disposition légale ne semble donc s’opposer à la réalisation d’un tel projet à Tremblay-en-France. Sauf la volonté des habitants.

Verdict dans les urnes le 15 mars. 

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