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Hormis Emmanuel Macron, y-a-t-il encore des candidats ayant VRAIMENT envie d’être président dans le pays ?
©Francois Mori / POOL / AFP

Feu sacré

Avec la crise de défiance des citoyens envers les hommes politiques, les mouvements sociaux actuels et les partis politiques qui ne veulent pas le pouvoir une fois qu'ils en ont l'opportunité, il semblerait que la fonction présidentielle n'est plus aussi prisée qu'auparavant.

Maxime  Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est un haut fonctionnaire français, qui a été conseiller de Nicolas Sarkozy sur les questions relatives à l'immigration, l'intégration des populations d'origine étrangère, ainsi que les sujets relatifs au ministère de l'intérieur.

Il commente l'actualité sur son blog  personnel

 

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Atlantico : Existe-t-il une crise de la fonction présidentielle en France ? Si oui, à quoi est-elle due et à quoi ressemble-t-elle ?

Maxime Tandonnet : Oui il y a une très grave crise de la fonction présidentielle en France. Dans la philosophie de la Ve République instituée par le Général de Gaulle et Michel Debré, le président de la République est le chef de la nation, au-dessus de la mêlée, impartial, chargé de fixer un cap au pays, de le représenter à l’international, garant de sa sécurité et de son intégrité territoriale. Il délègue au Premier ministre et aux ministres le gouvernement du pays au quotidien et la direction de la majorité. Son autorité repose sur la confiance du peuple. Un président de la République impopulaire est inconcevable. Il est illégitime. Quand un chef de l’Etat perd le contact avec le peuple, il pose la question de confiance à travers un référendum. Et s’il échoue, il démissionne. On voit bien que la fonction présidentielle n’a plus rien à voir avec cette conception. Le chef de l’Etat, surtout avec le quinquennat adopté en 2000, est devenu bien au contraire un super-Premier ministre, médiatisé à outrance et papillonnant d’un sujet à l’autre en donnant l’illusion de s’occuper de tout à la place du Gouvernement. De temps en temps, il se met en retrait pour laisser le Premier ministre assumer les catastrophes (taxe carbone, réforme des retraites). Mais personne n’est dupe. Considéré comme l’unique responsable de la situation du pays, il devient extrêmement impopulaire, voire détesté. Depuis François Mitterrand, en dehors des périodes de cohabitation, les présidents sont tous plus impopulaires les uns que les autres. C’est une anomalie évidente.  

Y a-t-il encore des candidats ayant véritablement envie d'être président ? Qu'est-ce que cela dit de nos hommes politiques ? De notre société ?

Il n’y a pas de candidat, à ma connaissance, qui ait la notion de ce qu’est un président de la République, c’est-à-dire un sage, visionnaire, impartial, une autorité morale incarnant l’unité nationale, la permanence et le destin de la France tout en déléguant au Premier ministre et à une majorité élue sur un programme politique le pilotage au quotidien du pays. Nous en aurions pourtant bien besoin en ces temps chaotiques et troublés. En revanche, sans doute il y a-t-il beaucoup de candidats à la succession de M. Macron qui rêvent de s’installer sous les dorures de l’Elysée pour faire à peu près la même chose que lui c’est-à-dire le coup d’éclat permanent en vue d’occuper le paysage médiatique et de préparer la réélection. Des candidats potentiels, il n’en manque pas. Le problème c’est que, sauf surprise, produits du déclin de la culture politique, ils n’ont pas la capacité intellectuelle de concevoir ce que doit être la mission authentique du chef de l’Etat : le protecteur des Français et l’homme du long terme, plutôt que le feu follet bavard et virevoltant que les Français ne supportent plus. 

Est-ce propre au système politique français ? Comment palier à cette crise de la fonction présidentielle ?

C’est une spécificité française en effet, une sorte d’autocratie virtuelle, impuissante et déconnectée de la réalité et du peuple. On ne peut pas le comparer au système américain qui est une fédération pourvue d’un puissant Congrès.  En Europe, le régime politique classique est parlementaire, reposant sur une ou deux assemblées qui contrôlent le gouvernement (en Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Italie). Certes, aucun système n’est parfait et tous ont leurs défauts. Le présidentialisme français est particulièrement pervers et explique en partie le déclin du pays sur le long terme. Il repose tout entier sur l’élection d’un personnage c’est-à-dire sur une image médiatique aisément manipulable, et non sur un choix de société ou un projet collectif. Il repose sur l’émotion de la foule médiatisée et non sur l’intelligence et le bon sens populaire. L’élection législative, qui ne fait qu’entériner la présidentielle, a perdu tout intérêt et toute portée. Ce personnage élyséen est ensuite obsédé par la mise en œuvre de quelques promesses démagogiques et sans cohérence qu’il a inventées pour être élu. En effet, il lui faut prouver qu’il a réalisé ses promesses aussi absurdes soient-elles, pour être réélu, ce qui est son obsession permanente. Pendant cinq ans, il peut faire et dire absolument n’importe quoi, quitte à se rendre insupportable, à provoquer la violence et le chaos, sans risquer la moindre sanction. Ce système, qui substitue la vanité d’un personnage au sens du bien commun de la nation est proprement scandaleux et indigne de la démocratie française. Il contribue au recul de la France.  Il n’y a pas besoin de changer la Constitution et d’ouvrir le grand chantier mégalomane d’une VIe République. Il suffirait d’appliquer la Constitution de la Ve avec un président impartial et un Premier ministre qui gouverne sous le contrôle du Parlement. Il faudrait que l’Assemblée nationale soit élue avant le chef de l’Etat pour rendre au Parlement sa souveraineté et restaurer un Premier ministre digne de ce nom. Il faudrait aussi mettre fin à l’expérience délétère du quinquennat et restaurer un septennat, sans réélection possible, pour rendre au président de la République sa mission de garant de l’unité nationale, de la paix civile et de l’intégrité du territoire au-dessus de la mêlée, de boussole dans la tourmente. Et restaurer la confiance populaire dans le chef de l’Etat. 

Propos recueillis par Edouard Roux

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