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Les emojis de moins en moins rigolos, de plus en plus politiques
©Mark RALSTON / AFP

A l'insu de notre plein gré

Les nouvelles générations d'émojis sont prises d'assaut par les études de genre.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico : A chaque année ses nouveaux émojis. Cette année 2020 signe l'apparition de nouveaux animaux, mais aussi et surtout de personnages "non-genrés", particulièrement attendus par les utilisateurs. Parmi eux, un homme avec un voile blanc, une femme en costume et noeud papillon....Qu'est ce que cela veut dire de notre société ? Aujourd'hui, l'utilisation des emojis est elle le vecteur d'un message politique ? 

Bertrand Vergely : Nous assistons aujourd’hui à la troisième phase du mariage pour tous. La première a été le mariage. La seconde, les enfants et la famille. Maintenant, une troisième phase a commencé : celle de la prise d’assaut des esprits et des mentalités par le biais de la théorie du genre.

Jusqu’à présent, nous avons connu un monde fondé sur le couple homme/ femme pour se marier et pour faire des enfants afin de reproduire l’humanité. Aujourd’hui, trois groupes idéologiques ont décidé d’en finir avec ce qu’ils appellent un certain modèle d’humanité : le mouvement gay militant, le féminisme radical et l’ultralibéralisme.

S’agissant des militants gays, voulant que l’homosexualité rentre désormais dans les mœurs comme une sexualité tout à fait naturelle ceux-ci ont mis en place un système qui est présentement couronné de succès. Désormais, avec le mariage pour tous, la PMA et bientôt la GPA, le couple homosexuel est un couple comme un autre, capable en théorie de faire des enfants comme les hétéros. Il faut dire en théorie, parce que les choses ne sont pas si simples.

On pourrait dire que tous les couples se valent si deux hommes et deux femmes pouvaient faire des enfants entre eux. Or, ils ne le peuvent pas. Pour faire un enfant, le couple homosexuel a besoin que le couple homme-femme existe, deux hommes ne pouvant pas faire un enfant sans l’utérus, les militants gays le savent. Ils ont beau avoir obtenu le mariage, la PMA et potentiellement la GPA, deux  hommes ne peuvent pas avoir un enfant sans l’utérus d’une femme  et deux femmes sans le sperme d’un homme. Réalité gênante, celle-ci signifiant que le couple homme-femme demeure le couple fondateur incontournable de l’humanité.  Qu’on le veuille ou non, il n’y aura jamais égalité de couples entre homos et hétéros, le couple homo étant une sexualité alors que le couple hétéro est le fondement non seulement de la sexuation mais surtout de la reproduction de la vie ; l’égalité dont ils rêvent passe mal parce qu’elle ne peut pas passer. D’où leur nouvelle stratégie fondée non plus sur le combat politique afin d’obtenir des droits, mais sur la culture, la pensée et les mentalités.

Imaginons que demain, ce ne soit pas la loi qui reconnaisse aux homosexuels des droits égaux aux hétéros mais la société entière en vertu de sa façon de penser. Imaginons que demain, tout le monde se mette à penser que le couple homosexuel est un couple comme un autre et surtout que le couple hétérosexuel ne jouit d’aucun caractère incontournable. Le tour est joué. Bien mieux qu’avec le droit et la politique. L’homosexualité militante a vraiment gagné.

Pour parvenir à ce changement les choses ont commencé par le fait de voir dans le trio père-mère-enfant un modèle culturel bourgeois, terriblement conservateur, voire fasciste. Puis, la lutte idéologique s’est accélérée avec la théorie du genre expliquant que le sexe n’existe pas. C’est un genre fabriqué par la culture et notamment par des injonctions performatives du style « Sois viril » ou « Sois féminine ». D’où le projet de supprimer le sexe afin de le remplacer par le genre avant de supprimer le genre afin de faire advenir un monde où il n’y aura plus ni sexe ni genre parce que l’on aura décidé d’être ce que l’on veut comme on se sent.

Aujourd’hui, à travers les émojis représentant un homme avec un voile de mariée et une femme en smoking, on n’est plus dans la théorie du genre mais dans le transgenre. Curieusement, on revient à la différence sexuée homme-femme sur le mode trans. Ce qui n’est pas bête. Imaginons que demain tout le monde devienne trans. Le couple originaire homme-femme est vraiment supprimé. En même temps, constatons le, cette situation est tout simplement tragique. Pour en arriver là, faut-il que l’on soit mal ! Faut-il que l’on ne sache plus quoi faire pour abolir le couple homme femme !

Les gays militants sont soutenus dans leur combat par le féminisme radical qui rêve d’abolir le patriarcat et par l’ultralibéralisme qui milite pour le libre choix généralisé comme mode de régulation du monde. Là aussi faut-il que le féminisme radical soit mal en point pour vouloir à la fois éliminer la virilité et accepter que celle-ci refasse surface sous la forme de femmes transformées en hommes. Faut-il que le libéralisme soit lui aussi mal en point pour croire que le libre choix peut avoir raison de la différence des sexes et du couple originaire homme-femme. D’une façon générale, faut-il que les mouvements de libération aillent mal pour en arriver à diffuser la théorie du genre et du transgenre à travers images totalement infantiles pianotées sur un portable.

En 1978 Vaclav Havel a pressenti l’effondrement du communisme à travers un marchand de légumes faisant de la propagande révolutionnaire au milieu de ses poireaux et de ses patates. Quand on mélange propagande et choux fleurs pour changer les mentalités on est dans un AVC moral et intellectuel. Les contorsions qu’utilise la théorie du genre pour changer les mentalités via les émojis relèvent du naufrage intellectuel et moral.

Nos emojis sont-ils réellement le reflet de notre société ou une caricature de celle-ci ? 

Les émojis sont plus qu’un reflet de notre société et plus qu’une caricature dans le cas qui nous occupe. Ils sont le reflet d’une certaine façon de prendre le pouvoir idéologique dans le monde qui est le nôtre. Quand on veut s’emparer des esprits, il y a une façon commode d’y parvenir : procéder d’une façon décontractée, décomplexée, ludique et humoristiques. Ainsi, ramenons le couple homme-femme à un couple trans dans lequel l’homme est une femme et la femme un homme. Faisons cette réduction en passant par un biais enfantin manipulant pub et BD. Le tour est joué. En prenant les choses à la légère, on les rend banales et naturelles. Qui va oser s’insurger contre le couple trans à la sauce émoji ? Personne. Qu’un malheureux s’y essaie : il va immédiatement se faire rembarrer en apparaissant comme un sinistre imbécile dépourvu d’humour. Si bien que pour ne pas être taxé de « vraiment pas drôle» , il va laisser passer. Aujourd’hui, ce sont les émojis qui deviennent trans. Demain ce sera autre chose, sur un ton toujours aussi décomplexé, décontracté, ludique et humoristique. Le couple trans devenant un couple sympa, marrant, mignon, drôle, celui-ci va être banalisé. Étant banalisé, les militants de la cause gay, du féminisme anti-patriarcale et de l’ultra-libéralisme s’imagineront ainsi avoir gagné.

Finalement, pouvons-nous passer outre les emojis? Sont-ils de simples logos virtuels ou détiennent-ils un rôle plus important ? 

Les émojis font désormais partie de notre vie quotidienne. Pas un SMS sans que l’on y rajoute un ou plusieurs émojis. Ce sont des soutiens affectifs permettant de survaloriser émotionnellement le message que l’on entend faire parvenir. Avec les émojis on accède au niveau de la métalangue.

Dans la bande dessinée Lucky Luke, l’un des personnages est un muletier qui, quand il parle à ses mules, les injurie. Pour représenter les injures le dessinateur n’a plus recours au langage parlé mais à des images représentant du feu, des éclairs, de la foudre. Le lecteur comprend fort bien que le muletier ainsi représenté est un personnage très primitif, très fruste, très sauvage.

Les émojis relèvent de l’écriture populaire, enfantine et ludique. Dans le cas qui nous occupe, à savoir la théorie du genre et du transgenre, on a affaire à une intrusion dans le langage populaire, enfantin et ludique, d’éléments proprement politiques et idéologiques qui ne sont plus du tout populaires, enfantins et ludiques. On est dans la propagande au sens pur qui utilise des canaux de communication courants afin d’envoyer des messages subliminaux. Ce qui est l’exemple même de la stratégie totalitaire afin de s’emparer du pouvoir et des esprits.

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