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Comment la gaullôlatrie a accéléré la disparition du gaullisme
©VINCENT KESSLER / POOL / AFP

Bonnes feuilles

Paul-François Paoli publie "Aux sources du malaise identitaire français" aux éditions de L’Artilleur. Depuis la disparition du général de Gaulle, un spectre hante toujours plus la France : celui de l'identité. Les Français ne savent plus qui ils sont. Extrait 2/2.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Les Français semblent avoir trouvé un moyen original de se débarrasser de l’héritage gaullien. Encenser de Gaulle voire l’idolâtrer pour mieux dissoudre ses fondamentaux. De toutes parts et de tous bords, ce n’est que gaullophilie. On a l’impression qu’un concours de gaullolâtrie s’est emparé de ce pays. La mode gaulliste a commencé avec Régis Debray et son À demain de Gaulle qui était d’ailleurs un bon livre, paru dans les années 90 (Gallimard). On ne parle jamais mieux d’une chose que lorsqu’elle vient à manquer disait Jacques Lacan. C’est si vrai pour de Gaulle. De Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Macron chacun y va de son couplet. Les intellectuels ne sont pas en reste et même Catherine Clément, qui fut de toutes les modes marxistes et structuralistes découvre aujourd’hui celui qu’elle n’avait cessé de snober. C’est tout juste s’il n’a pas inventé l’antifascisme. Pauvre de Gaulle a-t-on envie de dire ! N’est-ce pas ceux qui le critiquent et l’attaquent qui le maintiennent en vie ?

Dans De Gaulle 1969, l’autre révolution (Perrin, 2019) Arnaud Teyssier, président de l’Institut Charles de Gaulle et auteur d’excellentes biographies, remet les pendules à l’heure. Son livre est fondamental pour comprendre pourquoi et comment on a enterré de Gaulle qui, d’une certaine manière, est le surmoi culpabilisant d’une France démoralisée. Les Français pardonneront-ils un jour le mépris de celui qui s’écrira : « Hélas pour la France les Francais sont médiocres ». Car non de Gaulle n’était pas un personnage sympathique. Il n’y a pas, n’en déplaise aux émules du vivre ensemble, de grand homme sympa. Les grands hommes, il faut s’y faire, ne sont pas gentils. Les Français n’ont pas autant aimé de Gaulle qu’ils le prétendent. Ils l’ont respecté, admiré et aussi haï, ce qui est logique puisque la haine est la mesure négative de l’amour.

L’amour posthume que la gauche porte à de Gaulle relève en outre ni plus ni moins d’une forme extravagante d’imposture. À cet égard le livre d’Arnaud Teyssier tombe bien. Hidalgo et Mélenchon seront sans doute ravis d’apprendre tout le respect et l’estime que le Général avait pour Franco qu’il ira visiter en 1969 et à qui il déclara que son règne avait été bénéfique pour l’Espagne. De quoi enrager nos antifa ! La droite de son côté sera heureuse de savoir le dédain que de Gaulle avait pour ces élites françaises qui cherchent depuis si longtemps la reconnaissance des puissants. L’Allemagne en 1940, L’URSS après-guerre, les États-Unis aujourd’hui. Non, décidemment les grands hommes ne sont pas faits pour être aimés. Ils échappent d’une certaine manière à la loi du pathétique humain. On mesure la décadence de ce pays aussi à son extraordinaire propension pour le pathos. Dès que nous avons fini de pleurer la mort de Johnny Halliday, le héros de Saint-Barth, nous voilà pleurant sur Jean d’Ormesson puis sur Charles Aznavour. « Les peuples n’ont de grands hommes que malgré eux » : cette formule de Nietzsche semble avoir été écrite pour Charles de Gaulle. Nous remettrons-nous jamais de ne plus être le centre du monde, sauf le temps d’un match de football, d’un défilé de mode ou d’une émeute ? La grandeur n’est pas un statut. Elle n’a pas de siège permanent à l’ONU. De Gaulle donc. Il est impossible de ne pas lui reconnaître l’essentiel même si on désapprouve son action ici ou là. Sa grande réussite aura été de parvenir à faire d’un pays vaincu et humilié une nation débout en 1945. Et d’avoir reconstruit des institutions qui ont duré jusqu’à nous. Sur ce plan de Gaulle est un indéniable génie politique. Son grand échec est bien sûr l’Algérie qui continue de peser sur nous, à travers une immigration et un ressentiment insupportable. Si de Gaulle était un catholique épris de justice qui méprisait l’argent il était anthropologiquement un homme de droite qui croyait aux hiérarchies et à l’autorité. Le gaullisme sentimental est la négation du gaullisme fondamental : ce qu’il fallait démontrer.

Extrait du livre de Paul-François Paoli, "Aux sources du malaise identitaire français", publié aux éditions de L’Artilleur

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