Epidémie de gastro-entérites : tout ce qu’il faut savoir pour éviter d’attraper le norovirus<!-- --> | Atlantico.fr
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©D.R.

Des norovirus très tenaces !

Une épidémie de gastro-entérites s'abat sur tout le territoire français. Comment éviter d’attraper ces norovirus qui ne facilite pas la vie ? Stéphane Gayet vous donne des moyens efficaces pour éviter la contamination.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Selon un article du Daily Mail, le "norovirus", plus connu sous le nom de gastro-entérite, a signé son grand retour. Particulièrement tenace, le virus survit à l'air libre et même dans l'eau plusieurs jours.

Atlantico : Comment éviter toute contamination ?

Stéphane Gayet : Il est toujours utile de rappeler que les virus ne sont pas de la matière vivante à proprement parler. Car la matière vivante est constituée de cellules vivantes. C'est le cas de notre corps (plus de 10 000 milliards de cellules) ; et c'est aussi celui des bactéries (une seule cellule). Une cellule respire, synthétise des molécules et a donc un métabolisme. Ce qui n'est pas le cas des virus. Un virus est une entité biologique para-vivante qui « existe sans vivre » et utilise les ressources de la cellule, qu'il parasite de façon obligatoire. Puisqu'un virus ne vit pas, il ne naît pas et ne meurt pas non plus. Tant qu'il a toute son intégrité biologique, il est potentiellement infectant. Sa place « normale » est à l'intérieur d'une cellule. Pour se faire une idée du rapport de volumes, une cellule humaine peut contenir de l'ordre de 5000 fois le volume d'une bactérie, qui elle-même peut contenir de l'ordre de 5000 fois le volume d'un virus.

Quand un virus se trouve dans une cellule, il peut être en phase de réplication active (c'est la cellule qui réplique le virus), ou être en phase de latence virale (en général, dans ce cas son génome est intégré à celui de la cellule).
Quand un virus se trouve en dehors d'une cellule, il est en état de persistance virale. C'est dans cette situation qu'intervient la notion de résistance physico-chimique du virus. Certains virus ont une enveloppe ou peplos (du grec : manteau). Cette enveloppe caractérise les genres de virus enveloppés, les autres sont qualifiés de virus nus. Or, les virus nus sont beaucoup plus résistants sur le plan physico-chimique que les virus enveloppés ; c'est lié au fait que les virus ne sont pas vivants.

Les virus des gastro-entérites aiguës virales sont pratiquement tous des virus nus. Ils résistent aux attaques chimiques de l'estomac et de l'intestin. Ils persistent souvent longtemps dans le milieu extérieur. Ils se conservent remarquablement en cas de froid négatif très intense (conservation en congélateur et surgélateur).
Dans les pays industrialisés, mais aussi les pays en développement, les virus sont la principale cause de diarrhée et surtout en hiver. Lors d'une gastroentérite aiguë virale (GEAV), il existe une fatigue, une diarrhée liquide, une gêne abdominale et des nausées ; les douleurs abdominales, les vomissements et la fièvre sont fréquents. Une GEAV guérit spontanément.
Le rotavirus est la principale cause de GEAV sévère chez l'enfant. Le norovirus est la principale cause de GEAV épidémique tous âges confondus. Le nom rotavirus vient de l'aspect en rayons de roue au microscope électronique. Le nom norovirus vient de la ville de Norwalk, située dans le Connecticut (comme du reste la ville de Lyme).

Avec les norovirus, il existe deux façons pour l'être humain de se contaminer. La première est la contamination d'individu à individu, dite interhumaine. Elle peut être directe de main à main, ou indirecte par l'intermédiaire d'un vecteur. Dans ce cas, un vecteur est un élément contaminé par une main et ensuite touché par une autre main (exemple typique : un essuie-main en tissu à utilisateurs multiples). Les vecteurs potentiels sont nombreux : poignées, télécommandes, rampes, mains courantes, interrupteurs, accoudoirs, écrans tactiles… Lorsqu'une personne est en phase active de GEAV, elle excrète dans ses selles diarrhéiques des milliards de particules virales (virions). Il est vraiment difficile de débarrasser complètement ses deux mains de particules virales après avoir été aux toilettes, quand on est malade ; et d'autant plus que notre mauvais état ne nous incite pas à prolonger le lavage ou la désinfection de nos mains en sortant des toilettes. Cela signifie que les premières mains touchées ou les premiers vecteurs touchés en subiront les conséquences. C'est d'autant plus dangereux qu'avec les virus des GEAV, il faut très peu de virions pour se contaminer efficacement (faible dose minimale infectante).
Le deuxième mode de contamination avec les norovirus est la voie alimentaire. Le risque est faible avec l'eau du réseau, en raison d'une très grande dilution des virions. Il est en principe maitrisé avec les aliments cuits, car la cuisson inactive les virus. Mais il y a des aliments à haut risque, ce sont les fruits de mer mangés crus, et tout particulièrement les huîtres qui concentrent les norovirus et donnent de temps à autre des foyers épidémiques de GEAV à norovirus d'origine alimentaire.
Un communiqué de presse de la préfecture d'Ille-et-Vilaine, en date du 3 janvier 2020, signale la présence d'un norovirus dans deux zones de production du littoral et interdit la pêche, le ramassage, l'expédition ainsi que la commercialisation de tous les coquillages en provenance de ces deux zones de production, jusqu'à nouvel ordre.

Comment éviter toute contamination ? C'est difficile, étant donné ce que nous avons vu. Fuir les restaurants et brasseries dont les toilettes ne correspondent pas aux règles élémentaires de propreté et d'équipements pour le lavage et l'essuyage des mains. Ne jamais s'essuyer les mains avec un essuie-mains à utilisateurs multiples. A la maison, individualiser les essuie-mains. Éviter de serrer des mains et se laver ou se désinfecter systématiquement et efficacement (produit, technique) les mains avant de les porter à sa bouche et avant de toucher toute nourriture ou tout élément qui va aller dans la bouche. Être très méfiant vis-à-vis des huîtres si une alerte est lancée, comme c'est le cas en Ille-et-Vilaine actuellement.

Atlantico : Le nombre de cas en 2019 par rapport à 2018 a bondi : +48% ! Comment expliquer ce phénomène ?

Stéphane Gayet  : Il y a de moins en moins de personnes qui se lavent ou se désinfectent les mains avant de manger ou avant de toucher de la nourriture. On en fait souvent la constatation. Les précautions, c'est pour les autres. C'est un peu comme pour la conduite automobile (feux, limitations de vitesse, distances de sécurité, stop…) et la prévention en général.
Notre société multiplie les vecteurs : transports en commun, écrans tactiles, barre d'appui, télécommandes, téléphones…
On est toujours pressé, donc on n'a pas le temps ni l'idée de se laver ou se désinfecter les mains. On se serre la main « à la française » partout et à toute occasion. On se pense invulnérable, immunocompétent, etc.
Avec les vaccins et les antibiotiques, on a perdu -si tant est que l'on ne l'ait eue un jour- la culture de sécurité microbienne. Il n'est pas exagéré de dire qu'on a banalisé la contamination microbienne et l'infection.

Atlantico : Certains médecins recommandent de boire de l'eau et de se reposer. La tranquillité est-elle réellement le meilleur moyen pour résoudre nos maux ?

Stéphane Gayet : Il faut penser à ne pas contaminer les autres par ses mains (civisme). Quand on est atteint de GEAV, on n'a de toute façon aucun appétit et on a soif en raison de la déshydratation due à la diarrhée aiguë. Il faut donc en effet boire de l'eau, mais cette eau doit être minéralisée (l'eau du réseau l'est en général insuffisamment). On peut ajouter un peu de chlorure de sodium dans l'eau si l'on ne dispose pas d'une eau fortement minéralisée. On peut citer Hépar, Contrex, St Yorre…
Pour les nourrissons, il existe en pharmacie des produits spécialement conçus pour la réhydratation orale.
Le repos est en général imposé par l'état. Il est toujours salutaire, évidemment. Mais cela ne suffit pas : il est très utile de prendre un adsorbant intestinal, comme de la povidone (BOLINAN), la diosmectite (SMECTA) ou tout autre produit de type « pansement et adsorbant intestinal ». En revanche, il faut vraiment éviter en cas de GEAV le lopéramide (IMODIUM), car ce médicament va à l'encontre du processus diarrhéique qui est un processus épuratoire bénéfique.
Il faut éviter tous les aliments et les boissons irritants pour le tube digestif, notamment le café, l'alcool et les jus de fruit. Le riz et les pommes de terre cuits à la vapeur font partie des aliments à conseiller.

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