Atlantico : Ce constat est partagé par Emmanuel Macron et les courants populistes, mais chacun échoue à la faire revivre. Pourquoi, tout en multipliant les solutions hommes politiques et courants politiques diverses ont-ils échoué à donner un nouveau à la démocratie ?

Edouard Husson : Cela commence toujours de la même façon, quel que soit le pays. Le sentiment d’appartenance à l’élite l’emporte sur l’envie de débattre au sein des élites. Les milieux dirigeants, au fond, ne mènent plus que des débats factices. Progressivement, par réaction, il se crée un populisme qui est l’exact miroir de l’élitisme. La droite et la gauche disparaissent, au moins comme forces politiques organisées. En France, c’est l’adhésion à l’Europe qui a joué ce rôle-là. En 1978, Jacques Chirac s’oppose vigoureusement à l’Europe fédérale que Valéry Giscard d’Estaing a en tête. D’ailleurs, en 1981, Giscard perd, à la fois parce qu’il a voulu faire la politique de la gauche sur les questions de moeurs et parce qu’il s’est affirmé comme un président mondialiste, qui voulait abolir les débats politiques au profit d’un grand rassemblement au centre. Emmanuel Macron n’a rien inventé, il n’est que le dernier des giscardiens. Auparavant, nous avons assisté à l’abandon par François Mitterrand de son programme social-démocrate au profit de la doctrine monétariste de Giscard et Barre, qu’il avait combattue avant 1981. Perdant par deux fois sa majorité à l’assemblée, le président Mitterrand décide de cohabiter avec Jacques Chirac puis avec Edouard Balladur. Les droite et gauche dites de gouvernement sont progressivement sorties de l’affrontement entre elles. La montée du Front National qui se voulait « économiquement de droite, socialement de gauche et nationalement de France », selon l’expression de Jean-Marie Le Pen, est le miroir tendu à la droite et à la gauche, quand elles ne veulent plus débattre entre elles. Le système de non-débat au sein des élites s’aggrave sous Jacques Chirac et cela donne l’élection présidentielle de 2002, où Jacques Chirac, candidat des élites européistes et mondialistes affronte au deuxième tour Jean-Marie Le Pen, candidat populiste.  Le cycle se reproduit de 2002 à 2017: Nicolas Sarkozy essaie de reconstruire la droite mais n’en prend pas complètement les moyens; François Hollande, pour l’affronter en 2012, offre une parodie du mitterrandisme de sa jeunesse en matière de fiscalité, de déclarations contre la finance etc... Et puis les deux présidents se remettent au centre et tout cela finit par un nouvel affrontement entre le candidat des élites et la candidate du peuple. Pour le plus grand profit des élites, qui arrivent toujours à disqualifier le populisme. 

Emmanuel Macron pensait que donner davantage la parole aux citoyens résoudrait une partie du problème. L'échec est cuisant, pourquoi cette solution ne fonctionne-t-elle pas ?