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Emmanuel Macron confirme « sa raison d’être » qui est de réformer la France pour éviter la « chienlit » et satisfaire ceux qui ont voté pour lui
©MICHEL EULER / POOL / AFP

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Le président de la République reconnaît de fait qu'il existe un bras de fer entre le pouvoir politique, dont la mission est de produire le droit, et le pouvoir des minorités corporatistes qui veulent imposer leur loi.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le président de la République a principalement choisi de parler plus à ceux qui lui ont permis d’accéder au pouvoir qu’à ceux qui manifestent contre ses projets et il a raison. Et pour cause, il a pour lui la légitimité politique que lui donnent les institutions et le résultat des différents scrutins. Mais actuellement, tous ceux qui s’opposent à l'évolution qu‘il porte sont suffisamment nombreux et organisés pour le bloquer. C’est bien son problème et au-delà, le problème du pays. 

La modernisation nécessaire pour répondre à la nouvelle donne internationale et aux défis de la technologie crée tellement de mécontents et attaquent tellement de situations particulières et confortables que ceux-ci ne sont pas loin d’espérer pouvoir arrêter le mouvement. 

Le général de Gaulle appelait cela « la Chienlit ». Une situation très contradictoire où personne ne respecte plus aucun pouvoir et où tous les coups sont permis au profit des conservateurs qui souhaitent que rien ne change. Le général de Gaulle voulait changer la France dans le respect de l‘ordre et de la loi. 

Emmanuel Macron n’est évidemment pas le Général de Gaulle, la situation du pays est très différente, mais la France est à nouveau coupée en deux entre la France qui veut bouger et la France qui cherche à se protéger des risques et des incertitudes, plutôt que de les assumer pour s’y adapter. 

Le problème de la gouvernance ressort assez bien du discours délivré le 31 au soir par le président. Emmanuel Macron se retrouve paralysé (le mot n’est pas trop fort) par deux phénomènes qui sont d’ailleurs propres aux vieilles démocraties. 

Le premier phénomène est une remise en cause permanente de la légitimité politique par l’opinion publique et les composantes du corps social.  

Le deuxième phénomène est de s’affranchir des contraintes financières dans le développement de projets économiques et sociaux.

Premier phénomène, comment restaurer en permanence la légitimité politique quand le pouvoir élu démocratiquement sur la base d’un projet est en permanence remis en cause par l’opinion publique, les médias, les réseaux sociaux et les syndicats ? 

La démocratie aujourd’hui oblige les candidats au pouvoir à faire un certain nombre de promesses que l’opinion publique empêchera de réaliser une fois au pouvoir.

Il ne s’agit pas de s’interroger sur le bien-fondé des manifestations ou des mouvements sociaux, mais entre les gilets jaunes et maintenant différents syndicats, le modèle social français, est en risque de faillite s’il n’est plus en mesure de faire respecter la hiérarchie des pouvoirs. La gouvernance démocratique est issue d’un vote politique. L’exécutif tenu par Emmanuel Macron s’est installé aux manettes à l'issue de l’élection présidentielle et compte tenu d’une offre politique qui a été expliquée et reçue. Le pouvoir législatif a été lui-même élu pour apporter à l’exécutif un appareil capable de produire le droit. 

En théorie, les décisions prises par l‘exécutif et fabriquées par le législatif disposent d’une légitimité que donne la Constitution. Mais on s’aperçoit bien que cette logique soit théorique. 

Les partis extrémistes, de droite comme de gauche, réclament un jeu démocratique quotidien, et même une reconnaissance des pouvoirs minoritaires à imposer certaines lois contre l’avis majoritaire. Quand ça n’est pas la revendication d’organiser des referendum en permanence. 

Plus grave dans le domaine social notamment, la majorité des chefs syndicaux considèrent que la fabrication du droit social, est de leur seule compétence ; la CGT par exemple, nie à l’état le droit de présenter une loi réformant des pans entiers du droit social sans son accord. 

Et pour exercer ce pouvoir, contre la représentation politique, les syndicats ont recours à la grève dans des secteurs stratégiques comme les transports publics. 

On en arrive à des situations assez ubuesques puisque sur la question des retraites, les syndicats qui représentent moins de 20% du total de salariés, ou même les grévistes de la SNCF qui sont moins de 6000  (sur les 100 000 cheminots) réussissent à imposer des décisions à l'ensemble des salariés et même à l'ensemble de la population, puisque la SNCF transporte chaque année 80 millions de salariés. 

La gêne entrainée par la grève donne un pouvoir colossal aux incitateurs du mouvement de résistance sociale et du coup, tient lieu de légitimité qui s‘impose à la légitimité politique. Cette dérive est évidemment très dangereuse. 

Le deuxième phénomène qui risque de déséquilibrer la démocratie est alimenté par la tendance à s’affranchir des contraintes financières dans la prise de décision sociale par exemple ou dans la gestion des choix budgétaires. Le débat actuel sur les retraites a permis de souligner qu’il y avait des syndicats responsables et co-gérants du modèle social qui étaient prêts à ne pas prendre en compte la dimension financière. D’où le refus par beaucoup de syndicats de prendre de mesures budgétaires pour stabiliser définitivement la situation des régimes de retraites. 

Qu’il y ait débat sur les modalités du financement entre les cotisations, les retraites et l'âge de départ, c’est une évidence. Mais que les principaux partenaires sociaux s’opposent à toute mesure de rééquilibrage ou d’ajustement préalable à la réforme ne paraît pas responsable. Que les groupes de pression défendent leurs intérêts est évidemment légitime, mais qu'ils en arrivent à considérer que le rééquilibrage n’a aucune importance paraît très dangereux. 

Cette situation ne se limite pas seulement à la question des retraites. On la retrouve à tous les niveaux de la gestion de l’argent public, budget et affaires sociales. 

Tout se passe comme si l’État pouvait s’affranchir de la contrainte financière et ignorer qu‘il existe des murs de réalité qu'on ne peut guère franchir sans prendre le risque de céder un peu de liberté. 

Le refus de prendre en compte l’équilibre des coûts et des recettes est en général justifié par des arguments techniques assez convaincants : la baisse des taux d’intérêt, l’espérance d’une croissance future etc... 

Il s’explique surtout par le refus de prendre parti dans le débat budgétaire qui est pourtant au cœur du débat politique. 

Les partenaires sociaux seraient d’autant plus crédibles et d’autant plus forts s’ils prenaient leur part de responsabilité au niveau de la gestion financière. Or beaucoup ont baissé les bras en laissant à l’Etat le soin de trouver des ressources. Ils ont du coup abandonné une composante de la gestion paritaire à l'Etat. Dans l’assurance chômage, l’assurance maladie et la santé, aujourd’hui la retraite. Mais parallèlement, les partenaires sociaux revendiquent l’exclusivité de la construction du droit social. 

Le pouvoir politique, investi de cette légitimité politique que donne l’élection, est donc contesté dans son rôle de fabricant du droit de vivre ensemble, mais il est surinvesti dans la mission de chercher les ressources fiscales ou parafiscales pour payer la facture du droit social.

Aucun pouvoir politique démocratique ne peut accepter une telle situation qui le met en danger quotidiennement. 

Emmanuel Macron a raison de rappeler « quelle est sa raison d’être », parce que son vrai et seul rôle est de rendre le modèle français plus performant pour le plus grand nombre et pas de protéger la situation de ceux qui renoncent à s’adapter à cette évolution parce qu‘ils en ont peur et qui pourtant font beaucoup de bruit.

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