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Si vous pensez que tout va de mal en pis pour (les habitants de) la planète, voilà le graphique qui vous prouvera l’inverse. Et à quoi vous attendre pour les années 2020
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Bienfaits du libéralisme. Et toc !

Alors que s'ouvre l'année 2020, des données enregistrées lors de la décennie qui vient de s'achever permettent d'avoir un motif d'espoir pour les années 2020.

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari

Ferghane Azihari est journaliste et analyste indépendant spécialisé dans les politiques publiques. Il est membre du réseau European students for Liberty et Young Voices, et collabore régulièrement avec divers médias et think tanks libéraux français et américains.

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Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico.fr : Suite à la publication de données sur les progrès humanitaires lors des années 2010, des résultats surprenants et encourageants ont été constatés dans des domaines majeurs à l’échelle planétaire. Les taux de mortalité infantile, l'extrême pauvreté ou bien encore le nombre de décès liés au SIDA ont notamment fortement baissé ces dix dernières années au regard de ces données : 

EN BLEU : l'extrême pauvreté // EN ROUGE : la mortalité infantile // EN VERT : les morts liées à la pollution // EN VIOLET : les morts liées au SIDA // EN BLEU CYAN : la faim // EN ORANGE : l'illettrisme

Les Sources : 

Johan Norberg, "Progress" // Pour la pauvreté entre 2008-2018 : la Banque mondiale // Pour la mortalité infantile entre 2008-2018 : les Nations Unies  // Pour la pollution entre 2007-2017 : Our World in Data // Pour le SIDA entre 2007-2017 : The Global Burden of Disease Project // Pour la faim entre 2008-2018 : L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture // Pour l'illettrisme entre 2008-2018 : la Banque mondiale

Atlantico.fr : Quel a été le bilan de ces dix dernières années sur ces questions ?  Quelles sont les principales raisons de ces progrès ?  

Ferghane Azihari : Le bilan est assez bon. On pourrait faire mieux. Il serait possible d'aller beaucoup plus loin et de faire beaucoup plus vite dans ces progrès humanitaires. Dans la mesure où l’on a l’habitude d’être assommé dans les médias de mauvaises nouvelles, il est toujours bon de rappeler que contrairement à ce que l’on peut parfois penser, le monde va beaucoup mieux. Les facteurs de cette amélioration sont assez connus des experts en développement économique. Depuis quelques décennies, la mondialisation libérale que l'on accuse de tous les maux permet aux sociétés qui s'ouvrent à elles de devenir plus productives, d'être plus innovantes dans le traitement des maladies, dans la capacité des systèmes agricoles à délivrer une alimentation toujours plus abondante. Tous ces facteurs économiques entraînent à la fois des innovations technologiques, scientifiques, commerciales qui font que les biens de première nécessité sont de plus en plus accessibles en nombre avec les résultats humanitaires que l’on constate. Il y a une diminution des fléaux humanitaires qui jadis entretenaient des taux de mortalité inacceptables et qui aujourd’hui diminuent principalement en Afrique subsaharienne mais aussi en Asie, en Inde, en Chine. 

Les progrès économiques permettent les progrès de l’humanité qui ont été listés. Il y a malheureusement quelques exceptions à ces progrès. Un pays comme le Venezuela par exemple est en proie à une dégradation du contexte humanitaire parce qu’il y a de graves problèmes économiques qui frappent ce pays. 

Quel a été le bilan mondial de ces dix dernières années en matière sociale et de santé ?  Comment expliquer ces avancées et ces progrès majeurs ?  

Bruno Parmentier : Quand on lit ou écoute les médias, qui s’attachent légitimement à lister jour après jour ce qui ne va pas, et relatent avec précision la moindre catastrophe arrivée à des milliers de kilomètres, on a l’impression que le monde va de mal en pis et qu’il y a de plus en plus de violence, de maladies ou de catastrophes en tous genres. Certains annoncent même le déclin et l’effondrement pur et simple de nos civilisations !

En ce tournant de l’année et de la décennie, gardons la tête froide. Les chiffres ne corroborent absolument pas nos impressions. En réalité… le monde va de mieux en mieux et s’améliore relativement rapidement !

Prenons par exemple le taux de mortalité infantile dans le monde. D’après les statistiques de la Banque Mondiale, il est passé de 55 pour 1000 naissances en l’an 2000 à 29 en 2018 comme on peut le voir sur cette belle courbe. Une chute de près de la moitié ! C’est encore beaucoup trop naturellement, mais le progrès est incontestable !

En France… il stagne depuis 10 ans, mais à un des taux les plus bas du monde (entre 3 et 4 pour mille), lequel devient difficilement compressible malheureusement ; en effet une part non négligeable vient de la Nature, qui en quelque sorte corrige son erreur en abrégeant drastiquement la vie des bébés qui naissent avec de trop gros handicaps, ou du comportement des parents, par exemple consommation de tabac ou d’alcool par les femmes enceintes. Mais on revient de loin : d’après l’INED, lors de la Révolution française, un nouveau-né sur trois mourait avant d’avoir atteint son premier anniversaire. Vers 1850, c’était encore un sur six ; un siècle plus tard, en 1950, on en était à un sur vingt. Aujourd'hui ? Trois pour mille, soit une baisse de 99 % en deux siècles. En 2018, il est né 720 000 bébés en France, en nous n’avons eu à déplorer qu’environ 2 700 décès. C’est trop, mais il y a juste un siècle, en 1920, ils auraient été 88 000 !

Bien sûr il reste des disparités inacceptables entre les différents pays du monde. En Afrique sub saharienne on enregistre encore des taux allant entre 50 et 80 pour mille, soit la situation où était la France dans les années 30… Et bien entendu on peut supposer qu’il meurt davantage de bébés en ce moment en Syrie, au Yémen, ou au Venezuela.

Et, ces bébés qui vont vivre, il va falloir les nourrir, les habiller, les instruire, les soigner, leur donner du travail, etc., vaste programme !

Ce qu’on a vu sur la mortalité infantile se retrouve sur nombre d’indicateurs. Même pour les maladies émergentes, qu’on a eu beaucoup de mal à juguler. On a malheureusement déploré dans le monde le décès de 770 000 personnes de maladies liées au sida en 2018, mais c’était quand même trois fois moins que les plus de 2 millions enregistrés au plus fort de l’épidémie, au début des années 2000.

Quant-au cancer, il a tué 157 000 français en 2018, un chiffre énorme, mais heureusement en baisse. En effet le taux de mortalité de cette maladie ne cesse de dimunuer. Les chercheurs estiment, sur la base de l’évolution des taux de mortalité des différents cancers depuis 1988, les progrès de la cancérologie ont permis de sauver près de 5 millions de vies en Europe.

De même le pourcentage d’humains devant survivre en état d’extrême pauvreté (moins de 2 $ par jour) ne cesse de baisser. Il est heureusement tombé à moins de 9 %, ce qui est beaucoup trop, mais représente néanmoins un progrès.

Une des raisons de ces progrès est la baisse du taux de violence dans le monde. Là aussi les chiffres sont contre intuitifs, tant nous pensons, à trop regarder la télé, que le monde est à feu et à sang. En fait il n’y a jamais eu si peu de guerres dans le monde, et les dernières qui subsistent sont finalement nettement moins meurtrières que celles d’avant. Songeons qu'il n'y a pratiquement plus de guerres en Europe, en Amérique et en Asie, 3 continents qui ont pourtant au cours de l'histoire payé un lourd tribut à cette folie des hommes. Les dernières guerres restent concentrées en Afrique sahélienne ou tropicale et au Moyen-Orient. La guerre la plus meurtrière, celle de Syrie, semble avoir fait autour de 400 000 morts, soit l'ordre de grandeur de ce qu’a représenté la guerre d'Algérie, et beaucoup moins, fort heureusement, que celles du Biafra (1 million), du Rwanda (800 000), du Cambodge (2 millions), du Vietnam (1,5 millions). Sans oublier les guerres napoléoniennes (4 millions), la première guerre mondiale (19 millions) et la deuxième (60 millions), ou les victimes de Staline (entre 10 et 20 millions). Les un peu plus de 10 000 morts de la guerre de l’est de l’Ukraine sont absolument  inacceptables, mais observons qu’au siècle dernier, une guerre civile de ce type aurait été infiniment plus dévastatrice ;songeons que la guerre d’avant, celle de Tchétchénie, avait fait 150 000 morts, dans un tout petit pays ! Dans la plupart des régions du monde, la guerre n’est plus vraiment considéré comme un moyen correct de régler les problèmes.

Chez nous en France, on est légitimement traumatisés par les attentats et crimes de toutes sortes, mais au total, ils représentent autour de 800 morts par an, beaucoup trop certes, et absolument inacceptable, mais bien loin des 1 800 qu’on déplorait encore en 1995 et des probablement 4 à 5 000 de 1900, avec une population nettement inférieure.

Et quand nous nous scandalisons, avec raison, des crimes épouvantables de Daesh, et en particulier des décapitations publiques et barbares auxquelles il se livre, qui se souvient que la Révolution française a guillotiné à elle seule 17 500 personnes en place publique, et qu’on considérait alors que l’humanité progressait ?

On compte de l’ordre de 1 million de fumeurs de moins chaque année en France, et la mortalité routière continue à décroître: on en est maintenant à 3 200 morts par an, loin des 18 000 morts de 1972 et des 10 000 de 1992. 

Nous avons déploré 120 à 150 féminicides en France en 2019, il est plus que temps de prendre vraiment ce problème à bras le corps, mais qui peut croire qu’avant qu’on invente ce mot pour mieux cerner le problème, il y avait moins de meurtres de femmes, du temps où on se contentait de parler de « crimes passionnels » ?

Les français continuent imperturbablement à prendre 4 mois d’espérance de vie supplémentaire tous les ans. Au total, 7 ans de vie de plus que nos parents et 14 ans de plus que nos grands-parents. Bien sûr il faudra partager ce gain entre vie en bonne santé et vie diminuée, mais qui veut revenir en arrière, et à qui va-t-on faire croire qu’un homme de 70 ans d’aujourd’hui est en moins bonne santé que son grand-père au même âge ? Il n’y avait que 1 000 centenaires en 1960, maintenant près de 20 000, et ils seront entre 200 et 300 000 en 2060 ! Cela posera évidemment de nombreux problèmes d’équilibre des retraites, de financement de la dépendance et d’adaptation des logements, mais ne boudons pas notre plaisir, on saura bien y faire face.

Bref, sur de nombreux points, la France et le monde vont mieux, beaucoup mieux que ce que nous ressentons ; on peut quand même s’en réjouir en ce début de la 3e décennie du XXIe siècle, en espérant que ces progrès continuent.

Christophe de Jaeger : Ces chiffres sur les baisses de la mortalité infantile, de la mortalité par l’infection au VIH, sur la mortalité liée aux pollutions dans le monde sont en effet très impressionnants et vont complètement à l’encontre de l’impression que nous pouvons avoir de la dégradation de nos conditions de vie lorsque nous écoutons ou lisons la presse en général. Mais il faut également savoir porter un regard critique sur ces chiffres, dont je rappelle que nous n’avons pas la méthodologie et qu’ils sont une moyenne de la situation mondiale. Cette situation mondiale reflète d’énormes disparités en fonction des pays et au sein des pays eux-mêmes. Et c’est là en général un des problèmes des statistiques avec une moyenne qui n’est qu’un chiffre mathématiquement vrai, mais qui cache d’extrêmes disparités.

Prenons l’exemple de la mortalité infantile qui est un paramètre essentiel reflétant parfaitement le niveau sanitaire d’un pays. N’oublions pas que c’est la diminution de la mortalité infantile qui en France a été pendant des années un vecteur majeur de l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance. Le second vecteur, plus récent, a été l’amélioration de l’efficacité des soins pour les maladies chroniques et en particulier cardio-vasculaires entraînant une diminution de la mortalité des séniors, mais pas forcément de leur état de santé.

Cette mortalité infantile mondiale diminue et c’est très bien. Sachant que la mortalité infantile dans les pays occidentaux en revanche ne diminue presque plus ou très peu, car nous avons atteint un minimum « raisonnable » du fait des progrès considérables dans ce domaine de par un meilleur suivi des grossesses, des accouchements et de la petite enfance. Ces progrès médicaux passent de plus en plus vers les pays les plus pauvres et leurs populations en bénéficient heureusement. Et ceci d’autant plus qu’il s’agit de progrès ne nécessitant pas de très hautes technologies et donc peu coûteux. Mais l’amélioration des statistiques sanitaires cachent également d’autres écarts dans une même population où certains, mieux éduqués, plus proches de centres médicaux vont pouvoir bénéficier de tous les progrès modernes alors que d’autres populations resteront dans une situation très précaire. Mais l’état sanitaire général progresse et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Mais tout n’est pas forcément aussi simple, car ne pas mourir ne veut pas forcément dire que l’enfant sera en bonne santé du fait d’un certain nombre de carences nutritionnelles dont il aura été la victime pendant la grossesse de sa mère et/ou après sa naissance. D’où l’importance de la diminution de la pauvreté en général qui permet de penser que la situation sanitaire des jeunes enfants ne pourra que s’améliorer également.

Le même raisonnement peut également s’appliquer à la diminution des décès liés aux affections du VIH, comme à toutes les situations sanitaires en général.

Au regard de ces données et de ces nets progrès, quels sont les motifs d'espérer, grâce aux progrès techniques, économiques, médicaux et scientifiques, pour les années à venir, avec la nouvelle décennie qui s'ouvre avec cette année 2020 ?

Ferghane Azihari : L'Histoire n'est jamais écrite à l'avance. Il y a toujours de bonnes raisons d'espérer mais cette espérance dépendra de la réaction et de l'attitude des sociétés Occidentales et aussi des sociétés non Occidentales à la mondialisation, à l'économie de marché. En Occident on voit monter des idéologies illibérales qui menacent de ralentir ces progrès constatés ces dernières décennies. Mais à contrario, on a des pays émergents, voir des pays du Tiers-monde, une aspiration à l’ouverture à la mondialisation. Quand on regarde aujourd’hui les études et sondages internationaux, on remarque que les opinions publiques les plus favorables à l’ouverture du commerce se situent dans les pays émergents, se situent au Vietnam, se situent en Indonésie, dans les pays d’Asie, dans quelques pays d’Amérique latine. Si cette attitude positive à l’égard de la mondialisation demeure et se renforce, on peut espérer que ces progrès humanitaires se poursuivent de manière continue où soient plus significatifs encore. Cela dépend de cette variable culturelle qu’est l’attitude des peuples à l’égard du commerce et de l’économie en général.

Bruno Parmentier : Déjà, relativisons quand même les progrès. Certains sont en valeur relative (en pourcentage de la population), mais pas en valeur absolue (le nombre de personnes concernées). Car, en matière de chiffres absolus n’oublions pas que l’humanité s’agrandit de 75 millions de personnes chaque année !

C’est le cas par exemple des statistiques sur la faim dans le monde, les gens qui n’ont pas accès à suffisamment de calories alimentaires pour vivre ; on peut observer une espèce de « loi » : quelque soit le nombre d’habitants sur la planète, il y a toujours environ 800 millions de personnes qui ont faim. C’était vrai en 1900, lorsque nous n’étions « que » 1,8 milliards, en 1950, alors que ce chiffre était monté à 2,8 milliards, en 2000, nous étions alors 6,3 milliards… et toujours en 2019, alors que nous sommes 7,7 milliards ! En valeur relative, le progrès est incontestable, puisqu’on est passé de 44 % à 10 % de la population, mais qui peut se satisfaire du pourcentage ? On a vraiment réussi à rendre la guerre relativement désuète dans le monde, est-ce qu’on fera de même pour la faim ? Car, si il y a encore un siècle la faim était pour beaucoup le fruit de la fatalité et de l’ignorance (on n’était pas très bon en agriculture ni en transports internationaux), ce n’est plus le cas actuellement, et la faim n’est plus que le résultat de la cupidité, de l’incurie et de l’indifférence. Or, ce que l’homme a fait ou laissé faire, il peut le défaire, s’il le veut vraiment…

Néanmoins on peut voir les choses positivement : la conscience universelle progresse nettement. Nombre de maux dont on s‘accommodait tant bien que mal auparavant deviennent progressivement scandaleux, comme la pédophilie et les violences envers les enfants, le viol et le féminicide, les inégalités salariales entre les hommes et les femmes, ou encore la peine de mort. Gageons que cette nouvelle capacité de se scandaliser et de s’organiser pour nommer et éradiquer ces phénomènes va continuer dans les années 2020 et que l’humanité va continuer à se civiliser…

Cependant, du point de vue de la santé, ne crions pas trop vite victoire : nous ne mourrons plus des mêmes causes : peste, choléra, tuberculose, lèpre, dysenterie, poliomyélite, pneumonie, rougeole ou syphilis ont cessé de décimer les populations comme elles l’ont fait pendant des siècles. Mais… nous mourrons toujours, seulement de maladies plus modernes, des maladies de l’excès et de l’abondance, cancers, athérosclérose, diabète, maladies cardio-vasculaires, etc. ; elles existaient auparavant, mais peu de gens vivaient assez longtemps pour avoir le loisir de les connaître ! Progressivement, on apprend à les réduire elles aussi.

Il va cependant nous rester à affronter les nouvelles maladies « post-modernes » qui ne manqueront pas d’apparaître. Comme celles qui résultent de notre exposition croissante aux perturbateurs endocriniens, aux microparticules, aux ondes électromagnétiques, aux changements climatiques (qui pourraient faire apparaître de nouveaux virus dévastateurs, ou voir remonter vers les pays tempérés des maladies actuellement cantonnées aux tropiques), ou encore à la baisse d’efficacité des antibiotiques et la montée de l’antibiorésistance. Mais nous n’avons jamais et autant d’armes techniques pour affronter ces nouveaux problèmes. Restons raisonnablement optimistes.

Finalement, la menace principale reste bien le réchauffement climatique. Les événements s’accélèrent et nous allons bien devoir affronter dès cette décennie nombre de conséquences catastrophiques de nos inconséquences, même en France, pays tempéré qui sera l’un des moins touchés : incendies, tempêtes, inondations, sécheresses, canicules, épidémies, etc. Là, il reste à espérer que ce n’est pas trop tard et que la « personnalité de l’année 2019 », Greta Thunberg, qui a déjà réussi à réveiller la jeunesse du monde, fera de même avec nos politiciens court-termistes et immobilistes et l’ensemble des citoyens du monde. On peut encore y arriver, mais ça urge vraiment !

Bonne année, bonne décennie à tous et à toutes ! Pas trop chaude si possible !

Christophe de Jaeger : Je pense que les 10 prochaines années seront marquées par une nette augmentation de l’espérance de vie liée à l’essor des techniques de lutte contre la sénescence dans les pays industrialisés. Il s’agit d’un changement de paradigme majeur. Lutter contre les maladies est essentiel, mais les prévenir par l’instauration de stratégies actives innovantes est certainement l’avenir. Le dernier Colloque de la Société Française de Médecine et de Physiologie de la Longévité que je préside et qui s’est tenue le 02 décembre 2019 au Palais du Luxembourg a très largement développé ces perspectives qui ne s’inscrivent plus dans une prospective incertaine, mais dans la réalité de terrain aujourd’hui.

La mortalité infantile continuera à diminuer du fait des progrès médicaux, mais de façon moins significative, car étant déjà très basse. Le diagnostic et la prise en charge des pathologies cardio-vasculaires, cancéreuses, métaboliques, neuro-dégénératives, etc va encore progresser permettant une augmentation de l’espérance de vie à la naissance, mais posant également la question difficile, de la perte d’autonomie (physique et mentale) de nos séniors. On le voit clairement sur le paramètre « espérance de vie en bonne santé » qui fait référence à l’absence d’incapacités (INSEE, 2019), indice qui est stable depuis plus d’une dizaine d'années en France. Or, ces pathologies sont la conséquence du vieillissement de nos populations. Nous appelons en médecine cette situation de « vieillissement » accompagnée de pertes fonctionnelles : la sénescence.

C’est cette sénescence (qui commence à 20 ans) qui va fragiliser notre organisme et favoriser la survenue des maladies dites de « l’âge ». Donc, plutôt que traiter une ou plusieurs maladies installées, pourquoi ne pas se battre en amont pour limiter les conséquences de cette sénescence. C’est dans ce domaine que travaillent aujourd’hui les médecins physiologistes spécialisés dans la santé et la longévité. J’insiste, longévité, mais en bonne santé.

Évoquer cette augmentation de l’espérance de vie en bonne santé donne un écho très particulier aux conflits auxquels nous assistons sur les retraites. Quelle réforme faudra-t-il si demain nous assistons à une augmentation de l’espérance de vie en France de 20 ans, en bonne santé ? Il ne s’agit pas d’une plaisanterie ou d’une mauvaise provocation, mais simplement d’une observation sur les résultats obtenus chez l’animal et qui montrent des augmentations parfois considérables de l’espérance de vie des animaux grâce à des procédures spécifiques. Ce n’est pas de la science-fiction, mais simplement une réalité de laboratoire.

Les progrès des sciences de la longévité vont conduire probablement dans les dix ans à venir à des modifications sociétales que personnes, ne peut ou ne veut, aujourd’hui anticiper, car nous restons bloqués sur des schémas bientôt périmés, mais rassurants.

Les guerres économiques ou les mauvaises nouvelles sont souvent malheureusement au cœur de l’actualité dans les médias. Existe-t-il une alternative à la morosité et à ce pessimisme affiché qui ne se reflète pas dans les données récemment dévoilées sur les authentiques défis à relever et sur les difficultés rencontrées à travers le monde ?

Ferghane Azihari : Le paradoxe de cette mondialisation, c’est que ces régions-là ne suffisent pas à acheter l’optimisme des populations. Cela prend le contre-pied d’un certain récit qui voudrait que le succès de la mondialisation aboutisse à une acculturation irrésistible au principe de l’économie de marché. Or, on s’aperçoit que cette acculturation ne va pas de soi. Un économiste comme Joseph Schumpeter l’avait très bien perçu. Le capitalisme et l’économie de marché aboutissent à l’embourgeoisement d’une couche de la population. Cette nouvelle classe bourgeoise peut aussi malheureusement se montrer très ingrate à l’égard du système qui l’a sortie de la misère parce que les ressentiments envieux qui alimentent l’anticapitalisme sont parfois imperméables au succès de ce système-là.  

C'est donc un combat culturel et idéologique en réalité. Il tient aux commentateurs de continuer à convaincre, à persuader les opinions publiques que malgré toutes les imperfections du monde qui subsistent, il n'est pas question de les nier, le système libéral est le modèle de civilisation le plus efficace pour alléger l'humanité de son fardeau sans pour autant prétendre à instaurer le paradis sur terre bien sûr. Mais en tout cas c'est le système le plus efficace que nous ayons à notre disposition pour améliorer sensiblement la condition de l'humanité.   

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