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Big Brother existe déjà : il habite à Bercy dans les locaux du fisc
©FRED TANNEAU / AFP

Omniscient

Un nouvel outil permettant une collecte massive des données des internautes sur les réseaux sociaux pour lutter contre la fraude fiscale et douanière a été voté par l'Assemblée nationale.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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« Ils savent tout de nous » ; « rien ne leur échappe » ; « ils sont là à chaque moment de nos existences, y compris les plus intimes ». De qui parle-t-on ainsi pour désigner la crainte que nos vies ne nous échappent au profit de quelque organisme de l’ombre ? De telles craintes pourraient à bon droit s’exprimer à l’égard du fisc, dont l’omniprésence confine à l’ubiquité, et qui se donne de plus en plus les moyens de l’omniscience. Dernier épisode en date : le vote par l’Assemblée nationale de l’article 57 du projet de loi de finances pour 2020 qui instaure un nouvel outil permettant une collecte massive des données des internautes sur les réseaux sociaux pour lutter contre la fraude fiscale et douanière, outil dont même la CNIL s’inquiète.

Disons-le tout net : il n’est pas anormal, au contraire, que les services fiscaux se modernisent, en particulier pour lutter contre la fraude. Et disposer d’une administration fiscale parmi les plus compétentes au monde est un atout pour la France. 

Est-ce à dire pour autant que la fiscalité, et son bras armé l’administration fiscale, puissent se permettre d’imposer aux français une pression sans limites ? Nous pensons fermement le contraire, tant, au cours des années récentes, la mesure a été franchie, au moins à deux titres. 

D’abord, l’administration fiscale est devenue progressivement un dispositif de contrôle social. Michel Foucault, en d’autres termes, aurait sans doute qualifié le fisc actuel de parfait « dispositif de savoir ». Sauf qu’il ne s’agit pas du Panoptique dont parlait l’auteur de Surveiller et punir. Il s’agit ici d’une administration qui veut tout connaître, tout contrôler, jusqu’au plus intime de nos existences. Il est à cet égard un paradoxe rarement relevé et pourtant puissamment ressenti par les français : la disproportion manifeste entre les moyens – puissants – consentis pour faire rentrer l’impôt d’une part, la petitesse des moyens et/ ou des résultats à traquer efficacement crimes et délits d’autre part. Les français n’en peuvent plus d’un Etat qui met un zèle puissant à les ponctionner jusqu’au dernier sous, mais qui par ailleurs fait un usage aussi parcimonieux du monopole de la violence légitime et laisse des territoires entiers de la République devenir des zones de non droit aux mains des délinquants et de leurs trafics.

Ensuite, l’impôt, dispositif de savoir, est aussi un dispositif prescripteur. C’est par l’impôt, qui s’immisce dans les moindres recoins de nos existences, camouflé sous les grands principes d’équité, de justice fiscale, de santé publique, que l’Etat, par un phénomène de mithridatisation, décide peu à peu de ce que nous mangeons, buvons, fumons etc. Et la fiscalité n’est pas tendre quand il s’agit de modeler un individu exemplaire, qui, naturellement, ne consommerait pas de sucre, ne boirait jamais d’alcool, ne fumerait jamais une cigarette, en un mot une sorte de super héros des temps (post)modernes, sans aspérité aucune. Et tant pis si, ce faisant, l’Etat, qui par ailleurs se veut le chantre des droits de l’homme, nie le droit à la diversité, le droit pour le citoyen à vivre en adulte et oui, s’il le souhaite, à boire du vin, fumer une cigarette, prendre sa voiture pour visiter la campagne etc. Et tant pis si, là encore, l’Etat, dont l’alpha et l’Omega de la politique économique prétend être l’égalisation des conditions et l’amélioration du sort des plus pauvres, accumule les mesures fiscales vexatoires à l’égard des plus modestes, qui sont aussi les premiers consommateurs desdits produits jugés non conformes. 

C’est dire, en définitive, combien, petit à petit, la fiscalité et le fisc se font les agents d’un contrôle social liberticide. Et l’on frémit à l’idée des potentialités qu’ouvrira au fisc le développement de l’Intelligence Artificielle. Des algorithmes seront-ils utilisés par les agents du fisc, tel le héros du film Minority Report, pour « prévenir » les crimes fiscaux avant qu’ils ne soient commis ? 

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