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Les Français tous prêts à la bataille retour Macron Le Pen… ou majoritairement orphelins de la politique…?
©Eric Feferberg

2022

Selon le dernier baromètre des personnalités politiques Ipsos-Le Point de novembre, Nicolas Sarkozy est la personnalité préférée des sympathisants de La République en marche. Le second tour de l'élection présidentielle de 2022 avec une nouvelle opposition entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron semble également décourager les Français.

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. 

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Atlantico.fr : Le baromètre de popularité des personnalités politiques Ipsos-Le Point de Novembre place Nicolas Sarkozy à la première place des personnalités préférées des sympathisants La République en Marche (LREM). La comparaison avec d'autres sondages semblent indiquer, plus qu'une popularité grandissante de l'ex-président, que les Français ne trouvent pas de personnalité politique incarnant leurs idées, même dans les rangs de la majorité présidentielle. 

D'où vient selon vous ce regain de popularité de Nicolas Sarkozy ?

Luc Rouban : Il y a une grande déception face au quinquennat d'Emmanuel Macron, notamment pour les sympathisants LREM. Les partisans du candidat Emmanuel Macron regrettent plusieurs choses. D'abord ils regrettent que la conception horizontale de LREM qu'Emmanuel Macron avait mis en avant, c'est-à-dire le fait que l'organisation fonctionne sur le modèle du bottom-up, du bas vers le haut, à partir de remontées du terrain, n'ait pas fait long feu. Ils se sont retrouvés avec un système très vertical, top-down, du sommet vers la base, très intégré avec une vigilence et une discipline très forte au sein du groupe à l'Assemblée. Il y a donc des hésitations et des fuites, des gens qui changent d'étiquettes, comme certains maires. 

Il y a aussi dans ce résultat, comme dans ce qui a suivi le décès de Jacques Chirac, la nostalgie d'un grand patron qui serait proche de ses équipes. Nicolas Sarkozy avait une certaine gouaille qui lui a permis aussi d'incarner cette proximité. Emmanuel Macron reste lui figé dans une forme de stature lointaine, détaché des réalités locales, malgré tous ces efforts auprès des maires, comme au congrès de l'AMF. On sent bien qu'il y a cette demande d'une relation de proximité charnelle avec le pouvoir. Les Français cherchent quelque chose qui se rapprocherait du rapport au roi, qu'on peut toucher et qu'on peut voir. Nicolas Sarkozy est donc perçu comme étant plus près des promesses d'origine de LREM. Emmanuel Macron est perçu comme le haut fonctionnaire qui a pour principe des concepts macroéconomiques assez peu compréhensibles par tous. A droite, certains essaient de se positionner sur ce plan-là, comme François Baroin ; ils essaient de faire revivre une droite plus proche du peuple, une droite qui donnerait moins l'impression de ne fonctionner que pour les classes dirigeantes. 

Un autre sondage publié en novembre par l'IFOP le 11 novembre, si 68% des Français estimeraient qu'un second tour Macron-Le Pen est possible, 72% ne le souhaiteraient pas. D'où est-ce que ce résultat vient selon vous ? Les Français sont-ils orphelins de la politique ? 

Oui, certainement. La définition d'un clivage entre progressistes et populistes est un enfermement dans une alternative rejetée par la plupart des électeurs. La victoire d'Emmanuel Macron s'explique aussi par les affaires de François Fillon. On sait aussi qu'on a eu une mobilisation de l'électorat socialiste pour empêcher un duel entre François Fillon et Marine Le Pen. Le péché originel du macronisme est toujours là : il a été élu en grande partie par défaut. La stratégie des milieux macroniens qui consiste à réduire le débat - c'est de bonne guerre - à une opposition au Rassemblement national participe bien sûr à cela. 

Le vrai problème qui se pose maintenant, c'est le rapport aux classes populaires et aux classes moyennes. Derrières toutes ces questions, on a un enjeu électoral important. Cette enfermement entre les deux options risque de produire des taux d'abstention très élevés surtout dans les classes populaires et moyennes. On peut donc lire dans ce sondage, avec précaution, l'attente d'une politique qui soit plus proactive, et qui ne soit pas seulement choisie par défaut, par opposition systématique à tel ou tel camp. 

Un autre sondage, réalisé par l'IFOP avant le premier anniversaire des Gilets jaunes, montrait que le mouvement recueillait toujours 52% d'opinions favorables, même si une grande majorité des sondés ne s'identifie pas comme "gilets jaunes". Comment expliquer ce résultat, sinon par l'absence de relais politiques aux revendications de ce mouvement ?

Il ne faut pas oublier que le mouvement des gilets jaunes est associé au retour très puissant de la violence politique en France. A partir de ces phénomènes de violence, qui sont plus ou moins contrôlés, on en arrive à une situation où l'on sent qu'il y a un risque de basculement dans le n'importe quoi... On est dans une situation anomique comme on le dit en sociologique. Et dans ces situations, il y a forcément une demande d'autorité en réaction. 

Bien sûr la sympathie reste forte parce que les thèses des gilets jaunes sont partagées par beaucoup. Au-delà des revendications fiscales et économiques, beaucoup de gens voient qu'il y a un problème de représentation, d'emprise sur le politique, d'emprise sur la décision, en somme un problème de souveraineté nationale. On a là une lacune, un déficit actuel, qui ne semble pas être comblé, parce qu'il n'y a pas de réforme constitutionnelle, notamment. Il y a cette impression d'être dépourvu des moyens effectifs de contrôle et d'expression de sa citoyenneté. C'est cela le grand message des gilets jaunes. Qu'il y ait ensuite peu d'identification, c'est évident, parce que les actes de violences l'a empêché. Mais l'impression d'être dépossédé du pouvoir politique reste très fort. 

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