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Toujours plus… sauf sur le terrain idéologique : la diversité selon Delphine Ernotte
©BERTRAND GUAY / AFP

France Télévisions

Delphine Ernotte a annoncé que France Télévisions mettrait en place des quotas pour les femmes réalisatrices et qu'une clause de diversité était dorénavant présente dans le cadre des contrats de production.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Delphine Ernotte a annoncé hier que France Télévisions mettrait en place des quotas pour les femmes réalisatrices dès 2020 pour ensuite généraliser la mesure à "l'ensemble des créateurs". Elle a également indiqué que l'entreprise s'engagerait dans le même type de démarches pour "favoriser l'inclusion sociale, et la diversité des origines sociales, culturelles ou géographiques". 

Atlantico.fr : À cette déclaration, Delphine Ernotte a ajouté que le groupe incluait d'ores et déjà dans les contrats de production une clause de la diversité. Dans quelle tendance de la gestion du groupe est-ce que ces déclarations s'inscrivent ? Et plus généralement, dans quelle tendance de politique nationale ?

Nathalie MP : Cette annonce de Delphine Ernotte n'est pas une surprise. On sait que l'égalité entre les hommes et les femmes a été déclarée grande cause du quinquennat par Emmanuel Macron, aussi bien en matière de lutte contre le harcèlement sexuel (l’affaire Weinstein est passée par là) que vis-à-vis de discriminations plus générales dont les femmes se disent victimes, notamment dans leur vie professionnelle avec des salaires inférieurs et un accès plus difficile à certaines professions et aux postes de direction.

La réforme de l'audiovisuel public présentée en 2018 par la ministre de la Culture de l'époque Françoise Nyssen tenait évidemment compte de cette orientation. Investi dorénavant d'une mission de "média engagé", le service public doit non seulement renforcer sa place de "premier partenaire de la création audiovisuelle française", mais il a aussi vocation à changer les mentalités afin de faire passer la France de l’ombre glaciale de la domination de "l’homme blanc de plus de 50 ans" à la brillante lumière de la diversité (vidéo, 01′ 01″)  :

"Ce média engagé, enfin, doit être le miroir de nos différences, d'un sexe et de l'autre, ou des deux, de toutes les couleurs, de toutes les origines, les urbains, les ruraux. Le pays des Lumières, sur ce sujet de la diversité, est hautement réactionnaire. Avec une volonté politique sans ambiguïté, notre média engagé changera les mentalités sur le terrain."

Delphine Ernotte ne fait donc que poursuivre aujourd'hui ce qui a été décidé de longue date par le gouvernement d'Emmanuel Macron.

Mais notons combien cette réforme, faite au nom de l'esprit des Lumières que la France aurait oublié en chemin, renforce l'interventionnisme d'un État qui compte plus que jamais imposer sa morale et décider autoritairement ce qu’il convient de faire et de penser.

Pourtant, rien n’est plus éloigné de l’esprit des Lumières que cette présomption étatique. Au contraire, les Lumières ont abouti à défaire l’individu des contraintes sociales, politiques ou religieuses qui pesaient sur lui d’en-haut sans qu’il ait la possibilité d’y adhérer (ou pas) de son propre chef, entravant son développement aussi bien intellectuel qu’économique. Tout ceci a débouché sur la remise en cause de la monarchie absolue et sur une demande de liberté religieuse, de liberté de conscience, de liberté de la presse et de liberté d’expression.

Avec l’audiovisuel "engagé" de Françoise Nyssen et Delphine Ernotte, on tourne résolument le dos à ce grand mouvement de libération. On n’en revient peut-être pas à l’absolutisme d’antan, mais on plonge à coup sûr dans le constructivisme sociétal le plus officiel, je dirais même le plus revendiqué, selon la croyance que si quelque chose semble bon à ceux qui détiennent le pouvoir, il faut aussitôt l’imposer à tous afin d’accélérer l’émergence d’un homme nouveau.

Même si l'effort de représentation de la société française paraît louable, qu'est-ce que ce type de clause peut poser comme problème pour ceux qui défendent l'idée d'une primauté du mérite ?

Personne ne niera que les femmes ont dû se battre pour conquérir leurs droits par rapport aux hommes. Rappelons qu’en France, il a fallu attendre 1965 pour qu’elles soient autorisées à travailler et ouvrir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari. Ce n’est pas si vieux, j’étais née !

Cependant, une nouvelle inquiétude a surgi chez les partisans de l’école "égalitariste", qui consiste à dire que même si l’égalité est réalisée dans la loi, elle ne l’est pas assez dans la vie réelle. La société, trop marquée par ses vieilles habitudes et ses croyances d’antan, n’évolue pas assez vite. Il faut la forcer à accélérer.

Il conviendrait alors que l’Etat prenne des mesures coercitives assorties de sanctions afin d’obliger tout sous-ensemble de la population, tel que conseil municipal, comité de direction d’une entreprise, diplômés d’une école, personnes nominées pour un prix, etc… à avoir une représentation proportionnelle aux diversités observées dans la population générale.

Autrement dit, après avoir aboli les discriminations négatives par suppression des "interdictions" subies autrefois par les femmes, il faudrait se lancer maintenant dans un nouveau genre de discrimination, dite un peu vite positive, en créant partout des "obligations" d’égalité, afin de faire advenir immédiatement et immanquablement la société parfaite auxquels nos égalitaristes aspirent, tant ils sont convaincus que rien ne doit faire obstacle à leurs bons sentiments. Qui refuserait de faire le "bien" ?

C’est là que les libéraux entrent en scène.

Ils font d’abord remarquer que l’attribution de postes, de prix ou de diplômes sur la base "volontariste" de quotas de femmes, de noirs ou de roux déplace injustement le critère de sélection de la compétence vers l’appartenance à une catégorie favorisée, et fait injustement peser sur les personnes concernées la lancinante suspicion de n’avoir pas mérité leur promotion. Elle crée tout aussi injustement une nouvelle discrimination négative envers les catégories que les pouvoirs publics seront moins enclins à soutenir.

Ils soulignent ensuite combien il est absurde d’avoir triomphé d’une vraie oppression – la dépendance des femmes aux décisions effectuées pour elles par leur père ou leur mari sans égard pour leurs aspirations personnelles – pour tomber dans un constructivisme inverse qui accorde tout aussi peu de valeur aux désirs et aux choix des femmes quant à leur vie familiale et professionnelle.

Soyons clair : il n’y a pas constructivisme si je dis "Il est bon que les femmes qui le souhaitent aient les mêmes possibilités d’accès professionnel que les hommes pour telles et telles raisons" afin d’en convaincre une audience. D’ailleurs, je le dis. Mais il y a constructivisme dès lors que l’Etat en fait l’obligation par des lois incluant quotas, subventions d’embauche et amendes en cas de non-respect, au mépris de la volonté propre des personnes concernées et de leur capacité à s’entendre entre elles.

On voit alors combien le terme "volontarisme", toujours prononcé comme si c’était une qualité des plus appréciables chez un politicien, n’est jamais qu’une obsession de tout normer, une façon de faire avaler à la société des évolutions à marche forcée plutôt que de respecter son évolution naturelle. Le volontarisme est une exigence que l’on peut avoir envers soi-même, mais dès lors qu’il s’agit de l’appliquer aux autres, on tombe dans le constructivisme, c’est-à-dire dans la négation des volontés individuelles.

Ce qui est contestable dans la discrimination positive, n'est-ce pas aussi qu'elle prend en compte certains critères seulement ? Si France Télévisions veut représenter la société française, en poussant la logique, ne faudrait-il pas le faire aussi d'un point de vue idéologique ?

Un service audiovisuel public, c'est-à-dire un audiovisuel contrôlé et organisé par l'État avec l'argent de contribuables qui n'ont pas la moindre possibilité d'exprimer leurs préférences sur les programmes, peut-il faire la part belle à la diversité des idées ? Je ne le pense pas.

À partir du moment où il se donne pour mission de "changer les mentalités" et d'être le "premier partenaire de la création audiovisuelle française", il adopte une idéologie particulière et compte bien la faire ruisseler dans toutes les chaumières de France et de Navarre. Pour les dirigeants au pouvoir, les médias sont un tel vecteur de contrôle et "d'éducation" des citoyens, qu'on voit mal un gouvernement lâcher prise sur ce sujet.

Emmanuel Macron a d'ailleurs fait récemment la preuve du contrôle étatique qu'il rêve d'instaurer sur l'information. Au nom de la neutralité de l'information, a-t-il expliqué à des journalistes :

"Le bien public, c’est l’information. Et peut-être que c’est ce que l’État doit financer. (…) Il faut s’assurer qu’elle est neutre, financer des structures qui assurent la neutralité."

Ne se croirait-on pas revenu au temps de l’ORTF où chaque journal télévisé était visé par le ministre de l’Intérieur avant diffusion ? Comment pourrait-on encore parler de liberté de la presse si la "vérité" de l’information devait recevoir systématiquement l’imprimatur de l’Etat ? Où serait la liberté d’expression si les organes de presse devaient se soumettre à une sorte de "bien" médiatique défini par le gouvernement ?

L’information, la vie intellectuelle, les idées … forment un marché qui, comme tous les marchés, fonctionne d’autant mieux qu’il est libre. Tout marché qui commence à subir des distorsions, que ce soit par l’encadrement des prix, la distribution de subventions, un numerus clausus ou diverses autres réglementations, est un marché faussé qui génère tôt ou tard le mécontentement de ses acteurs.

Il en va de même dans le domaine des idées. A partir du moment où il est question d’encadrer certaines idées, d’en interdire d’autres et de favoriser certains thèmes (lois mémorielles, loi contre les fake news), on débouche inéluctablement sur une vie intellectuelle en route pour l’appauvrissement.

Selon moi, la diversité des idées sera la mieux garantie par la fin des subventions à la presse et la disparition de l'audiovisuel public pour laisser la place à l'émergence d'une multitude d'entreprises en concurrence dans le secteur des médias et de l'audiovisuel.

[NDLR :  Exiger des producteurs un fichage ethnique des employés en fonction de leurs origines serait, selon certains spécialistes, passible de 5 ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende, selon l'article 226-19 du code pénal. Le refus d'une prestation à raison d'une appartenance ethnique supposée serait, elle, passible de 3 ans d'emprisonnement et de 40.000 euors d'amende selon l'article 225-2 du code pénal]

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