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"J'Accuse" de Roman Polanski  : l'un des films les plus magistraux du réalisateur de Chinatown…
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Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet pour Culture-Tops

Dominique Poncet est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
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"J'accuse" 

De ROMAN POLANSKI
Avec JEAN DUJARDIN, LOUIS GARREL, GRÉGORY GADEBOIS, EMMANUELLE SEIGNER….

RECOMMANDATION
En priorité


THÈME
1894. Au cours d’une cérémonie d’une spectaculaire solennité organisée dans la Cour des Invalides, le capitaine Alfred Dreyfus ( Louis Garrel) subit la dégradation : on lui arrache ses insignes d’officier. Accusé d’avoir livré des documents à l’Allemagne, il est condamné à la déportation. Il faut dire que le capitaine Dreyfus est juif et qu’à cette époque où l’antisémitisme ronge toutes les couches de la société une partie importante du corps des officiers souhaite le voir exclu de l’armée.

Nommé à la tête du contre-espionnage français, un homme, le lieutenant-colonel Picquart (Jean Dujardin), découvre que les preuves qui ont fait condamner Dreyfus ont été fabriquées. Bien que catholique n’aimant pas trop les juifs, il décide de se battre, au péril de sa carrière, par esprit de justice, pour réhabiliter le condamné. « L’Affaire » va diviser le pays, Zola va s’en mêler, qui publiera dans le journal l’Aurore une tribune en faveur de Dreyfus sous le titre J’Accuse… La Troisième République va trembler sur ses bases.

POINTS FORTS
- L’ambition du projet. Il y a sept ans que Roman Polanski pensait à un film sur l’affaire Dreyfus , parce que « l’histoire est extraordinaire, et que ce sont les grandes histoires qui font les grands films ». Le réalisateur avait un atout dans sa manche : traiter cette « Affaire » non pas en mettant  Dreyfus au centre de son film (suffisamment de livres l’ont fait), mais en la racontant du point de vue de l’homme qui établit son innocence, le lieutenant-colonel Picquart. Cette idée se révèle formidable; elle a permis au cinéaste (et à son co-scénariste Robert Harris) non seulement de rendre justice à un homme laissé dans l’ombre par l’Histoire  mais de dresser, en arrière plan, le portrait de la France de la troisième République.

- La distribution est sensationnelle. Pour les rôles secondaires, Polanski a dévalisé non seulement la Comédie Française (Hervé Pierre, Denis Podalydes, Laurent Stocker, Eric Ruf leur « patron » et d’autres…), mais il a aussi fait appel à la crème des acteurs français, Grégory Gadebois, Wladimir Yordanoff, Mathieu Amalric…. Pour incarner  le raide et arrogant Dreyfus, il est allé chercher Louis Garrel. Teint en blond, binocles sur un nez légèrement contrefait, affublé d’une moustache, celui qui est l’un des plus beaux gosses du cinéma français est méconnaissable. C’est à Emmanuelle Seigner, son épouse dans la vie, que Polanski a confié le rôle de la maîtresse de Picquart. Seule femme parmi tous ces hommes, la comédienne crève l’écran avec une détermination et un charme fous.

- Mais la grande surprise du film est Jean Dujardin dans le personnage du lieutenant-colonel Picquart. Aminci, traits tirés, à la fois martial et sensuel, partagé entre son devoir d’obéissance et son esprit de justice, le comédien  est impressionnant de charisme. Dans ce qui est son premier grand rôle tragique, il est magistral.

- Sur le plan de la mise en scène, aussi subtile que précise, c’est parfait. D’ailleurs, arrivé discriminé à Venise, en raison des accusations qui pèsent sur son réalisateur, J’Accuse a contraint le jury de se rendre à l’évidence de sa beauté et de sa rigueur. Il est reparti  de la Cité des Doges avec Le Lion d’Argent   

POINTS FAIBLES
Aucun. C’est du Polanski à son meilleur, celui du Pianiste et de Chinatown, et plus récemment de Ghost Writer.

EN DEUX MOTS 
L’affaire Dreyfus dans une France antisémite et conservatrice, racontée du point de vue de l’officier qui lutta, au mépris des consignes de sa hiérarchie, pour réhabiliter le capitaine injustement condamné pour trahison…A cause de son sujet, de l’angle, jusque là inédit, de son traitement, de sa distribution (notamment Jean Dujardin, en total contre-emploi), et aussi de la personnalité même de Roman Polanski, son réalisateur, J’Accuse était le film français le plus attendu de l’année …Le public ne va pas être déçu. Magistralement maîtrisé tant sur le plan de son fond que de sa forme, ce drame, qui a reçu le Grand Prix du Jury à la Mostra de Venise est une magnifique leçon de cinéma.

UN EXTRAIT
UNE PHRASE 

« La méthode de Roman n’est pas toujours simple. Il faut suivre, ne jamais s’endormir, sinon il ne vous loupe pas… Il dirige tout, du premier assistant au régisseur. Il parle au cadreur en anglais, au chef opérateur en polonais, aux comédiens en français, en italien avec un figurant … Il compose ses cadres comme des tableaux, alors tout doit être parfait… Avec Roman, il faut être technique sur le texte, droit dans son jeu et souple pour s’adapter à sa mise en scène. C’est normal, il est exigeant avec les autres et encore plus avec lui même. Et puis J’accuse est un film important pour lui, sans doute autant que Le Pianiste ». ( Jean Dujardin, comédien).

LE RÉALISATEUR
Né le 18 août 1933 à Paris, Roman Polanski vit en France jusqu’à ce que son père décide de retourner vivre à Cracovie. Il n’a  que trois ans, mais déjà sa demi-sœur Annette l’initie au cinéma. Après l’invasion des troupes allemandes en 1939, le petit Roman est contraint de vivre dans le ghetto de Cracovie. Contrairement à ses parents et à sa sœur, il échappe à la déportation, puis réussit à sortir du ghetto. Hébergé à la campagne par une famille et ne pouvant aller à l’école, alors interdite aux juifs, il fréquente beaucoup les cinémas. 

Adolescent, il devient comédien, puis finit par entrer à l’école des Beaux-Arts de Cracovie où il rencontre Andrzej Wajda, et intègre finalement  l’Ecole de cinéma de Lodz. Son premier long métrage, le Couteau dans l’eau, co-écrit avec Jerzy Skolimowski, lui vaut d’obtenir d’emblée en 1962 une reconnaissance internationale. Suivront pourtant quelques mois de vache maigre, jusqu’à ce que le jeune réalisateur, qui est revenu en France, tourne, en 1964, Répulsion, avec Catherine Deneuve. Il n’arrêtera plus. En 1966, ce sera Cul de sac (Ours d’Or à Berlin), en 1967, Le Bal des vampires, où il rencontre l’actrice Sharon  Tate (qui, enceinte de huit mois, mourra  assassinée le 8 août 1969), en 1968, Rosemary’s Baby.

Le réalisateur s’installe à Hollywood. Il y réalise, entre autres, Chinatown, 

qui est considéré, encore aujourd’hui, comme l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma.

En 1978, à la suite d’une affaire d’abus sexuel sur mineure, le cinéaste quitte les Etats Unis et s’installe en France. Parmi les œuvres qu’il a tournées depuis, citons, Le Pianiste, qui obtint la Palme d’Or à Cannes en 2003, et en 2010, The Ghost Writer .

Au moment où il sort J’Accuse, le cinéaste se voit accusé par une Française d‘un viol qu’il aurait commis en 1975. Contestant l’accusation, il réfléchit à une riposte judiciaire.

ET AUSSI

– « Noura rêve » de Hinde Boujemaa- Avec Hend Sabri, Lofti Abdelli, Hakim Boumsaoudi…

Cinq jours, c’est le temps qu’il reste avant que soit prononcé le divorce entre Jamel, détenu récidiviste et sa femme Noura, mère de ses trois enfants. Hélas, Jamel sort de prison plus tôt que prévu. La loi tunisienne punissant sévèrement les femmes adultères, Noura, follement amoureuse de Lassad, son amant, va voir sa vie basculer et ses rêves se briser.

Pour son deuxième film, la réalisatrice belgo-tunisienne Hinde Boujemaa  a choisi de dénoncer comment sont traitées les femmes adultères dans la Tunisie  machiste et conservatrice d’aujourd’hui. Son film est formidable de tension et de sensibilité, qui montre le courage des femmes éprises de liberté dans un pays patriarcal et corrompu. Les acteurs sont mémorables, à commencer par Hend Sabri qui a cassé, pour l’occasion, son image de star en son pays. Aux Journées cinématographiques de Carthage, Noura rêve  a remporté le Tanit d’Or, l’équivalent tunisien du César du meilleur film. Au festival de Saint-Jean-de-Luz où il avait été projeté en compétition,  il avait été accueilli par une longue ovation.

Recommandation : excellent.

– « J’aimerais qu’il reste quelque chose » de Ludovic Cantais- Documentaire

  Tous les mardis, au mémorial de la Shoah à Paris, des bénévoles accueillent des familles juives qui souhaitent faire don de leurs archives, lettres, photographies, enregistrements audio et même, vêtements. Ludovic Cantais a trouvé matière à un documentaire à la fois pédagogique et  bouleversant, ce qui ne va pas toujours de pair. Prenant appui sur une chronique du quotidien de ce musée (l’un des plus riches du monde en ce qui concerne son fonds photographique, 350 000 clichés), son film donne à voir des confessions de gens encore brisés par la disparition de leurs proches. Edifiant, déchirant, nécessaire. 

Recommandation : excellent.

– « Koko-Di Koko-Da » de Johannes Nyholm. Avec Leif Edlund, Ylva  Gallon, Peter Belli…

 Quelques mois après la mort de leur enfant, Elin et Tobias partent camper dans la forêt dans l’espoir de surmonter la crise de leur couple. Mais, après une première nuit calme et apaisante, le cauchemar fait son entrée. Au petit matin, Elin est attaquée par des monstres sous les yeux d’un Tobias impuissant, qui va se voir bientôt condamné à revivre, en boucle, l’atrocité de cette aube…

Sous un aspect ludique et poétique (certaines séquences sont racontées en ombres chinoises), Koko-Di Koko-Da – un titre qui évoque le chant obsédant  et répétitif du coq – est un conte horrifique qui explore les cauchemars de la vie à deux, tels que les frustrations, les échecs et les lâchetés. La lumière blafarde qui le nimbe en accentue son côté onirique. Après ce film singulier, tendu et  haletant, à la mise en scène soignée et l’interprétation impeccable, il n’est pas sûr qu’on ait encore l’envie d’aller camper. En revanche, retourner au cinéma pour voir le prochain Johannes Nyholm, oui, c’est sûr !

Recommandation : excellent.

– « Little Joe » de Jessica Hausner- Avec Emily Beecham, Ben Wishaw…

 Phytogénéticienne spécialiste de la conception de nouvelles plantes dans  un laboratoire autrichien, Alice, mère célibataire ramène un jour chez elle à son fils une fleur de son cru, censée diffuser un parfum qui rend heureux, et qu’elle a appelée Little Joe. Au fur et à mesure que la plante grandit, Alice va s’apercevoir que cette fleur, rouge vermillon, n’est pas aussi inoffensive qu’elle le croyait…

Connue pour ses films d’ “atmosphère” qui font peser une menace sur des personnages pris au piège (Hôtel, Amour fou), la cinéaste autrichienne continue à exploiter la veine qui lui a valu sa réputation. Dans le dérèglement progressif des personnages de Little Joe, on a par moments l’impression d’être dans un film de David Lynch. C’est assez fascinant. Dommage que sa mise en scène soit un peu trop froide et clinique. Mais ce défaut relatif est largement compensé par le fait qu’elle a engagée une actrice étonnante pour le rôle d’Alice, Emily Beecham, actrice  qui a d’ailleurs raflé le Prix d’interprétation à Cannes. Pour les amateurs de films d’anticipation.

Recommandation : bon

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