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Ces 3 grandes réformes du capitalisme libéral auxquelles Emmanuel Macron ne s’est toujours pas attaqué
©IAN LANGSDON / POOL / AFP

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A mi-mandat, le bilan d’Emmanuel Macron génère beaucoup de frustrations dans les milieux d’affaires, mais aussi de la colère chez les classes moyennes. Sa seule chance aura été de ne pas avoir d’adversaire crédible.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les milieux d’affaires croyaient au départ qu’il serait capable de moderniser ce pays. A mi-parcours, ils sont déçus et frustrés. Il a certes réussi à calmer la colère des gilets jaunes, mais à quel prix ? D’autant que si les gilets jaunes ont montré autant de violence, c’est sans doute aussi parce qu‘il n’avait pas lancé les chantiers de réformes qui étaient capables de transformer l’Hexagone. 

Toutes les études réalisées par les cabinets de droite comme de gauche étaient au diapason quant au diagnostic de la situation française, à savoir une France empêtrée dans ses fractures sociales, d’autant plus, qu‘il n y avait pas d’argent  pour réformer, pas de croissance, pas d’emplois, pas de stratégie d’activité. On débouchait forcément sur le chômage, les conflits sociaux, le conservatisme. La résistance au changement était d’autant plus forte qu’on n’expliquait ni l’urgence, ni la nécessité. 

Les milieux d’affaires y croyaient à ce discours «  pro- business », sauf que pour la majorité des classes moyennes, l’histoire qu’on racontait n’était pas crédible. La frustration des uns est allée de pair avec la colère et la violence des autres. 

Il y avait trois grandes réformes structurelles à faire et qui étaient dans la culture du macronisme du début. 

La première réforme aurait dû porter sur le capitalisme français. Nous vivons depuis un demi–siècle sous l’emprise d’un capitalisme de connivence sous tutelle de l’Etat. Il aurait fallu faciliter l’émergence d’un capitalisme de responsabilité individuelle. C’est à dire permettre la création de fonds d’investissement capables de drainer l’épargne populaire des Français (qui sont des remarquables fourmis) pour orienter cette épargne vers les entreprises privées. 

Cette réforme avait deux intérêts majeurs. Elle apportait des fonds propres aux entreprises qui n’en ont toujours pas, elle protégeait les mêmes entreprises des prédateurs étrangers (OPA hostiles). Mais les fonds de pensions ainsi créés permettaient de financer des retraites complémentaires par capitalisation, ce qui soulageait d’autant les régimes généraux de la sécurité sociale et nous permettait d’économiser une réforme impossible. Bizarrement, alors que le projet de réforme se plante devant les résistances corporatistes, Bruno Le Maire vient de reparler des fonds de capitalisation. A priori, plus pour regretter que les gouvernements précédents n’aient pas réussi à les mettre en œuvre... à moins que son ambition secrète soit de ressortir ce dossier. 

Personne ne le sait au juste. Ce que l’on sait, c’est qu’on ne pourra réussir la création de fonds de pension à la françaises, que si et seulement si on réduit les besoins de financement de l’Etat. Parce qu‘actuellement, l’essentiel de l’épargne française sert à renflouer les caisses de l’Etat. Si demain, l’épargnant français avait le choix entre placer son épargne dans un fonds de retraite ou dans une institution qui l’engagera dans le fonctionnement des services publics, il n’hésiterait pas longtemps.

La deuxième grande réforme aurait du porter sur le reformatage du modèle social. Ce modèle bien français fait l’admiration de tout le monde mais alimente l’inquiétude sourde compte tenu de sa fragilité. C’est véritablement un chef d’œuvre  en péril. La logique de solidarité qui est au cœur du système peut difficilement fonctionner compte tenu des volumes et de la demande de couverture. Il aurait fallu utiliser, là encore, les leviers de la responsabilité individuelle qui sont au cœur des logiques assurancielles.

Que la couverture sociale minimale et obligatoire passe par les organismes de la solidarité nationale, c’est souhaitable. Mais que l’on peaufine à côté des assurances complémentaires dont le choix et la prestation relèveraient de la liberté de l’assuré, c’est tout à fait possible. C’est le modèle anglo-saxon ou mieux, le modèle allemand.

Le modèle de l’assurance a deux avantages. 

D’abord, il oblige l’assuré à connaître le fonctionnement du moteur. Il sait ce qu’il achète comme couverture, il est donc parfaitement responsabilisé. Ensuite,  l’arrivée d’acteurs privés (mutuelle ou société d’assurance)  modifie le comportement des producteurs de santé. La mutuelle choisit ses prestataires et les propose à son assuré.  L’hôpital comme le médecin est en situation de concurrence, laquelle n’a rien d’une maladie honteuse mais au contraire, elle incite à la performance et même à l’excellence. 

Ajoutons à cela que l’introduction d’une logique assurancielle permet de rééquilibrer le budget santé entre la part destinée au traitement et la part destinée à la prévention. Tout euro dépensé en prévention permet à terme d’en économiser deux sur le traitement. La France est championne du monde pour la qualité de soins, elle est nulle dans la prévention du mal.

Que fait-on aujourd’hui pour calmer la grogne des personnels hospitaliers ? On ne fait rien d’autre que de leur bricoler et leur prescrire un peu de morphine. On ne détruit pas le mal, on fait en sorte de ne pas trop le sentir le temps d’une élection municipale. 

On a réussi à réformer l’assurance chômage parce qu’on a enfin convaincu les assurés chômage qu’il valait mieux dépenser l’argent dans la création d’ emplois, plutôt que de les installer dans le non-emploi. On n’a pas réussi à convaincre les acteurs du système de santé et les assurés qu’il faudra dépenser plus pour prévenir, plutôt que de continuer de dépenser pour guérir. 

Dans cette réforme comme dans d’autres, la logique assurancielle fait que l’assuré qui se prend en charge au niveau de sa vie quotidienne peut bénéficier d’un bonus au moment de payer sa prime. La santé est certes le fruit du hasard. Malheureusement,  il y a des métiers plus ou moins dangereux, des situations plus ou moins stressantes. 

Ceci dit, le patient qui ne fume pas, qui boit et mange raisonnablement, qui se consacre à des exercices physiques régulièrement  a statistiquement moins de risque de cancer ou de maladies cardio-vasculaires que son voisin qui ne prend pas de précautions élémentaires. Actuellement, ni les acteurs du système de santé, ni les assurés sociaux ne sont incités à se comporter avec vigilance. 

La troisième grande réformeconcerne le périmètre de l’Etat. Elle est induite par les deux réformes précédentes. Si on veut détourner l’épargne vers les activités qui produisent des richesses, il faut nécessairement  réduire les dépenses de l’Etat. Contrairement à ce que beaucoup font croire, la diminution des recettes de l’Etat n’entraine pas de facto la suppression des services publics. Beaucoup de services gérés par l’administration pourraient l’être par le secteur privé après appels d’offre ou délégation mais toujours sous le contrôle de l’Etat. Ce qui compte serait d’introduire  la concurrence, facteur de progrès et d’efficacité. Ça existe bien dans l’école (avec la coexistence d’un service privé de l’enseignement) et personne n’en a pâti. Ça pourrait exister dans les services municipaux et départementaux. La gouvernance n’est pas obligée de promettre un grand soir. Il ne réussirait pas. Il pourrait se contenter dans ce domaine comme dans d’autres d’expérimentations. Le client jugerait. 

A priori, ce type de réforme est attendu depuis très longtemps par le monde des affaires, par les chefs d’entreprise parce qu‘ils ont besoin de liberté et de stabilité. Ce type de reformes n‘immunise pas l’appareil d’Etat contre la colère. Cela dit si ça marche, ça donne au moins des moyens pour refréner cette colère, en attendant que les résultats soient visibles.

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