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Ces villes françaises moyennes qui s’en sortent
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Dynamisme

Les villes moyennes en France sont-elles condamnées à être peu dynamiques ? Les exemples positifs sont pourtant nombreux comme à Colmar et à Meaux.

Laurent  Chalard

Laurent Chalard

Laurent Chalard est géographe-consultant. Membre du think tank European Centre for International Affairs.

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Atlantico.fr : Comment cela se fait-il que les villes moyennes sont peu dynamiques en France ? Est-ce dû au poids de Paris ? 

Laurent Chalard : Le moindre dynamisme des villes moyennes en France, comme dans de nombreux autres pays développés, est la conséquence de la mondialisation et de son corollaire territorial, la métropolisation. Depuis les années 1980, la croissance démographique et économique se concentre essentiellement dans les agglomérations les plus peuplées, que l’on dénomme « métropoles », la nouvelle économie étant fortement inégalitaire, aussi bien sur le plan humain que sur le plan territorial. Dans un contexte de tertiarisation accentuée de l’économie des pays développés, les activités de haute-technologie et de conception, en particulier dans le secteur tertiaire supérieur, se concentrent dans les grandes villes, alors que la désindustrialisation concomitante pénalise grandement les villes moyennes, où l’industrie demeure, en règle générale, plus importante. 

Cette situation est nouvelle car, par le passé, il n’existait pas un décalage aussi important entre la dynamique des grandes villes et des autres villes. En effet, pendant la grande phase d’urbanisation qu’a connue la France à l’époque des Trente Glorieuses, le dynamisme démographique et économique était généralisé à l’ensemble des villes, quelles que soient leur taille, petite, moyenne ou grande. Urbanisation et industrialisation allaient de pair. Les populations de l’espace rural venaient s’agréger dans les villes les plus proches de leur village d’origine, où se créaient de nombreuses usines. Cette période de croissance maximale des villes moyennes explique pourquoi elles possèdent toutes leur grand ensemble de logements sociaux datant de cette époque.

Qui sont ces villes moyennes? Comment les définir ? Qui les habitent?

Traditionnellement, en France, sont considérées comme étant des villes moyennes des agglomérations (c’est-à-dire les « unités urbaines » de l’Insee) comptant entre 20 000 et 100 000 habitants, correspondant donc à un panel assez large, allant, par exemple, de Lunéville (un peu plus de 20 000 habitants) à Chartres (environ 90 000 habitants). Ces villes jouent un rôle très important dans l’organisation du territoire national dans un contexte hexagonal de faiblesse du sommet de l’armature urbaine, en-dehors de Paris. En effet, de larges parties de la France ne sont pas sous l’influence d’une métropole. Cependant, il existe plusieurs types de villes moyennes, des villes à dominante industrielle, d’autres à dominante administrative, d’autres à dominante touristique. Il n’existe donc pas un modèle unique. 

Au niveau de leurs habitants, à l’heure actuelle, l’une de leurs caractéristiques est la relative surreprésentation des « catégories populaires », entenduds comme les employés et les ouvriers, et la relative sous-représentation des cadres, du fait d’une structure de l’emploi local faisant, sauf exception, peu appel à une main d’œuvre très qualifiée. 

Les villes moyennes françaises sont-elles condamnées à être peu dynamiques ? Comment peuvent-elles se développer ? 

Si l’on analyse l’évolution démographique des communes françaises de plus de 5000 habitants entre 2006 et 2016, on constate que dix villes-centres d’agglomérations de taille moyenne se caractérisent par une croissance soutenue de leur population, gagnant au moins 3900 habitants en volume, soit des taux d’accroissement, pour la plupart d’entre elles, supérieurs à + 10 % sur l’ensemble de la période. Ces villes moyennes affichent donc des performances remarquables, dans un classement où dominent les villes-centres et les banlieues des grandes métropoles (Lyon, Toulouse, Montpellier et Nantes sont en tête), et leur présence pourrait, au premier abord, venir contredire le discours ambiant sur le déclin généralisé des villes moyennes. Néanmoins, une analyse plus poussée de leurs caractéristiques conduit à mettre un bémol à une interprétation optimiste un peu trop hâtive. En effet, la moitié d’entre elles se présentent comme des villes-satellites de grandes métropoles, dont elles bénéficient du développement par une attractivité résidentielle et/ou une attractivité économique. C’est le cas de Montauban (Toulouse), Meaux (Paris), Salon-de-Provence (Aix-Marseille), Bourgoin-Jallieu (Lyon) et Thonon-les-Bains (Genève et Lausanne). Ce ne sont plus vraiment des villes moyennes ! Concernant les cinq autres, quatre sont des villes moyennes du Midi de la France dont le développement repose sur l’économie résidentielle du fait de leur héliotropisme et/ou de leur caractère balnéaire : Agde, Ajaccio, Montélimar et Béziers. On constatera d’ailleurs que leur dynamique ne se traduit pas forcément dans l’animation de leur centre-ville, en particulier pour les deux dernières. Finalement, la seule ville moyenne ne devant pas sa croissance à sa proximité d’une métropole ou uniquement à l’économie résidentielle est Colmar en Alsace, du fait d’une tertiarisation accentuée et non de sa dynamique industrielle (l’emploi dans l’industrie s’y effondre ces dernières années). 

Une fois ce constat effectué, on voit qu’il n’existe guère, à l’heure actuelle, de modèle de développement spécifique aux villes moyennes, en-dehors de l’économie résidentielle, ce qui pose problème, puisque, bien évidemment, toutes les villes de cette taille ne peuvent voir leur dynamisme reposer sur l’héliotropisme. Il convient donc d’inventer un nouveau modèle de développement pour ces villes, reposant sur la croissance de l’emploi, en gardant en tête qu’elles jouent un rôle primordial dans l’organisation du territoire français. Si les villes moyennes « meurent », c’est une large partie de la France qui risque de « mourir » avec.

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