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Infox, astroturfing, bad buzz : ces nouvelles menaces qui peuvent coûter des milliards aux entreprises
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Nouvelles menaces

Campagne virale, désinformation, focus sur les nouvelles menaces auxquelles sont confrontées les entreprises.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Une campagne d’astroturfing au Maroc a coûté près de 200 millions d’euros à Danone en 2018. L’astroturfing consiste à amplifier une campagne virale en créant de faux comptes qui relaient une fausse information ou une rumeur. La campagne contre la vie chère probablement menée par un mouvement islamiste au Maroc a déstabilisé le groupe français l’an dernier. Toutes les entreprises sont concernées par ces nouvelles menaces. 

L’astroturfing peut coûter très cher à une entreprise qui n’y prend pas garde. Danone en a fait l’amère expérience au Maroc en 2018, après un appel au boycott de ses produits largement relayée sur les réseaux sociaux par ce système d’amplification artificielle des messages appelé astroturfing. 

Les entreprises démunies face à l’astroturfing politique…

Au début, Danone n’a pas mesuré l’ampleur du phénomène. Le boycott auquel les Marocains étaient appelés apparaissait comme un phénomène marginal. Il s’agissait de protester contre la vie chère, et l’entreprise n’a pas considéré que les attaques dont ses marges faisaient l’objet relevaient d’autre chose que d’une fake news. 

On sait maintenant, depuis une analyse précise menée par l’Ecole de Pensée sur la Guerre Economique (EPGE) de Christian Harbulot, que cette campagne avait tout d’une manœuvre de déstabilisation parfaitement organisée. Ses organisateurs avaient l’intention de nuire à quelques entreprises emblématiques, dont Danone, symbole de l’emprise française supposée sur le Maroc. Deux entreprises marocaines étaient également visées. 

L’astroturfing a permis de catalyser la campagne et de lui donner une ampleur inédite. Les ventes de Danone ont chuté de 35% au Maroc en 2018, obligeant l’entreprise à vendre à prix coûtant et contraignant le président du groupe à prendre lui-même la tête d’une campagne de reconquête dans le pays. L’analyse de l’EPGE montre que le boycott était en réalité une orchestration qui a probablement coûté plusieurs centaines de milliers d’euros à ses initiateurs, et a fonctionné sur des techniques qui n’avaient rien d’une improvisation spontanée. 

Un risque politique à identifier rapidement

Dans cette campagne, Danone était un prétexte, un symbole à abattre, qui permettait aux militants islamistes qui organisaient l’opération de mesurer leurs forces sur la scène politique intérieure marocaine. Selon les chercheurs de l’EPGE, ce sont les islamistes radicaux du mouvement illégal mais toléré Al Adl Wal Ihsane (Justice et bienfaisance) qui ont ainsi lancé une sorte de ballon d’essai dans l’opinion, tout en préparant activement les prochaines élections législatives. 

Dans la pratique, la démonstration de force a réussi. Elle prouve que des mouvements très traditionnels peuvent utiliser les techniques d’influence les plus en pointe pour livrer un combat politique. Dans ces nouvelles formes d’opposition, n’importe quelle entreprise peut être piégée et victime d’un dénigrement auquel elle n’est pas forcément préparée ou dont elle ne prend pas forcément la mesure. 

Pour Danone, le choc fut violent. Bien entendu, à travers la marque, c’était la présence française au Maroc qui était visée. Ce précédent mérite d’être précieusement gravé sur nos tablettes. Les entreprises, et singulièrement les multinationales, sont entrées dans un monde de menaces nouvelles où leur valeur emblématique constitue une cible politique de choix. 

Face à la montée de l’écologie, une menace grandissante

Dans un univers où les thèmes écologiques et environnementaux deviennent obsessifs, toutes les entreprises sont susceptibles de devenir des cibles de choix pour des campagnes de déstabilisation utilisant des infox ou de l’astroturfing. On voit bien que les angoisses liées à la croissance, au bilan carbone, à la consommation de ressources fossiles peuvent être des instruments émotionnels commodes pour « emporter » la réputation d’une entreprise.

Sur ce point, il est probable que, dans les mois ou les années à venir, toute entreprise soucieuse de maîtriser son image commerciale devra apprendre à composer avec ces nouveaux risques sociaux. Mesurer l’impact d’une campagne virale menée pour des raisons politiques, parfois totalement étrangères à l’objet de l’entreprise, deviendra vite un pré-requis pour atteindre une taille critique suffisante. 

Il reste à construire un risk management de l’image corporate dans un monde nouveau, et nous sommes loin d’une maturité sur ce sujet. Mais une chose est sûre : plus aucun groupe ne peut s’en désintéresser. 

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