"La Miséricorde" de Jean Raspail : Magistral, puissant<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
"La Miséricorde" de Jean Raspail : Magistral, puissant
©

Atlanti Culture

Tout le talent de Raspail est déjà dans ce livre de jeunesse, longtemps inachevé, heureusement enfin édité.

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour pour Culture-Tops

François Duffour est chroniqueur pour Culture-Tops et avocat au Barreau de Paris.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).
Voir la bio »

La Miséricorde

De Jean Raspail
EQUATEURS 174 p. 18€

RECOMMANDATION
Excellent


THÈME
Jérome des Aulnais, avocat blanchi sous le harnais et cheminant sans le savoir vers la sagesse que l’âge implique alors qu’elle lui a jusque-là fait défaut, la réussite dans les affaires et le succès auprès des femmes ayant eu raison longtemps de sa compassion pour les autres et de toute forme de modestie, emprunte un jour par hasard le chemin d’une abbaye au cœur de laquelle un prêtre quasi-anonyme dispense le sacrement de Pénitence. Il opposera toutes les réticences légitimes à cet exercice que personne ne lui impose, sinon lui-même dans une quête de vérité participant au premier degré de l’exercice narcissique ou d’une psychothérapie de confort, pour cheminer ensuite vers l’idée de la nécessité du « pardon », guidé et dispensé par une main puissante et supérieure dont l’abbé se définira comme le simple et modeste ambassadeur.

Cette confession met en scène et confronte l’avocat-pécheur et son confesseur qui le guide dans sa démarche expiatoire, alors qu’il a lui-même et dans sa jeune vie de prêtre commis un crime affreux ayant défrayé la chronique judiciaire et menacé un peu plus la digue du célibat des prêtres.

POINTS FORTS
- Les quelques personnages du roman avec un premier prix à l’évêque, Monseigneur Anselmos, intelligent et bonhomme, qui va, au-delà de ses manières simples, empreintes d’une modestie inversement proportionnelle à son statut,  donner à son vicaire et ses abbés une leçon magistrale sur l’appréhension de l’âme humaine, le combat contre les préjugés, la distance respectable à prendre avec la hiérarchie, le tout au service d’une seule cause, exclusivement généreuse, la miséricorde dont tout homme doit selon le dogme profiter, dans son sens nécessairement biblique, celui de l’accession à l’amour du Dieu qui pardonne.

- Si ce n’est l’objectif ainsi défini, le discours du prélat pourrait être enseigné à tous les jeunes managers, tant il exprime la saine bienveillance inlassablement invoquée aujourd’hui, galvaudée et finalement si artificiellement pratiquée.

- La description très savoureuse des bourgs et des villages placés sous l’autorité de l’évêque, la confrontation des bigotes, des laïcs confirmés et autres bouffeurs de curé dans une France rurale et révolue qui sait quelquefois dépasser sa chapelle pour un moment de concorde mariale et républicaine à la fois.

- Une belle langue, choisie, directe, pertinente et souvent poétique.

POINTS FAIBLES
Aucun sinon le thème qui peut en rebuter plus d’un, tant l’idée de la confession et du pardon peuvent véhiculer d’oppositions légitimes, l’absolution qui en constitue l’épilogue sécrétant le pharisianisme et autres hypocrisies humaines. 

EN DEUX MOTS 
Un ouvrage magistral et puissant dans lequel l’auteur affronte la souffrance de celui qui a enfreint la loi, celle de Dieu ou celle des hommes et qui doit survivre à cet affront.

D’autant plus remarquable que Jean Raspail confesse en publiant ce livre l’avoir entrepris jeune et bien avant ses premiers succès littéraires, être revenu à plusieurs reprises sur son ouvrage pendant près de 30 ans pour le laisser finalement inachevé et plonger le lecteur devant un abîme de réflexion, à égalité avec l’auteur.

Une invitation à relire Bernanos et son «Journal d’un curé de campagne» pour appréhender la misère des hommes et celle du prêtre confrontés à leur propre dénigrement et à la dissipation de toute espérance, Zola et « La faute de l’Abbé Mouret» pour comprendre la rupture de l’engagement de l’homme d’Eglise et encore parmi les auteurs contemporains, Grégoire Delacourt dans « Mon père » et sa magistrale démonstration d’un pardon sollicité par un prêtre pour le crime commis par un autre.

UN EXTRAIT
“ Ma place est dans le confessionnal où je ne suis  qu’un instrument adapté au cadre stable et délimité du sacrement de pénitence qui est pour chacun de ceux qui s’y présentent un périple spirituel intime et un acte de volonté qui n’ont nullement dépendu de moi. Rien de plus simple. J’écoute, j’aide aux travaux de déblaiement, je parle de miséricorde, j’encourage et j’absous. Il n’est rien d’autre que je m’autorise à dire, sauf à préciser, avant de refermer le guichet, que ce n'est pas moi qui absous, mais Dieu, si la contrition est sincère. Vous savez toute cela mieux que moi…. “

L'AUTEUR
Jean Raspail est né en 1925. Il a tardé à embrasser le métier des lettres pour lequel il avait pourtant une inclination spontanée et parcouru le monde avant d’écrire, comme un anthropologue, nourrissant sans doute et ainsi ses récits à venir, utopiques et voyageurs. Il a reçu d’innombrables prix pour ses ouvrages et aussi pour son œuvre, ainsi le Grand Prix du Roman de l’Académie Française mais jamais le Goncourt, le Femina ou autre Renaudot. 

Le « Camp des Saints », son ouvrage emblématique considéré par certains comme prémonitoire, traite notamment de l’immigration de masse dont les naufragés de Lampedusa aujourd’hui pourraient être les héros ou les victimes.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !