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Rétablir la confiance envers les journalistes :  le pluralisme des médias c’est bien. Le pluralisme dans chaque média, c’est mieux
©PASCAL PAVANI / AFP

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François Fèvre revient sur la question des médias et sur la perte de confiance des Français envers les journalistes.

François Fèvre

François Fèvre

François Fèvre est étudiant de l’Institut Libre de Journalisme (promotion 2018/2019). 

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L’affaire François de Rugy a surgi à point nommé pour raviver la flamme des Français pour l’actualité et maintenir la consommation des médias au beau fixe. Mais si les Français restent de grands consommateurs d’actualités, la relation entre les médias et les Français reste obscurcie par un gros nuage : année après année, la confiance des Français envers les journalistes chute. D’après le baromètre annuel Kantar/La Croix 2019, seuls 50 % d'entre eux déclarent avoir confiance dans une information diffusée à la radio (média jugé le plus fiable) et seuls 25% estiment les journalistes indépendants.

Les différents dirigeants de rédactions prenant conscience de ce froid en tirent souvent les mêmes solutions : la lutte contre les fake news et une meilleure représentation de la diversité. Mais qu’en est-il de la diversité d’opinions, du pluralisme ? Le pluralisme dont le Conseil constitutionnel a estimé en 1989 qu’il « constitue le fondement de la démocratie ».

Au plus fort de la crise des Gilets Jaunes, de nombreux journalistes ont été pris à partie. BFM TV devenant pour certains des manifestants un symbole du média travaillant « pour le pouvoir ». La partialité des médias dits « mainstream » était mise en accusation. Cette perte de confiance s'est amplifiée depuis l'élection présidentielle de 2017. De nombreux français ont eu le sentiment d'assister à une union, non pas nationale, mais médiatique autour d'un candidat : Emmanuel Macron. La possession de médias par des personnes supposées favorables à Emmanuel Macron avait posé de nombreuses questions. Patrick Drahi, propriétaire entre autres de Libération, L'Express, BFM TV ou RMC ou encore Xavier Niel, co-propriétaire du journal Le Monde. Un sentiment de connivence s'est ainsi installé chez une majorité de français. Sentiment renforcé lors des débats à l'Assemblée nationale sur les subventions accordées à la presse. Que ce soit les aides directes (128 millions d’euros en 2018) ou indirectes (une TVA réduite à 2,1%), la presse est fortement financée par l'Etat. Sentiment aussi renforcé par l’image d’une profession vivant dans l’entre soi et partageant les mêmes opinions. Les sondages réalisés dans les écoles de journalisme ou parmi les rédactions lors de différentes élections et montrant une profession votant à gauche sont connus. Pour les élections européennes de 2019, un questionnaire réalisé par Euro-rolling Ifop sur les intentions de vote des élèves de Sciences Po Grenoble (institut portant l’école de journalisme de Grenoble) montrait une nouvelle fois le décalage entre les « élites » et les Français : Europe Ecologie finissait premier à 30 % suivi de La République En Marche à 17 % et du parti Génération.s de Benoît Hamon à 15 %. La droite ayant quasiment disparu avec 2 % pour LR et 1% pour le RN.

Dans ces conditions, les médias peuvent-ils rétablir la confiance avec les Français ? Le manque de diversité d’opinions parmi les journalistes ne peut qu’influencer les choix des sujets traités et les angles adoptés. Au vu de la 3ème place des Verts aux élections européennes, l'ensemble des médias « mainstream » insistait sur le bon score d’Europe Ecologie et le devoir du gouvernement de « verdir » sa politique pour répondre à l'attente des 12,7% d'électeurs d’Europe Ecologie. Très peu ont parlé d'immigration, d'identité ou de souveraineté pour répondre aux attentes des 23% des électeurs du RN. Ces sujets semblent tabous. En ne les traitant pas les médias nient les préoccupations d’une partie de la population qui se sent méprisée.

Certains responsables de rédaction conscients de ce décalage cherchent à retrouver cette confiance perdue. Chaque média souhaite désormais son émission débat ou ses pages opinions, quand ils ne font pas venir quelques « polémistes » qui seront garants de la diversité d’opinions de leur rédaction. Peut-être en-ont-ils aussi pris conscience en voyant certains Français faire le choix des médias alternatifs ou des réseaux sociaux. Mais les bonnes audiences et les partages sur les Réseaux sociaux qui suivent sont aussi là pour les convaincre. Il suffit de voir le succès sur You Tube des interventions à la télévision ou à la radio d'Eric Zemmour ou de Michel Onfray ! C'est le « buzz » assuré. Les Français ont un vrai désir (voire besoin) de diversité d’opinions, de nouveautés idéologiques et surtout d'idées qui les représentent. Ils sont en droit d’attendre une meilleure représentation de leurs idées en particulier sur des chaînes du service publique financées par les contribuables. Ainsi, il est étonnant qu’une radio comme France culture se contente de l’émission Répliques d’Alain Finkielkraut comme caution de droite.

Mais les médias initiant un peu de pluralisme sauront-ils résister aux premières polémiques venues ? Polémiques qui seront le fait d’autres journalistes ou initiées par des lobbys communautaires. Mais qui ne seront nullement représentatives de l’opinion des Français. Ils ne pourront malheureusement compter sur les pouvoirs publics. Ainsi l’ancienne ministre de la Culture (jusqu’en octobre 2018) Françoise Nyssen déclarait qu'une partie des Français étaient « hautement réactionnaires » et que l'audiovisuel public avait pour mission de « changer les mentalités sur le terrain ». Autrement dit, les chaînes du service public seraient chargées d'éduquer les français à " bien penser "

Peuvent-ils compter sur le Conseil Supérieur de l’audiovisuel (CSA) dont l’exigence de pluralisme fait partie de ses missions ? Sur ce terrain, le CSA restreint ses actions au pluralisme de l’offre médiatique lors de l’attribution de fréquences, ainsi qu’au décompte des temps de parole de chaque parti lors des campagnes électorales. Même dans ce cadre, le CSA semble faire preuve de partialité. Ainsi, si l’ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, s’est vu décompter son temps de parole comme temps de parole du Rassemblement National, il n’en a rien été pour les prises de paroles de Daniel Cohn-Bendit soutien avéré de la liste de Nathalie Loiseau. 

Les médias doivent donc compter surtout sur eux-mêmes et résister à la pression médiatique. Les audiences d’Eric Zemmour ou d’autres journalistes au discours alternatif témoignent de l’attente d’un discours différent et du peu d’influence sur les audiences des différentes affaires judiciaires intentées. Mais sont-ils en mesure de le faire ou sont-ils empêchés par l’opinion de leurs journalistes ? Le pluralisme dans les médias qui n’ont pas vocation à être des médias d’opinions passe par une plus grande liberté de parole mais aussi par des journalistes aux profils moins homogènes. Un journalise ne peut traiter les sujets librement lorsqu’il exerce dans une rédaction de journalistes aux opinions semblables. La pression du groupe dans les conférences de rédaction pèse aussi sur le choix des sujets traités et les angles adoptés. Cela passe donc aussi par un recrutement de profils plus divers à l’entrée des écoles de journalisme et par des écoles de journalisme moins conformistes. Le pluralisme dans chaque média participera au rétablissement de la confiance entre les Français et les journalistes.

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