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Pourquoi le ralentissement économique occidental n'a que peu de liens avec la guerre commerciale sino-américaine
©Brendan Smialowski / AFP

Antienne médiatique

Même si les signes de récession ou de ralentissement se multiplient aux Etats-Unis et en Europe, le conflit entre les Etats-Unis et la Chine ne peut pas tout expliquer.

Atlantico : Les signes de récession aux Etats-Unis et en Europe semblent se multiplier : inversion de la courbe des bons du Trésor américains, indices PMI plutôt mauvais pour nos voisins allemands, croissance faible, politique monétaire très accomodante, etc. Quelle part attribuer à la guerre commerciale sino-américaine ? Pourquoi l'excédent commercial chinois reste-t-il en croissance ?

Sébastien Laye : Les économistes raisonnent à la fois sur le long terme et en reprenant le credo ricardien sur les avantages comparatifs en la matière, prédisant une perte de croissance potentielle globale du fait des barrières tarifaires nouvelles. Or ce point ne fait pas l’unanimité dans la communauté scientifique, et surtout pratiquement, il est fallacieux de dire que les effets concrets se font déjà sentir à grande échelle. La dernière salve de tarifs douaniers trumpiens n’est pour l’instant qu’une menace, les mesures chinoises de rétorsion n’ont pas encore mises en œuvre. A part un sentiment de défiance qui affecte les plans des investisseurs internationaux, il y a peu de données économiques issues du commerce international qui justifieraient à elles seules une récession. Si effets délétères il y a, nous ne les verrons pas avant plusieurs années.  En réalité, le cycle économique actuel d’expansion, depuis 2009, a trop duré relativement aux cycles classiques : c’est l’expansion la plus longue aux USA depuis la fin de la seconde guerre mondiale ; tous les cycles ont été certes étendus par les politiques monétaires expansionnistes, mais cette dernière aux USA était déjà en retrait et en déphasage quand les premiers signes de ralentissement sont apparus. Par ailleurs, Trump, par ses mesures fiscales et de dérégulation plutôt en haut de cycle, a prolongé cette phase d’expansion. Il est en train de tenter d’ailleurs une seconde prolongation du cycle par le truchement de pressions sur sa banque centrale pour rebaisser les taux d’interet.

Sur l’excédent commercial chinois, il est historiquement le fait du modèle économique chinois : une économie au début des années 1990 à la fois énorme (rappelons qu’avant le développement industriel de l’Europe, la Chine et l’Inde encore au début du 19e siecle représentaient la majeure partie du PIB mondial) mais archaique, qui s’est développée sur un modèle mercantiliste d’exportation vers les USA et une moindre mesure l’Europe. Les autres déséquilibres (achats de bons du tresor américain, prévalence du dollar sur la monnaie chinoise) ne sont que les conséquences de ce modèle : tant que les Chinois vivent grace au consommateur américain, ils sont forcés d’acheter du dollar et des bons du tresor américain. Malgré les préconisations des dirigeants politiques chinois, la plupart des entrepreneurs chinois rechignent à réorienter ce modèle : or la croissance américaine est restée très forte sous Trump, et les exportateurs chinois ont continué à en profiter. On touche là un point paradoxal : Trump a beau ériger de nouvelles barrières, la masse de transactions sujette à ces barrières a continué d’augmenter. Cela étant, tant le ralentissement chinois qui est manifeste à ce stade que les craintes pour la croissance américaine devraient inverser le phénomène dans les prochains mois.

N'y a-t-il pas une exagération des effets de ce conflit protectionniste sur la croissance européenne ? Est-ce que ce conflit ne devait pas conduire à un report commercial vers l'industrie européenne (et notamment allemande) ? Comment expliquer dés lors la faible croissance des principales économies européennes ?

Comme pour les Etats Unis, l’impact des guerres commerciales sur la croissance européenne est en effet exagéré ; l’Europe, comme les USA, est soumise aux lois d’airain du cycle économique mais (d’où notre prévision chez Thomas More que le centre de la prochaine récession sera l’Europe et non l’Asie et les USA) sa situation est aggravée par de graves déséquilibres structurels, liés aux erreurs lors de la création de la zone monétaire. Je n’observe pas le report dont vous parlez… S’agissant de l’Allemagne, son industrie patit à la fois du ralentissement chinois mais aussi ne sait comment répliquer aux foucades trumpiennes. L’appareil industriel francais, lui, faute d’une vision entrepreneuriale et publique, reste déficient et donc incapable de se saisir de toute nouvelle demande.

Les Européens s’enfoncent dans ce qui n’est pas encore une vraie récession (définie comme deux trimestres consécutifs de contraction du PIB) mais un réel ralentissement : il s’explique par le simple essoufflement du cycle économique mais celui met cette fois ci en exergue les problèmes monétaires structurels, l’absence de coordination des politiques économiques, des failles dans la construction européenne qui n’ont pas été réglées lors de la dernière crise des dettes souveraines en 2011-2012.

Propos recueillis par Augustin Doutreluingne.

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