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Inversion des courbes du chômage : Macron 2019, Hollande 2017, qui avait la meilleure dynamique ?
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Les chiffres du nombre de demandeurs d’emploi pour le deuxième trimestre 2019 viennent d'être publiés : il s’agit de la 12ème    baisse trimestrielle enregistrée depuis l’inversion de la courbe observée à la mi-2015 sous François Hollande. Pour Emmanuel Macron, il va être difficile de maintenir cette tendance.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Les chiffres Pôle emploi du nombre de demandeurs d’emploi pour le deuxième trimestre 2019 viennent d'être publiés. Le bilan de ces chiffres est-il positif ? L’est-il vraiment quand on compare ces chiffres avec ceux qui ont marqué la fin du quinquennat Hollande, de mi-2015 à l’élection d’Emmanuel Macron ?

Michel Ruimy : Le bilan peut sembler positif en apparence ! En effet, le total des inscrits en catégorie A à Pôle emploi en France a reculé de 16  800 sur le dernier trimestre, de 72 000 en 1 an. Le nombre de demandeurs d’emploi est ainsi redescendu juste au-dessus des 3,63 millions. En considérant uniquement cette catégorie, il s’agit de la 12ème    baisse trimestrielle enregistrée depuis l’inversion de la courbe observée à la mi-2015 sous François Hollande. En 4 ans, le nombre d’inscrits en catégorie A a reculé de près de 180   000.

Mais la photographie est un peu moins belle si on intègre le nombre des demandeurs d’emploi en activité réduite c’est-à-dire les chômeurs recensés dans les catégories B et C (ceux qui déclarent travailler plus ou moins de 78 heures au cours du mois écoulé). Si le nombre d’inscrits en A, B et C se replie d’un peu moins de 27 000   d’avril à juin 2019, il ne s’agit que de la 3èmebaisse observée depuis la mi-2015 et surtout la moins importante des trois.Sur 1 an, le repli est limité à un peu plus de 56 000 personnes. Sur les 4 dernières années, le nombre d’inscrits n’a pas baissé mais progressé de près de 200 000 personnes dans les trois principales catégories de Pôle emploi pour frôler désormais les 5,9 millions pour la France entière.

La hausse du nombre de demandeurs d’emploi de la catégorie C (ceux qui ont travaillé au moins 78 heures au cours du mois écoulé) est l’une des manifestations de la précarité qui touche le monde du travail. La première raison d’une inscription à Pôle Emploi reste, en effet, la rupture d’un contrat à durée déterminée. Elle a concerné, au deuxième trimestre 2019, près de 20 % des entrées. Ainsi, la baisse, amorcée depuis la mi-2015, se poursuit mais à un rythme toujours aussi poussif et avec toujours, un grand nombre de chômeurs.

Des derniers présidents à avoir dirigé la France, c’est sous Nicolas Sarkozy que les chiffres du chômage ont été les meilleurs. En 2008, le taux de chômage en France métropolitaine atteint son plus bas niveau depuis 1996 (6,8 % en janvier) ainsi que le nombre de chômeurs de catégorie A (1 976 900 dans la métropole en février). Concernant notre actuel président, Emmanuel Macron compte beaucoup sur la réforme du code du Travail - dont l’ensemble des mesures des ordonnances sont en vigueur depuis le 1erjanvier 2018 - pour faire baisser durablement le taux de chômage. Selon lui, il faudra 2 ans pour se rendre compte des résultats des réformes. Rendez-vous donc en fin d’année !

Alors que le Gouvernement Philippe se félicite régulièrement de son action sur le chômage, ne pourrait-on pas y voir plutôt le résultat d’une bonne conjoncture économique internationale dont aurait aussi bénéficié François Hollande dès 2015 ?

L’exécutif est sous pression. Il vise un taux de chômage de 7 % à la fin du quinquennat, et même le plein emploi en 2025. Deux objectifs qui paraissent ambitieux au regard de plusieurs faits.

Tout d’abord, la diminution du chômage qui est observée actuellement est la conséquence d’une hausse des créations nettes d’emploi combinée à un ralentissement de la hausse de la population active.

Ensuite, et surtout, les chiffres du premier semestre le montrent. L’économie française ne tient pas son destin en mains. Elle dépend de l’environnement international. Dans ce contexte, il est, de toute manière, difficile de faire mieux du fait d’une activité mollassonne, notamment en l’Union européenne dont le niveau de croissance est plus faible qu’il y a 1 ou 2 ans (+1,2 % attendu cette année) et des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine qui génèrent des éléments d’incertitude.

Enfin, une question importante reste le niveau du chômage dit « structurel », celui qui reste insensible aux variations de la croissance, celui qui ne dépend que de la structure de l’économie (la population en âge de travailler, sa qualification, etc.), de facteurs institutionnels (l’indemnisation du chômage, le niveau du salaire minimum, les taux de cotisations, etc.) et de facteurs technologiques. Son niveau fait débat chez les économistes. Certaines institutions, comme la Commission européenne, estiment qu’il tourne autour de 9 % en France. Selon leur point de vue, le taux de chômage (actuellement à 8,7 %) ne pourrait donc plus baisser de manière durable, à moins de lancer de nouvelles réformes structurelles. D’autres économistes, estiment que ce « plancher » se situerait entre 6,5 et 7 % et il y a donc encore de la marge pour lancer de nouvelles réformes.

Le gouvernement a choisi la poursuite des réformes. Il a commencé par flexibiliser le marché du travail au regard d’un chômage structurel important. Depuis, il constate une nouvelle fois que le taux de chômage est élevé. Il doit donc encore accroître la flexibilité. C’est un discours peu en prise avec la réalité. En fait, les réformes El Khomri (2016) et les ordonnances Pénicaud (septembre 2017) ont certes visé à assouplir le marché du travail. Mais elles ont été timides puisque pour faire baisser le chômage, il conviendrait, dans un contexte de mégalopolisation de l’activité, notamment d’améliorer la fluidité du marché du travail (la mobilité des actifs) en développant les infrastructures de transports et l’offre de logements. A ce titre, dans un rapport de 2016, l’Inspection générale des affaires sociales estimait qu’une meilleure mobilité pouvait contribuer à réduire le taux de chômage de 1 à 2,5 points, tout en soulignant toutefois que ce résultat était purement théorique et soumis à des limites de méthode.

Comment s’explique la différence significative du nombre de chômeurs français par rapport aux autres pays de l’OCDE ?

Alors qu’à l’heure actuelle, le taux de chômage de la zone OCDE est légèrement supérieur à 5°%, les Français vivent avec un chômage de masse depuis le milieu des années 1980. Les causes de cette situation sont multiples.

On peut citer, dans le désordre, le taux d’emploi (pourcentage entre le nombre d'actifs occupés et la population en âge de travailler). En France, à la fin du 1er trimestre de cette année, il se situe à 65,5% contre 68,7% dans l’OCDE et 71,7% pour le G7 ! Si ce chiffre est soumis aux fluctuations du cycle économique, il est aussi, à plus long terme, influencé par les politiques publiques en matière d’enseignement supérieur et de garantie de ressources ainsi que par les mesures qui facilitent l’emploi des femmes et des catégories défavorisées. Ainsi, en France, il y a une inégalité face au chômage. Par exemple, les femmes sont plus touchées que les hommes en raison, pour partie, du développement d’emplois peu qualifiés majoritairement féminins.

Il y a également le chômage élevé des jeunes. Près du quart des actifs âgés de 15 à 24 ans sont sans emploi ! Or, les dix premières années de travail sont essentielles pour construire les perspectives de carrière à long-terme. Avec un tel taux de chômage, la France prend le risque de compromettre l’avenir de ses jeunes générations.

Le chômage des « seniors » est également important. Ces personnes sont en proportion bien plus souvent en situation de chômage de longue durée que le reste de la population (60 % contre 42 %).Les difficultés des seniors sur le marché du travail restent ainsi bien ancrées.

Et on pourrait continuer, la liste des dysfonctionnements est longue !

Quel a été l’impact de la politique monétaire de la BCE sur le chômage ?

Le principal mandat de la BCE est la stabilité des prix, quantifiée comme une inflation inférieure à mais proche de 2 % à moyen terme. Or, contrairement à d’autres banques centrales, elle n’a pas, en principe, à se préoccuper du niveau d’activité - le plein emploi ne fait pas partie de ses objectifs -. L’idée est que l’inflation est essentiellement un phénomène monétaire, déconnecté du niveau de production.

Or, dans le contexte actuel, l’objectif ultime de la politique économique doit être de stimuler l’activité et l’emploi. Concernant la zone euro, la banque centrale européenne doit ainsi faciliter les conditions permettant d’atteindre le plein emploi, charge à chaque Etat de créer les conditions d’une dynamique de l’emploi efficace et génératrice de productivité. C’est pourquoi, dans la conduite actuelle de sa politique, elle s’intéresse de près au niveau d’activité et à son effet sur les prix. En effet, dans des périodes de faible demande, il y a une « coïncidence » entre ces deux variables c’est-à-dire qu’en réduisant le sous-emploi, des pressions inflationnistes compatibles avec l’objectif de stabilité des prix peuvent se matérialiser. La conduite de la politique monétaire de la BCE s’appuie donc sur la courbe de Phillips. En stimulant la demande, la politique monétaire entend fait baisser le chômage jusqu’au point où la croissance des salaires excède les gains de productivité induisant des tensions sur les prix. Dans cette perspective, elle a donc mené, entre 2015 et 2018, une politique accommodante en injectant près de 2 600 milliards d’euros.

Le problème est que, jusqu’ici, les salaires et les prix n’ont réagi que timidement à l’amélioration conjoncturelle. Les coûts salariaux unitaires demeurent sur un faible rythme de croissance annuel et l’inflation sous-jacente ne montre pas de signe convaincant de redressement. La raison ? L’existence de nombreuses fuites dans cette stratégie. Cette masse phénoménale d’argent a notamment alimenté le prix de certains actifs (financiers, immobiliers…) - si l’inflation réelle est faible, l’inflation des actifs est explosive - avec une frustration grandissante du côté de l’économie réelle, en particulier l’accroissement des inégalités.

Cet aplatissement de la courbe de Phillips suscite plusieurs interprétations dont certaines remettent en cause le bien-fondé de l’orientation monétaire actuelle au regard des indicateurs économiques (croissance molle, taux de chômage se situant à 7,5 %...).

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