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Lyon : la ville de l’empereur Claude
©ROMAIN LAFABREGUE / AFP

Bonnes feuilles

Jean Etèvenaux publie "Les grandes heures de Lyon" aux éditions Perrin. Située à la croisée des mondes germanique et latin, Lyon s'est façonnée au fil des siècles malgré une topographie difficile. Jean Etèvenaux raconte, siècle après siècle, l'histoire de la troisième ville de France, une ville cosmopolite et inventive. Extrait 1/2.

Jean Etèvenaux

Jean Etèvenaux

Docteur en histoire et diplômé de l'Institut d'études politiques de Lyon, membre du Pen Club français, Jean Étèvenaux préside la Société des écrivains et du livre lyonnais et régionaux. Enseignant et journaliste, il donne de nombreuses conférences, notamment sur l'histoire des deux Empires (il a été vice-président du Souvenir napoléonien). Il est l'auteur de nombreux ouvrages.

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Dans les couloirs du palais impérial, un Lyonnais se cache, redoutant de subir le sort de Caligula : son oncle Claude (né en 10 av. J.-C.) craint d’être englobé dans la même réprobation. Lui n’est pas un politique, mais plutôt un chercheur qui a consacré de longues études aux Étrusques et aux Carthaginois. Mais ce grand bègue a déjà, avec sa blanche chevelure, l’aspect d’un noble vieillard et, comme il n’a jamais causé de tort à personne, c’est vers lui qu’on se tourne : les soldats qui le cherchent ne veulent pas le mettre à mort mais le proclamer empereur ! 

Il accepte finalement. Son règne dure treize ans et va être bénéfique pour Lugdunum comme pour Rome et l’Empire. Pas du tout porté vers l’autoritarisme, manifestant sa volonté de collaborer avec le Sénat, c’est un homme tourné vers la tradition et qui voudrait en faire profiter le plus grand nombre. Ses affranchis jouent un rôle de premier plan, ce qui marque un tournant dans l’évolution sociale et politique de l’Empire : des anciens esclaves peuvent parvenir à de hautes responsabilités et le pouvoir est confié à des gens compétents. C’est ainsi que naît l’administration impériale au tournant du premier demi-siècle de notre ère. 

Grâce à Claude, non seulement la bureaucratie mais l’ensemble des forces vives de l’Empire s’alimentent de plus en plus à des sources variées, dont celles de la Gaule. Cela lui semble d’autant plus naturel qu’il y est né, et pas à n’importe quelle date : le 1er août de l’an  10 avant le Christ, soit le jour anniversaire du premier rassemblement des délégués des soixante tribus gauloises. Celui-ci avait été organisé par son père Drusus, le beau-fils d’Auguste, qui avait si bien manœuvré pour attacher à la dynastie l’aristocratie gauloise. Claude est géographiquement la concrétisation de l’union gallo-romaine. Il fait presque figure de premier empereur galloromain. Centré sur la double personne de Rome et d’Auguste, le culte impérial est symbolisé par l’autel qui se dresse dans le sanctuaire des trois Gaules. Cet ara romae et avgvsti ad conflventem va recevoir un témoignage éclatant de l’attention que lui porte l’empereur. Nous sommes en 48. L’année est importante pour Claude, plus, même, qu’il ne se l’imagine. Lassé des avanies que lui a fait subir sa troisième épouse, Messaline (20-48), il la fait exécuter ; malheureusement, il remplace une mauvaise influence par une autre, puisque sa quatrième femme, Agrippine la Jeune (15-59), va arriver à ses fins en plaçant son propre fils au détriment de celui de l’empereur, le fameux Britannicus (41-55). Mais, pour le moment, il est tout accaparé justement par son retour de Bretagne qui lui a permis de montrer un autre visage que celui d’un intellectuel : c’est sous son règne qu’est annexée la grande île – tout au moins sa partie la plus peuplée. Il fait étape à Lugdunum, où les notables le pressent d’intervenir pour que leur soit accordé le droit de citoyenneté italique. Cela présenterait pour eux un double avantage  : fiscal, par l’exemption de taxes, et politique, par l’accessibilité à certaines charges (certains Lyonnais se voient déjà sénateurs). 

Claude se fait l’avocat de la mesure devant le Sénat de Rome qui ne peut qu’adopter la proposition. Nous connaissons le texte du discours impérial par Tacite, qui l’a rapporté (avec, peut-être, le regret que les anciens Barbares qu’étaient les Gaulois soient en train de devenir les égaux des vieux Romains). Mais il existe une autre version que celle de l’historien, qui l’a manifestement remise en forme. C’est quelque chose de finalement plus authentique, retranscrivant les lourdeurs et les hésitations d’un homme qui n’était vraiment pas un orateur. Envoyée à Lugdunum, elle est gravée dans le bronze par les délégués des soixante peuples, naturellement reconnaissants à leur illustre concitoyen de ce qu’il avait obtenu pour eux. 

Ainsi apparaît la Table claudienne, de surcroît un très beau monument typographique. Pieusement conservée, elle est cassée en quatre morceaux au Moyen Âge afin d’en récupérer le matériau. La moitié prendra ainsi le chemin de la fonte, tandis que les deux autres pièces resteront enfouies dans la colline de la Croix-Rousse où elles seront redécouvertes à la Renaissance. Michelet qualifiait la Table claudienne de « premier monument authentique de notre histoire nationale ». On constatera simplement qu’au moment où Lutèce demeure une bourgade dans le territoire des Parisii qui ne lui ont pas encore donné leur nom, Lyon accumule les titres à la prééminence sur toute la Gaule. En même temps, la cité tient un rôle majeur dans l’Empire romain, notamment parce que la dynastie lui montre un constant attachement. 

Claude lui donne encore plusieurs manifestations de son affection. Tout d’abord, la ville prend son nom : elle s’appelle dorénavant Colonia Copia Claudia Augusta Lugdunum, alors que l’usage ne fait normalement référence qu’au souverain régnant lors de sa fondation. On ne sera donc pas surpris que s’ajoutent de nouveaux témoignages de la vénération lyonnaise à l’égard de la personne de l’empereur. Outre le culte général qui lui est rendu, il y en a un municipal, ainsi qu’un temple dédié à la gens Julia, puisque la famille de César est pratiquement considérée comme divinisée ; dans un ordre d’idées semblable, une statue de Tibère est adjointe à celles de Mercure et de Maia.

De son côté, l’empereur fait construire un aqueduc. Ce n’est certes pas le premier à alimenter la cité, mais celui-là transporte les eaux des monts du Lyonnais à partir des environs d’Avaize ; il est connu sous le nom de la Brévenne, dont il domine la vallée sur la plus grande partie de son parcours. Ses cinquante-cinq kilomètres déversent 28 000 mètres cubes quotidiens, indispensables à une agglomération de plus en plus importante.

Extrait du livre de Jean Etèvenaux, "Les grandes heures de Lyon", publié aux éditions Perrin. 

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