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Le dérèglement climatique appelle des solutions d’ampleur. Et voilà pourquoi de petits pas sont le meilleur moyen d’y parvenir
©LUCAS BARIOULET / AFP

Ecologie réaliste

La venue de Greta Thunberg à l'Assemblée Nationale et son discours alarmiste mettent en exergue une certaine déconnexion avec le réel existant au sein de la sphère écologiste.

Bruno Durieux

Bruno Durieux

Conseiller au cabinet de Raymond Barre (1976-1981), ancien député (1986-1994), ancien ministre (Santé, 1990-1992 ; Commerce extérieur, 1992-1993), Bruno Durieux est maire de Grignan dans la Drôme. Il est notamment l'auteur de "Contre l'écologisme, Pour une croissance au service de l'environnement", publié aux éditions de Fallois. 

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Atlantico :Greta Thunberg, invitée à l’Assemblée Nationale mardi dernier, ne cesse d’évoquer l’inactivité des entreprises ou des gouvernements en faveur de l’environnement à cause de leur frilosité politique (elle aurait par exemple déclaré : « tant que vous ne commencez pas à vous concentrer sur ce qui doit être fait, plutôt que sur ce qui est politiquement possible, il n’y a aucun espoir. »). En quoi l’année sociale en France et dans le monde a montré au contraire qu’il est difficile de faire des choses sans s’assurer de leur faisabilité politique ?

Bruno Durieux : Greta Thunberg incarne la sainteté d’une Bernadette Soubirous, la vaillance d’une Jeanne d’Arc et la dureté d’un Savonarole du climat ; la médiocrité coupable de ceux qui manquent de conviction face au climat n’en ressort que plus cruellement ! On a installé Greta dans le registre du catastrophisme prophétique, procédé par lequel l’idéologie écologiste assoit depuis toujours son emprise médiatique. 

Ce phénomène, les grèves, marches et manifestations qu’il entretient, les oppositions qu’il suscite, les ralliements opportunistes, les silences accablés et les colères rentrées, illustrent parfaitement le malaise politique qui règne autour de la question climatique. 

Le mouvement des « gilets jaunes » (après celui des « bonnets rouges » opposés à une écotaxe aujourd’hui abandonnée) est la première manifestation d’ampleur contre la « taxe carbone », taxe au cœur des politiques actuelles de lutte contre les émissions de CO2. Le représentant des écologistes au gouvernement, N. Hulot, ardent défenseur de la taxe, prenait cependant la tangente et quittait le gouvernement sans prévenir. Il sera bien difficile aux écologistes de conduire et d’assumer la politique climatique qu’ils réclament.

Au récent G20 de Tokyo, le climat tenait encore la vedette. Les Etats-Unis confirmaient leur hostilité à l’accord de Paris ; l’Union Européenne réaffirmait son zèle ; les autres pays, dont la Chine et l’Inde, restaient discrets. Le Brésil, qui voulait quitter l’accord, a été rattrapé in extremis par l’UE grâce à l’accord de libre-échange avec celle-ci ; un accord que condamnent violemment les … écologistes. Le climat était de nouveau au centre de la campagne menée par les écologistes contre l’accord de libre-échange avec le Canada. Ceux-ci criaient à l’écocide, le gouvernement prit le risque climaticide et passa outre ; admirable défaite des premiers, acte immoral du second ! 

Le climat n’est plus un sujet d’expertise technique ou scientifique. C’est un sujet désormais écrasé par l’idéologie et par la religion ; l’idéologie anticapitaliste et « décroissanciste » des écologistes et leur doxa apocalyptique. L’écologisme s’est emparé de la question climatique, comme autrefois le communisme de la question sociale. Pour lui, la solution passe par la sortie du capitalisme (cf. Naomi Klein et bien d’autres activistes). Ainsi, en renonçant à la liberté d’entreprendre et à l’économie de marché, « ce qui doit être fait » et qui doit, selon Greta, « passer avant ce qui est politiquement possible », le sera en effet ; au prix de l’addition d’une guerre de religion et d’une révolution politique. Il faudra à Greta plus que convaincre Davos, le pape, tel chef d’Etat ou des députés français, pour réussir cette entreprise. Faut-il préciser que dans un tel chaos, le climat et les politiques environnementales passeraient à la trappe ? 

Un sujet est emblématique à ce titre : celui des taxes carbone en tout genre ? Sont-elles vraiment efficaces dans la mesure où elles sont si peu acceptées ? 

La question climatique est un enjeu politique dont les termes sont radicalement nouveaux. Les grandes confrontations politiques passées et encore présentes portent sur les libertés politiques, les droits de l’homme, les régimes de propriété, les inégalités sociales, ou encore la répartition des fruits de la croissance. Dans ces domaines nul « expert » ne pèse en comparaison des valeurs philosophiques et morales qui s’attachent à ces sujets. 

Pour le climat, ce sont au contraire les experts – et le fameux GIEC – qui fixent les éléments du débat ; pour eux, le réchauffement est essentiellement d’origine humaine.  Ils affirment en outre que les conséquences du réchauffement seront terribles pour nos descendants si l’on ne fait rien. Les économistes ont donc raison de soutenir, au vu de ces dires d’experts, que la solution passe par une taxation du carbone, si possible mondiale. C’est sans doute impopulaire mais c’est ce que l’économie de marché et de libre entreprise enseignent sans ambiguïté.

Cependant son avenir est compromis. La majorité agissante des écologistes est foncièrement anticapitaliste. Elle récuse l’approche « libérale ». Pour elle, il n’est d’autre solution que la planification et le rationnement des émissions de CO2 au niveau mondial. C’est bien sûr utopique. Et l’imposer seulement à la France (1 % des émissions mondiales) ou même à l’Europe, serait aussi absurde du point de vue de l’efficacité climatique. Technophobes, les écologistes rejettent, contrairement aux économistes classiques, les solutions technologiques au défi climatique, dont le nucléaire. Hyper malthusiens contemporains, ils n’ont donc pas d’autres perspectives à proposer à l’humanité que la « décroissance heureuse » et, pour cela, sortir du capitalisme.

Une approche plus silencieuse, politiquement et socialement, de l’écologie n’est-elle pas préférable ? Quels en seraient les principes ? Et les mesures les plus évidentes ?

En dramatisant à outrance la question climatique, l’idéologie écologiste se piège elle-même. La tragédie qu’elle pronostique (prophétise ?) d’ici trente ou cinquante ans se matérialiserait par 2, 3 ou 4 degrés de plus ; c’est-à-dire, comme le font remarquer quelques espiègles facétieux, beaucoup moins que l’écart de température entre Paris et Singapour, où pourtant il fait bon vivre. Une telle prophétie, pour être surmontée, impliquerait de tels changements de comportements, individuels et collectifs, de tels bouleversements politiques, que seule un régime autoritaire y pourvoirait. La misère et l’injustice sociale ont pu engendrer un tel régime en Russie. La prédiction de canicules de plus en plus nombreuses suffiraient-elles à le faire accepter dans nos démocraties ?

Pour autant, le défi climatique doit être relevé. Un premier impératif est de sortir de l’obsession du CO2 et de compléter l’objectif central de réduction des émissions de GES par un second objectif d’adaptation au changement climatique, indispensable dans les pays pauvres et pour les populations les plus vulnérables. Un second impératif est de sortir du dilemme climat ou capitalisme, de tourner le dos à la décroissance malthusienne et de privilégier les investissements de croissance (recherche-développement, technologies bas carbone, infrastructures, équipements éducatifs, sociaux, de santé et d’isolation de logement) qui protègent les populations les plus exposées, accroissent la productivité globale des économies et diminuent le contenu en carbone de la croissance. 

Des mesures évidentes : le développement de l’énergie nucléaire et des énergies intermittentes (sous réserve que celles-ci accroissent la productivité de l’économie et le revenu, ce qui n’est pas le cas de la France mais sans doute celui de nombre de pays en développement) ; le soutien du gaz (y compris du gaz de schiste) comme substitut au charbon et au pétrole ; l’encouragement des cultures qui réduisent le CO2 et les consommations d’eau, en recourant aux OGM, aux fertilisants ou aux produits phytosanitaires dont l’innocuité pour la santé humaine et la biodiversité est établie. Bien d’autres « petits pas » pourraient être cités.

On ne traitera pas la question climatique par une régression malthusienne mais par une politique progressive, patiente, pariant sur la croissance et la technologie, jouant sur une fiscalité rationnelle, incitant aux bons choix.

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