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Greta Thunberg à l’Assemblée nationale : le révélateur de la faiblesse des écologistes politiques ?
©Oli SCARFF / AFP

Coup de com' ?

Le 23 juillet, Greta Thunberg sera reçue à l’Assemblée nationale lors d’une réunion organisée par 162 députés du collectif « Accélérons », mais ouverte aux autres députés. Une invitation qui interroge sur la capacité des écologistes à construire un vrai projet politique.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Est-ce qu’il vous semble que cette invitation révèle une forme de faiblesse des écologistes en politique, contraints de recourir à ce type d’artifices de communication ?

Eddy Fougier : Greta Thunberg a elle-même annoncé dans une interview pour Libération qu'elle participerait à cette réunion. L'Assemblée nationale a l'habitude d'accueillir un certain nombre de personnalités : Greta est considérée comme une personnalité éminente. Elle apparait sur une photo récente aux côtés de Barack Obama et d'autres personnalités très connues. Cette invitation à l'Assemblée nationale fait partie de l'ère du temps : la version pour adolescents de Science et avenir affiche Greta Thunberg en "une" de son dernier numéro. Greta Thunberg est devenue le symbole de l'incapacité ou de la faible volonté du gouvernement à lutter contre le changement climatique. Sans doute les écologistes ont-ils voulu faire un coup médiatique. On en reparlera probablement le jour J, l'actualité ne sera pas très importante le 23 juillet : c'est donc davantage un coup de communication qu'un exercice politique montrant leur faiblesse en tant que tel.

La lutte pour le climat paraît moins une affaire politique qu'une affaire de société civile et Greta Thunberg est plus que quiconque le symbole de cette société civile, celle de jeunes qui refusent de se rendre à l'école pour lutter contre le réchauffement climatique dont ils estiment être victimes. Ces actions se multiplient : "Youth for climate" a mené une action dimanche à Bordeaux en bloquant en McDo, samedi des activistes ont protesté pacifiquement dans un aéroport en Suisse. Aujourd'hui, il y a une forte mobilisation du côté de la société civile qui passe par des actions de "désobéissance civile". Jean-François Julliard explique dans son dernier livre que c'est la voie à suivre. Aujourd'hui, le "combat" écologique se fait dans la rue de la part de la société civile et des citoyens plus qu'à l'Assemblée nationale, a fortiori plus que dans les partis politiques écologistes. Greta Thunberg est invitée par les écologistes français : il n'est même pas sûr qu'elle connaisse Yannick Jadot.

Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France écrit dans son livre On ne joue plus ! Manuel d’action climatique et de désobéissance civile : « il faut savoir désobéir et multiplier les actions pour s’opposer à tous les projets incompatibles avec l’urgence climatique ». Quel est le risque de voir ce genre d’actions se produire ? Comment l’expliquer ?

Ces actions se produisent déjà, et de plus en plus. Je suis avec intérêt le mouvement Extinction Rébellion, qui revendique ouvertement au nom de la lutte contre le réchauffement climatique des actions de désobéissance civile de masse, y compris au risque de payer des amendes élevées et d'aller en prison, puisque l'une des actions revendiquées par le mouvement en Grande-Bretagne consiste à utiliser des drones pour bloquer le trafic aérien sur l'aéroport de Heathrow. Ils ont formulé la menace mais ne l'ont pas encore mis en œuvre. Ce type d'actions visant les "acteurs du réchauffement climatique" va à l'avenir se multiplier. En France par exemple, sans parler du seating sur le pont de Sully, deux mille activistes écologistes ont mené l'opération "Bloquons la république des pollueurs" au mois d'Avril dernier à la Défense, opération d'une ampleur rarement égalée.

Entre artifices de communication et opposition systématique, est-ce qu’il vous semble que les activistes et les écologistes en politique prennent une direction efficace pour l'environnement ?

Ce qui relève de la société civile m'intéresse davantage que ce qui dépend de l'écologie politique. Selon moi, l'écologie politique, si ce n'est dans certains scrutins comme celui des européennes mais qui n'a pas eu beaucoup d'impact en France, est souvent un vote par défaut. Ce n'est donc probablement pas de ce côté-là qu'il faut attendre quelque chose pour faire évoluer les choses dans le bon sens. Pour beaucoup d'écologistes aujourd'hui, le combat ne passe plus par la politique et la "politique des petits pas" incarnée par Nicolas Hulot a été, de mon point de vue, une mauvaise idée. La démission de Nicolas Hulot a fait un électrochoc aux yeux de très nombreux écologistes qui se sont rendus compte que ce n'était pas par le biais politique que la situation évoluerait mais justement par une action directe, sur le terrain, à la fois en faisant pression sur les individus mais pas que (les gouvernements et les acteurs économiques), et en ayant recours, de plus en plus, dans le discours et dans la réalité à cette idée de désobéissance civile. On voit bien ce passage de sentiment que la politique ne mène à rien et que pour améliorer la situation, il faut agir directement sur les mentalités et sur les acteurs.

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