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"Guillaume Le Conquérant" de David Bates : véritable personnage shakespearien
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En amputant des mains et des pieds 32 bourgeois d'Alençon qui avaient manqué de respect à sa mère, le jeune Guillaume annonce la couleur: il sera un duc puis un roi cruel et violent. David Bates nous guide brillamment dans le cheminement paradoxal de ce grand conquérant, obstiné, et subtil tacticien politique et militaire.

Michel Kerjean

Michel Kerjean

Michel Kerjean est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).


 

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LIVRE

Guillaume Le Conquérant

de David Bates

Flammarion- Grandes Biographies

855 pages

RECOMMANDATION

            EXCELLENT

THEME

Discernons-en, plutôt, quatre: 

- le premier :La toile de fond est le récit historique de la vie de Guillaume depuis sa naissance à Falaise en 1027(ou 1028) jusqu’à sa mort à Rouen en 1087; la marche semée d’embûches du jeune duc de huit ans qui le mènera à la bataille d’Hastings en 1066, à la  conquête de l’Angleterre et à la royauté ; la gestion difficile du vaste empire trans-Manche ,Normandie , Maine, Angleterre  , source de révoltes et de terribles répressions ; le renouvellement de tout ou presque du clergé anglais et l’attribution aux nobles normands, fidèles à Guillaume, des biens des grands propriétaires et nobles Anglo-Saxons insoumis, poussés à l’exil ; la fin de  règne difficile avec les premières défaites , l’opposition au roi de France, Philippe Ier, et la rébellion  de son fils ainé, Robert.

- le second : La gouvernance des ducs normands : violence, exercice autoritaire du pouvoir,  colère et  clémence, véritables attributs et privilèges de l’autorité et que s’appropriera facilement et rapidement le jeune bâtard de Normandie. Il les utilisera à l’extrême en dévastant jusqu’à la désolation le nord de l’Angleterre révoltée. L’amputation des mains et des pieds de trente-deux bourgeois d’Alençon qui avaient manqué de respect à sa mère n’était qu’un prélude à d’autres atrocités.

-le troisième : L’importance et l’instrumentalisation  des évêchés et des fondations monastiques. Les monastères sont une  monnaie d’échange politique, une source de revenus, un réservoir de récompenses ou de sanctions, en même temps qu’une  manifestation, parfois totalement hypocrite, de pénitence, afin d’éviter la sanction suprême, l’anathème papal, pour les comportements barbares, publics et privés, d’origine ancestrale, de ces Normands qui ont  rejoint la communauté chrétienne.

- enfin et, sans doute, surtout : L’analyse critique des manuscrits contemporains et de ceux  du XII et XIIIème siècles, qui ont jusqu’ici permis d’asseoir l’histoire de Guillaume. C’est le thème le plus original et volontairement le plus documenté. Cette analyse est scientifique, chirurgicale et envisage de nombreux points : authenticité, éventuel esprit partisan, recours à des corrections suspectes, préférences et ambitions personnelles des auteurs selon leur nationalité normande ou anglaise, liste des signataires des actes notables  etc…Ce thème ,qui n’est pas une remise en question de l’histoire mais qui répond à un souci d’éthique et de précision,  est pour l’auteur la justification principale de ce  nouvel ouvrage sur Guillaume le Conquérant.

POINTS FORTS

Les réflexions concernant  l’ « expansionnisme opportuniste » de la société seigneuriale. Guillaume manqua  dans sa jeunesse(jusqu’à la victoire de Val- es-Dunes) d’en être une victime avant de devenir, une fois adulte, un adepte de la méthode dans les modalités de son mariage avec Mathilde et dans la contestation  de l’héritage d’Edouard le Confesseur, avec les suites que l’on sait.

POINTS FAIBLES

Un texte parfois touffu, voire obscur. La lecture de longues phrases tarabiscotées n’en est pas facilitée.

On attendait quelques lignes sur l’ « exceptionnalisme Anglais »  et « l’Angleterre carolingienne »


EN DEUX MOTS

En refermant ce livre de 855 pages (dont 200 de notes), une question m’a préoccupé: le trouvais-je remarquable à cause de la personnalité de Guillaume ou de celle de l’auteur, David Bates ? Guillaume a fait l’objet de nombreux ouvrages historiques et son parcours conquérant est déjà bien connu .David nous présente, à son sujet, des modulations originales de diverses facettes épistémologiques et anthropologiques que seul un érudit médiéviste  de cette envergure peut assumer. A mes yeux Guillaume et David sont maintenant indissociables et « cette œuvre aboutie fera date »

UN EXTRAIT

« Si les turbulences qui ont marqué l’adolescence de Guillaume étaient inscrites dans la structure même du gouvernement ducal et que l’autorité ducale était néanmoins résiliente, les cultures de la vendetta et de la violence basée sur l’honneur ainsi que l’attente de récompenses pour les actions méritoires restaient d’une importance essentielle… Il est également d’une importance extrême de noter que la façon dont s’est enraciné le pouvoir personnel de Guillaume, nonobstant les domaines institutionnels et religieux, fut principalement belliqueuse »

L’AUTEUR

David Bates, né en 1945, est un historien britannique, spécialiste de la Normandie et de l'Angleterre du XIème siècle. Il a étudié ou enseigné dans plusieurs universités Anglaises (Cardiff, Exeter, Glasgow, Londres). Il est très lié  à la faculté de Caen.

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