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Pourquoi colbertisme et libéralisme sont plus compatibles que ne le croient les Républicains
©Thomas SAMSON / AFP

Avenir de la droite

Julien Aubert vient de publier une tribune dans Le Point dans laquelle il défend une forme de néo-colbertisme. Soit, mais cette orientation d'économie politique n'est pas incompatible avec le libéralisme.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico.fr : Certains pays réputés comme libéraux parviennent avec succès à marierles principes du libéralisme avec un souverainisme économique intelligent. En quoi le néo-colbertisme et le retour à une droite gaulliste tel qu'il est proposé par Julien Aubert est-il compatible avec une certaine forme delibéralisme ?

Edouard Husson : Méfions-nous des étiquettes ! Il n’ a que les Français pour croire que l’Etat et la libre entreprise c’est contradictoire. Comme le disent très bien les auteurs de la tribune emmenés par Julien Aubert, la droite a changé de politique économique, définitivement, lors de la première prériode de cohabitation. Elle s’est mise à privatiser à tout va; montrant l’exemple aux gouvernements successifs - celui qui remporte la palme, c’est Lionel Jospin, entre 1997 et 2002.

A la même époque, les Etats-Unis privatisaient certes mais augmentaient considérablement le budget de la défense. Et surtout, la Chine se lançait dans la plus grande opération de libéralisation partielle d’un Etat autarcique jamais entreprise dans l’histoire. Il n’est pas besoin d’épiloguer longuement sur le macronisme, qui rassemble tous les défauts combinés des politiques de centre-droit et de centre-gauche menées depuis trente ans.

Macron est une cohabitation à lui tout seul - c’est ce que trahit son « en même temps ». Il ne cesse d’augmenter la dépense publique pour essayer de combler les brèches faites par une politique qui s’affiche comme libérale et qui consiste essentiellement à confisquer le capital national pour le mettre entre les mains de quelques-uns. La privatisation d’ADP est au coeur de la réflexion des signataires de la tribune. Qu’est-ce qui constitue la valeur d’un actif? Les marxistes ont ,crié très fort pendant des décennies pour nous expliquer que c’était uniquement le travail qui avait été mis dans la constitution de cet actif; puis, ces marxistes retournés que sont, la plupart du temps les néo-libéraux, nous ont expliqué que c’était uniquement la valeur financière.

Ce que Julien Aubert et ses camarades nous ramènent, c’est une compréhension du capital beaucoup plus large. La valeur stratégique nationale d’un actif est quelquefois plus importante que sa valeur financière. 

Eric Verhaeghe : Pour tout vous avouer, je suis un peu perplexe face à la tribune de Julien Aubert qui mélange, de mon point de vue, des notions très différentes. Avoir un État fort comme le réclame Aubert selon une expression à mon sens très opaque et fourre-tout ne passe pas forcément par l'existence d'un système de sécurité sociale, prétendument inventé par le Conseil National de la Résistance. Par exemple, le Chili de Pinochet était un État fort, et fonctionnaire sur un système de retraites individuelles par capitalisation. Inversement, la sécurité sociale représente aujourd'hui environ un tiers du PIB, mais elle affaiblit l'État parce qu'elle l'endette et l'oblige à ponctionner des sommes grandissantes sur les forces vives de l'économie. Il y a donc chez Aubert la même confusion que dans beaucoup de discours réputés de droite. Je me permets ici une pique en disant que la droite ne pourra se reconstruire sans avoir mis à plat ses idées, ses certitudes et ses convictions. La droite se reconstruira en redonnant un sens aux choses.

Par exemple, pourquoi un député de droite propage-t-il le préjugé absurde selon lequel Macron serait libéral, alors que l'État n'a jamais été aussi dépensier, aussi présent qu'avec lui? Dire que Macron est libéral relève d'un confusionnisme malheureux. En réalité, Macron est un étatiste, prétendument tourné vers l'Europe, mais qui pratique une politique économique résolument opposée à ce que prône le traité de Maastricht. Or, et pour répondre à votre question, j'ai la certitude que la clé d'un souverainisme heureux passe forcément par de l'ordo-libéralisme. C'est en rétablissant les comptes publics qu'on retrouvera non seulement de la croissance mais surtout de l'indépendance nationale. Tant que les décisions publiques dépendent des marchés et des créanciers étrangers, qui peuvent "torpiller" ou non un gouvernement, il est inutile de parler de souverainisme. 

J'ai bien conscience d'être ici à l'opposé des discours souverainistes ambiants, qui font tous croire que la France serait plus indépendante en renouant avec des déficits publics colossaux et en renonçant à la bonne gestion. Je pense que c'est exactement l'inverse qui se produira. Plus la France sera endettée, plus elle sera livrée au bon vouloir de ses créanciers, et spécialement de ses créanciers étrangers. De ce point de vue, il ne peut y avoir de vraie souveraineté sans un retour à l'équilibre des comptes publics, c'est-à-dire sans ordo-libéralisme. En ce sens, la conception de Julien Aubert me paraît à rebours des bonnes idées à creuser et des intentions qu'il affiche. 

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