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Hellfest : les fans de musique metal ne sont pas ceux que vous croyez
©Sebastien SALOM-GOMIS / AFP

The headbanger next door

Le festival du Hellfest accueille près de 200.000 fans de metal et hard-rock ce week-end à Clisson en Loire-Atlantique. La sociologie des fans de metal pourrait en réalité vous surprendre.

Gérôme  Guibert

Gérôme Guibert

Gérôme Guibert est maître de conférences en sociologie à l’université Paris 3 Sorbonne Nouvelle, UFR Arts & Médias, département ICM. Il est chercheur au laboratoire Irmeccen (EA 1484). Il est en outre directeur de la publication de la revue Volume ! revue de recherche sur les musiques populaires. Il a dirigé en 2006 le numéro de cette revue consacré aux « scènes metal », https://www.cairn.info/revue-volume-2006-2.htm.

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Atlantico : À la genèse de la musique metal, qui étaient les fans de ce genre de musique sociologiquement parlant ?

Gérôme Guibert : Le heavy metal a commencé avec la contre-culture hippie à la fin des années 60. C’est une réponse des cols bleus aux cols blancs hippies. Ce sont des gens plutôt issus d’un milieu populaire, péri-urbains, jeunes, blancs et plutôt hétérosexuels. À l’instar de la culture hippie, on retrouve une quête de spiritualité alternative. Quand les hippies se tournaient vers la culture amérindienne par exemple, dans le metal, on se tournait vers l’occultisme, la magie… Des choses profondément ancrées dans la culture populaire. 

En termes de contenu, le heavy metal exprime la frustration de cette population dans le cadre de l’époque face aux inégalités sociale ou la dureté de la société dans son ensemble. On retrouve cela en France avec les premiers groupes comme Vulcain qui dans la chanson « Bosser » jetait un « Vous les patrons vous êtes tous pareils Vous rigolez en nous donnant nos paies Je suis vidé, Assez ! ».

Toutefois, les gens ne se revendiquaient pas « metalleux » à l’époque. Le mouvement a vraiment pris corps à la période punk. Les punks ridiculisaient les hippies et les gens qui avaient les cheveux long. D’une certaine manière les metalleux se sont retrouvé comme des parias, ce qui leur a permis de trouver une unité qu’ils n’avaient pas jusqu’alors.

Au contraire, quand on regarde les différentes études sociologiques qui ont pu être faites sur les fans de ce genre de musique, on retrouve une plus grande proportion de cadres supérieurs que parmi d’autres fans de musique. Comment expliquer cette mutation ?


Il faut garder un peu de distance sur ces estimations et il convient de prendre du recul pour mieux analyser les choses. Ce qu’il s’est passé, c’est que finalement toutes les caractéristiques de base de la musique metal sont tombées les unes après les autres. Les femmes sont beaucoup plus nombreuses aujourd’hui, cette musique réservée aux « jeunes » il y a 30 ans compte maintenant des quinquagénaires (voire sexagénaires et au-delà) …

Aujourd’hui ce n’est plus une musique réservée aux classes populaires non plus. Il y a une vraie représentation des cadres supérieurs parmi les fans, mais ils sont rarement issus d’une famille aisée. 

Par contre on remarque que les metalleux sont parmi les gens les plus fidèles à leur musique. Comme cela reste une musique toujours plus ou moins marginale (essayez de passer du black metal dans une soirée entre amis qui n’en écoutent pas, vous comprendrez), c’est une musique qui s’écoute souvent entre initiés et cela va renforcer l’esprit de corps qui, in fine, se traduit en fidélité envers le genre musical.

Au final, est-il seulement possible d’établir le portrait-robot du fan de musique metal en 2019 ?

Comme on l’a dit précédemment, l’entreprise est périlleuse. En 2019, le fan de metal appartient tout aussi bien aux catégories populaires qu’aux classes aisées. Il n’a aucun diplôme comme il peut être doctorant. Il vote aussi bien à gauche qu’à droite. Il est de toutes les couleurs, de toutes les nationalités et de toutes les religions. Cela peut être une femme comme un homme un jeune comme une personne d’un certain âge. 

Le meilleur dénominateur commun à chacun est l’amour et la connaissance du genre musical. Il connaît l’histoire du metal, ses divers courants et les influences des groupes qu’il écoute. C’est peut-être cela qu’il faut retenir de cet entretien. Cela va donner une communauté très diverse et très inclusive. Le seul moyen de rentrer dans cette communauté et d’y être accepté au final, c’est d’aimer ce que l’on écoute. C’est une différence notable par rapport à d’autres genres musicaux (on imagine mal un punk voter à droite par exemple).

Au final, c’est une belle leçon de tolérance que donnent chaque année les fans du genre qui se rassemblent à Clisson (Loire-Atlantique) dans le cadre du Hellfest.

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