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Vers un capitalisme vert ? De très gros investisseurs internationaux dénoncent plus de 700 grandes entreprises, dont 39 françaises, pour défaut de politiques environnementales
©LUCAS BARIOULET / AFP

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Le capitalisme financier international se convertit à l’écologie en dénonçant les investissements non conformes aux normes de protection de l‘environnement

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ça ressemble à du « Name and shame ». A l'occasion des assemblées générales d’actionnaires, 88 investisseurs parmi les plus puissants du monde ont mis en demeure plus de 700 entreprises internationales d’être plus transparentes sur ce qu’elles font pour contribuer à la protection de l'environnement.

Le nom de ces 700 entreprises a été rendu public avant la tenue de la plupart des assemblées générales d’actionnaires et elles sont donc accusées  de ne pas donner assez d’informations sur leurs rôles en matière de climat, de préservation de l’eau et de déforestation.

Sur les 700 entreprises clouées ainsi au pilori, on trouve 39 françaises.

C’est le CDP, la plateforme d’information sur l’environnement qui a décidé de rendre publique la démarche de quelques 88 investisseurs institutionnels pour faire pression sur les plus en retard et surtout les plus réfractaires à une communication transparente et loyale qui œuvre à rendre les entreprises plus transparentes sur leur pratique environnementale. L’objectif est de mettre la pression sur les compagnies les plus fermées à la communication.

Au total, ces 88 investisseurs internationaux et principalement des anglo-saxons, qui gèrent plus de 10 000 milliards d’actifs, dénoncent 707 entreprises, présentes dans 46 pays du monde, de ne pas avoir donné d’informations suffisantes sur leur politique environnementale et notamment sur l’utilisation des ressources en eau et sur la déforestation.

Sur le banc des accusés, ces entreprises représentent 15 300 milliards de dollars de capitalisation boursière. Dans cette mise en demeure, 546 entreprises sur les 707 sont visées sur le sujet du climat. Mais 12 % sont liées aux énergies fossiles, 27 % de sociétés impliquées dans les services liés à l’industrie et 18 % dans l’industrie manufacturière. 166 entreprises sont ciblées pour un manque d’action sur l’eau et 115 sur la déforestation.

Au premier rang de ce tribunal de l’écologie vue par les financiers, 139 entreprises américaines dont Exxon Mobil, BP, Chevron, Amazon, Volvo, Alibaba et Quantas Airways. Les américaines sont suivies par les australiennes (121) et les entreprises chinoises (56).

39 entreprises françaises sont ciblées dont Carrefour, Dassault, EDF, Engie, Renault, Veolia ou même Hermès. A noter que Total, bête noire des écologistes qui dénoncent son impact climatique n’est pourtant pas dans la liste.

Selon Emily Kreps, directrice mondiale des initiatives pour les investisseurs chez CDP : "Les entreprises doivent divulguer leur rôle dans la résolution de la crise climatique.... Nous savons que le changement climatique, la sécurité de l’eau et la déforestation représentent des risques importants pour les investissements, mais ces risques ne peuvent être gérés sans une information adéquate", explique-t-elle.

Elle ajoute : "7 000 entreprises communiquent déjà par le biais de CDP et fournissent au marché les informations qu’il demande - le "vœu de silence" de la part des entreprises non divulgatrices ne peut plus durer".

 Thomas O’Malley, responsable mondial de la gouvernance d’entreprise chez HSBC Global Asset Management, juge qu’une bonne information permet aux investisseurs d’évaluer dans quelle mesure les entreprises gèrent leurs risques (environnementaux, sociaux et de gouvernance)."

Lors de ces campagnes, la peur d’être dénoncés publiquement incite les entreprises à corriger leur logiciel d’information et au-delà, leur comportement stratégique. La dénonciation publique est une arme redoutable parce que les clients, les actionnaires et les salariés peuvent s’en emparer et qu’on vit à l’heure des réseaux sociaux ou tout de sait très loin et très vite.

 On s’aperçoit que les contrepouvoirs qui fonctionnent dans le système capitaliste et plus généralement dans l’économie de marché sont plus efficaces que les injonctions gouvernementales. Le meilleur exemple est celui des Etats-Unis. Donald Trump est revenu sur l’accord de Paris concernant la lutte contre le réchauffement climatique, mais en réalité, les entreprises n'ont pas abandonné leurs objectifs.

La plupart des entreprises agissent sous la pression des marchés.

Premier levier, les actionnaires qui mobilisent les investisseurs, lesquels imposent des critères de gestion ambitieux. Jusqu'à la crise de 2008, les actionnaires se préoccupaient principalement de deux facteurs, l'optimisation financière et fiscale, puis la gouvernance de l’entreprise. Désormais, les objectifs de RSE, responsabilité sociale et environnementale, sont devenus une priorité. L’actionnaire est prêt à payer un surprix pour une gouvernance respectueuse de la RSE.

Le deuxième levier est celui des clients qui formulent une demande spécifique sur les produits et les services qui est ensuite prise en compte et assumée par les services de marketing. Les entreprises de grande consommation ou d’équipement n‘ont pas inventé le bio, ni les moteurs électriques, ni l’amélioration de la traçabilité des produits, ni la transparence de l’information. Ce sont les clients. Les entreprises ont évolué sous la pression de leurs clients consommateurs, lesquels sont commencent à admettre que le respect des normes environnementales à un coût et qu’il faut le payer.

Le troisième levier, les salariés. Par le biais de leurs syndicats ou pas, ils agissent pour améliorer les conditions de travail certes, mais aussi la transformation des process afin d’obtenir des conditions de production plus économes en émissions toxiques et plus efficaces en consommation d’énergie et d’eau qui devient un produit rare.  D’une façon générale, les personnels, cadres notamment, ont de plus en plus besoin de savoir quelle est l’histoire de l’entreprise dans laquelle ils travaillent et le sens qui est donné à son objet social. Là encore, les salariés sont prêts à accepter un salaire minoré par rapport au marché, si l'entreprise leur apporte un sens au temps qu’ils y passent. L’exemple des entreprises du digital est spectaculaire. Leur attractivité est d’autant plus forte qu’elles offrent à leur salariés plus qu’un moyen de gagner de l’argent. Elles leur offrent aussi une raison d’être, une raison de vivre et de travailler.

C’est vrai aussi dans les entreprises plus anciennes de la grande consommation. Il existe un décalage d’appréciation par les salariés et les actionnaires entre l'Oréal et Danone. Les deux entreprises sont françaises et multinationales, elles ont des performances équivalentes. L’Oréal est sans doute plus performante sur le plan financier parce que ses nouveaux marchés sont plus dynamiques et son actionnariat plus concentré dans les mains de deux gros actionnaires liés par un pacte, Nestlé et la famille Bettencourt... mais pour les salariés comme pour les actionnaires, l’Oréal est une entreprise qui restera toujours avec l’image du fabricant de shampoings ou de maquillage alors que Danone a construit sa gamme de produit autour du bénéfice santé. L’acquisition récente du plus gros producteur mondial de protéine végétale renforce encore cette image, tout comme la nouvelle présidence du groupe. Il est évident que l'installation de Emmanuel Faber au fauteuil qu’occupait Franck Riboud a prolongé cette stratégie ouverte sur les nouvelles technologies et les nouveaux courants de consommateurs très attachés à la quête de sens. Cette équation vaut à Danone la sympathie et l'attachement fidèle et quasi affectif de ses clients, de ses actionnaires et de la très grande majorité de ses collaborateurs dans le monde.

Ps : CDP est une organisation internationale à but non lucratif, anciennement appelée « Carbon Disclosure Project » jusqu’à fin 2012. Elle détient la base de données mondiales la plus importante sur la performance environnementale des villes et des entreprises.

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