Atlanti-culture
"Parasite" de Bong Joon-ho : un film d'horreur jubilatoire
Palme d'Or à Cannes, le dernier film du sud-coréen Bong Joon-ho commence en comédie et se termine en film d'horreur. Un sacré cocktail. Accrochez vos ceintures !
CINEMA
Parasite
de Bong Joon-ho
Avec Song Kang-ho, Lee Sun-kyun, Park Do-dam…
RECOMMANDATION
EN PRIORITE
THEME
Dans les quartiers inférieurs de Séoul, la famille Ki-Taek végète misérablement. Le père, la mère, le frère et la sœur sont tous les quatre au chômage, et ne survivent (misérablement) que grâce à des combines minables. Leur seul luxe, qui leur tient, malgré tout, la tête hors de l’eau est l’amour et le respect qu’ils se portent mutuellement…
A quelques encablures de là, dans une maison somptueuse des quartiers huppés de la ville, la famille Park (formée aussi d’un père, d’une mère et de deux enfants plus jeunes) mène au contraire grand train.
Un jour, Ki-woo, le fils Ki-taek, arrive à se faire nommer comme professeur particulier d’anglais de la fille des Park. Il a mis le pied dans la porte d’un château d’aujourd’hui, elle ne se refermera plus. Ki-woo va réussir à faire embaucher par les Park chaque membre de sa famille à des postes divers...
C’est le début d’un engrenage, tordant au début, mais de plus en plus noir, de plus en plus vachard, de plus en plus violent…La comédie vire au thriller, puis au drame, puis au film d’horreur…Tout en restant jubilatoire
POINTS FORTS
-Voilà 20 ans maintenant que Bong Joon-ho fait du cinéma et, à chaque fois qu’il sort un film (c’est son septième), il réussit à nous en mettre plein la vue. Si certains réalisateurs (même les plus grands) ne cessent de ressasser les mêmes thèmes ou de creuser les mêmes genres, lui s’aventure dans tous les styles (thriller, mélo, film de monstres, comédie, science-fiction, films d’horreur) avec une maestria qui laisse pantois. Pas un seul raté !
-Parasite, évidemment n’échappe pas à la règle de cette excellence et de la surprise. C’est une fable sociale qui, dans une mise en scène très maitrisée, joue avec tous les genres, successivement et même, à certains moments, en même temps. Comme tour de passe-passe cinématographique, on a rarement fait mieux ! Le plus étonnant est que, même au pire des scènes les plus violentes, l’humour et le burlesque sont là, qui nous rappellent qu’on est au cinéma. Ce qui n’empêche en rien la corrosité du propos, car comme empêcheur de tourner en rond, le coruscant Bong Joon-ho sait se poser là : c’est, depuis toujours, un critique sans concession du capitalisme et de ses inégalités.
-Evidemment les réalisateurs de sa trempe soignent leurs films jusque dans les moindres détails. Ici tout est parfait, cadres, lumière, rythme, musique et, bien sûr, distribution. Dans celle ci, on retrouve le fidèle des fidèles du cinéaste, Song Kang-ho, star en son pays depuis plus de vingt ans. Tête de naïf tranquille, mais regard allumé, l’acteur de 52 ans est ici, comme d’habitude, prodigieux.
POINTS FAIBLES
Je n'en vois aucun.
EN DEUX MOTS
Après deux escapades internationales (Snowpiercer et The Host), Bong Joon-ho revient sur sa terre de prédilection (son pays natal) pour y régler ses comptes avec les injustices sociales. A la fois explosif et implacable, drôle et satirique, mordant et émouvant, son Parasite a ébloui la Croisette en mai dernier. Le Jury du Festival lui a d’ailleurs donné la Palme d’or à l’unanimité. Personne n’a bronché. A noter que ce n’est pas chaque année que la plus grande manifestation cinématographique du monde couronne un film visible par tous les publics. Un film « élitaire pour tous », comme aurait dit feu le génial metteur en scène, Antoine Vitez.
UN EXTRAIT
« J’aime beaucoup les histoires de lutte des classes. C’est en 2013 que j’ai eu l’idée de confronter deux familles, l’une très riche, qui vit dans un quartier chic de Séoul, et l’autre, très pauvre, qui survit dans ses bas-fonds. J’ai d’abord voulu tirer une pièce de théâtre de cette confrontation. Et puis, finalement, je l’ai portée au cinéma en faisant se rencontrer les deux familles, mais d’une façon très subtile, très sournoise, pas du tout frontale. Cela me permettait à la fois d’être plus drôle et plus inventif ».
( Bong Joon-ho, réalisateur)
LE REALISATEUR
Né le 14 septembre 1969 à Daegu, le réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho s’est imposé en quelques films, dans le peloton de tête des cinéastes les plus brillants et créatifs de la planète.
Son diplôme de sociologie, obtenu à l’Université de Yonsei, en poche, le jeune Bong Joon-Ho n’a pas attendu son reste : il s’est précipité dans le cinéma
D’abord, pour se faire la main, avec un court métrage, White man ( il raflera d’emblée un prix), puis, en 2000 avec un long, Barking dog. Maitrise formelle, ton satirique et mordant, écriture formelle éblouissante…Le public sud-coréen le porte aux nues. C’est en 2003 avec Memories of Murder que, d’une part, il va asseoir, dans son pays, sa réputation de cinéaste aussi doué qu’inventif ( 5 millions de personnes iront voir son film !) et que de l’autre, il va conquérir la critique internationale. Inspiré par un incident survenu en Corée du Sud à la fin des années 80, son troisième long-métrage, The Host est classé par les Cahiers du cinéma comme le troisième film le plus important de l’année 2006.
Depuis, chaque sortie d’une œuvre de ce surdoué fait figure d’évènement, en France comme dans le monde, et même aux Etats-Unis.
En 2009, c’est Mother (présenté en compétition officielle du Festival de Cannes) ; en 2013, Snowpiercer, le Transperceneige, adapté de la BD du même nom (un tabac chez amateurs de science-fiction) ; en 2015, The Host ( qui renouvelle de façon éblouissante le film de monstres).
Son septième long métrage, Parasite, qui sort cette semaine et qui, une fois encore, mêle les genres avec une maestria unique a tant bluffé les jurés du Festival de Cannes que ces derniers lui ont décerné, à l’unanimité, la Palme d’Or.
ET AUSSI
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-« Etre vivant et le savoir », d’Alain Cavalier- Documentaire -Avec Emmanuèle Bernheim et Alain Cavalier.
On le sait, il y a longtemps qu’Alain Cavalier ne se considère plus cinéaste comme les autres; depuis très exactement l’an 2000 où il a décidé de ne plus tourner, à l’avenir, que des sujets très personnels, souvent sans acteur professionnel, avec une petite caméra DV. Comment fait-il pour donner à ses œuvres, pourtant réalisées avec une simplicité monacale et des moyens très limités, une si grande beauté formelle et une dimension si universelle? Peut-être parce que ce « filmeur », comme il aime à s’appeler maintenant, recèle en lui une âme de poète philosophe.
Dans ce nouveau film, le voici qui s’avance pour parler de « comment arriver à se sentir encore vivant quand la maladie est là et que rôde la mort ». Initialement, ce n’est pas ce film là qu’il devait faire. Mais l’amie avec laquelle il voulait évoquer le problème de l’euthanasie lui a fait faux bond pour cause de… cancer. C’est la disparition annoncée de cette amie là qu’il évoque ici, avec la pudeur qu’on lui connaît, en filmant et re-filmant les objets de son « atelier », des objets simples, et pourtant si porteurs, pour lui, de souvenirs et d’amour. Le plus étonnant est que son film, si profond et si bouleversant, donne l’impression d’une légèreté de début de printemps. Il perdure longtemps dans la mémoire…
Recommandation : excellent
-« Aretha » d’Allan Elliott et Sydney Pollack- Documentaire.
En 1972, dans un temple baptiste de Los Angeles, la Reine de la soul, Aretha Franklin enregistre deux soirs de suite, devant un public de fidèles, l’album Amazing Grace qui deviendra l’album gospel le plus vendu de tous les temps. Dans la salle, Sydney Pollack, fan de la chanteuse filme et enregistre. Les rushes disparaissent. On les croit perdus. En réalité, ils sont inexploitables, car les images ne sont pas synchronisées avec le son. On les oublie. Il faudra l’acharnement et la ferveur du producteur Allan Elliot pour les remonter, les restaurer et les resynchroniser. Les voici enfin offerts au public.
Ce documentaire a une force inouïe. Il rappelle non le génie vocal de l’immense Aretha, mais la fascination que sa présence scénique exerçait sur le public. C’est aussi un témoignage sans équivalent sur la ferveur des Noirs américains rassemblés ces deux jours là dans cette église transformée en salle de concert pour les besoins de l’enregistrement. A un moment, on aperçoit furtivement Mike Jagger et Charlie Watts venus assister en fans à l’événement. Attention, ce film sans équivalent sort le 6 juin et ne restera que 5 jours sur les écrans !
Recommandation : en priorité.
-« L’autre continent » de Romain Cogitore- Avec Déborah François, Paul Hamy, Daniel Martin…
Experte en néerlandais, Maria a la trentaine chaleureuse, insouciante et frondeuse. Tout le contraire d’Olivier qui, lui, traine la sienne dans la timidité, le renfermement et la peur de perdre une des quatorze langues qu’il parle couramment. Evidemment, parce que tout les oppose, ces deux là vont se rencontrer et s’aimer, dans la ville où tous les deux travaillent, à Taïwan. Quoi de plus romanesque qu’une ville gigantesque pour abriter des amours débutantes... Mais le malheur va s’abattre sur ces deux pigeons tendres. Olivier tombe gravement malade (on diagnostique une leucémie) et les voilà tous les deux obligés de rentrer en France. La comédie romantique bascule dans le drame. A la sortie de son tunnel hospitalier, Olivier se retrouve avec une mémoire en lambeaux et les réactions d’un enfant...L’amour c’est parfois fort, mais ça peut être triste. Ça peut, aussi, s’enfuir à tire d’aile…C’est ce que nous raconte ce film délicat et sensible porté par deux comédiens encore trop rares à l’écran, Déborah François et Paul Hamy.
Recommandation : bon
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