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Débats Européennes : ceux qui y croient, ceux qui se battent envers et contre tout, ceux qui ont déjà abandonné. Décryptage par l’image.
©BERTRAND GUAY / AFP

La der des ders

Le dernier débat télévisé de la campagne des européennes a surtout révélé le niveau d'optimisme des têtes de liste.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : En vous fondant sur les arguments et l'attitude des différents candidats et chefs de parti, dans ce débat, qui selon vous semble avoir déjà renoncé à convaincre, et qui est encore dans une logique de campagne électoral, à quelques jours des élections ?

Arnaud Benedetti : le débat télévisé est très dépendant du contexte et des rapports de forces que les sondages égrènent tout au long de la campagne. La confrontation peut éventuellement laissée apparaître des traits dominants relatifs à l’humeur des candidats ou du chef de parti en fonction de ce qu’il ressent et perçoit de la situation.  Mais n’oublions jamais que pour la plupart les femmes et les hommes politiques sont faits d’un bois particulier. Ils savent contenir, tenir la bride à leurs émotions. Ils les intériorisent et ont une capacité à la « gestion de la face », comme l’eut dit le sociologue Erwing Goffman, supérieure à la moyenne. Leur job est de domestiquer au mieux leur apparence. C’est leur habitus qui prédomine. Tout alors se joue à la marge, dans les interstices et dans l’interprétation qu’en feront les professionnels du commentaire ...dont nous sommes. Il y avait hier soir une triple  dichotomie : lors du premier débat d’une part entre ceux qui sont des acteurs politiques éprouvés (Bayrou, le Pen, Wauquiez, Jadot) et de nouveaux entrants (Aubry, Glucksman) ; d’autre part toujours dans cette confrontation entre ceux qui avaient fait le choix de déléguer un chef de partis et ceux qui avaient laissé les têtes de liste affronter l’épreuve ; enfin entre ceux qui dominent les sondages et les autres , les “ petits “, comme si le champ politique se structurait à l’instar d’une hiérarchie sportive entre une ligue 1 et une ligue 2. Force est de constater qu’Aubry et Glucksman n’ont pas démérité; que les "grandes” listes ont donné le sentiment si ce n’est de  pouponner, voire de préserver leur chef de file-candidat, absent lors de ce round ; que le second plateau était inévitablement désavantagé au regard de l’heure de passage. Pour le reste, tout fut fondamentalement sans surprise et ne changera sans doute rien au rapport de forces que l’on connaît. Trop de débat tue le débat, le banalise et le rend inefficient. La com’ politique doit gérer la rareté.

Les débats donnent une généralement une impression de cacophonie dans cette campagne. Celui-ci aura-t-il été une exception à la règle ?

Les enjeux pour les uns et les autres ne sont pas identiques. Pour les favoris des sondages il faut, comme dans une course, gérer l’avance. Ne pas commettre  de fautes, la bourde, le faux-pas qui pourrait entamer le potentiel électoral. Car on parle bien de potentiel, objectivé par les intentions de vote qui ne sont ... que des estimations mais qui, néanmoins, fabriquent la représentation d’une situation à un temps T. Pour ceux en difficulté, l’injonction à performer s’impose. Ce sont des pressions dissemblables mais qui impliquent forcément des stratégies différentes. Sans compter qu’il existe des matchs dans le match général, des tournois dans le tournoi décisif. Le volume de candidats et de leaders était tel que l’ordonnancement du débat était inévitablement difficile. La polyphonie s’organise quand tout le monde vocalise au regard d’un plan concerté. Lorsque le principe est la compétition, quand bien même les " arbitres " seraient très expérimentés, inévitablement s’installe un sentiment de ...cacophonie. La réalité c’est que les échanges ont pu néanmoins s’établir, avec d’inévitables passes d’armes (Wauquiez/MLP, Aubry/Bayrou, etc). Aux extrêmes du plateau, Marine le Pen et Bayrou ont été ciblées par leurs concurrents parce que leurs listes pointent en tête et que le Président de la République a théâtralisé depuis des semaines cette confrontation. Cela signifie que dans un débat télévisé de ce type, pluriel, s’impose par nécessité une scène préalablement établie par la dynamique propre de la campagne. Et c’est bien normal. L’ordre du débat s’installe ainsi grâce à une sorte de « gps » implicite, embarqué  où chacun jouant le rôle qu’on lui assigne participe in fine à un exercice autoréglé par nos propres préjugés et où les téléspectateurs, qui sont au demeurant les plus politisés, parviennent à se localiser dans les méandres de la confrontation. 

Quels autres enseignements tirez-vous de ce débat ? 

Le grand isolement de François Bayrou in fine. En se choisissant un politique du "vieux monde "pour porter leurs couleurs, les marcheurs sont apparus décalés, isolés, dépassés, sur la défensive - ce qu’ils sont depuis le début de cette campagne -  au regard d’une opposition multiforme et pugnace. Mais sur le fond, encore une fois, la confrontation télévisée ne devrait pas changer la donne, si ce n’est peut-être accentuer la mobilisation des plus ... mobilisés dans un scrutin perclus par l’abstention à venir. Ce qui ne signifie en rien qu’il ne sera pas structurant, loin de là , pour la suite du mandat . Mais plus que jamais et c’est ce que font apparaître toutes ces confrontations et prestations médiatiques, c’est l’intense personnalisation d’une majorité en manque de relais puissants et performatifs. Le débat d’hier n’a pas échappé à ce constat.

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