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La ligne claire et Dissidence Française : mais que veulent vraiment les listes d’extrême droite aux européennes ?
©GEORGES GOBET / AFP

Elections européennes

Parmi les 33 listes validées pour les élections européennes de 2019 figurent deux listes d'extrême-droite prônant notamment le "Grand Remplacement" et la "Rémigration".

Jean-Yves Camus

Jean-Yves Camus

Chercheur associé à l'Iris, Jean-Yves Camus est un spécialiste reconnu des questions liées aux nationalismes européens et de l'extrême-droite. Il est directeur de l'Observatoire des radicalités politiques de la Fondation Jean-Jaurès et senior fellow au Centre for the Analysis of the Radical Right (CARR)

Il a notamment co-publié Les droites extrêmes en Europe (2015, éditions du Seuil).

 

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Atlantico : A l'occasion des élections européennes, deux listes classées à extrême-droite se présentent. D'une part, "La ligne claire" de Renaud Camus, idéologue ayant popularisé la théorie du "Grand Remplacement". De l'autre, "la Reconquête" de Vincent Vauclin et son groupuscule Dissidence Française. Quelles différences établissez-vous entre elles ?

Jean-Yves Camus - La différence fondamentale est que Renaud Camus est entouré de militants souverainistes. On le voit par exemple avec son numéro trois, Karim Ouchik, un ancien élu frontiste. Celui-ci est à la tête d'une petite formation souverainiste, le SIEL (Souveraineté, Identité Et Libertés). En revanche, je ne crois pas que Vincent Vauclin et ses amis se réclameraient du souverainisme.  Par opposition, la Dissidence Française s'apparente à une forme de nationalisme-révolutionnaire [ndlr. pensée politique théorisée par Dominique Venner et maître à penser du GUD et du Bastion social]. Ce sont des partisans de quelque chose s'approchant d'un fascisme de gauche en mettant l'accent sur les aspects anticapitaliste, populaires ou encore l'amélioration du sort de la classe ouvrière.  D'ailleurs, un de leur slogan  est bien "ni droite ni gauche, nationaliste!". Cela les différencie encore de Camus qui, je pense, opterait beaucoup plus facilement pour la droite. Son mouvement en réalité avant tout un mouvement monothématique voué à la dénonciation du Grand Remplacement et à résoudre la situation par la rémigration. C'est un point qu'ils peuvent partager mais sur lequel Camus a une antériorité.

Si les listes affichent des idéologies spécifiques, pourtant la notion de Grand Remplacement semble lier ces deux listes (la "Reconquête" évoque la reconquista des royaumes chrétiens ayant pour mission de reprendre les terres occupées par les Musulmans). Le refus de Marine Le Pen à traiter cette notion explique-t-il qu'ils n'ont pas souhaité rejoindre la liste du Rassemblement National ?

Il y quelque chose d'intéressant dans le fait lequel Marine Le Pen ne veut pas s'engager. C'est en raison du corrollaire du Grand Remplacement qu'est est la Rémigration, dont sont partisans Renaud Camus et Vincent Vauclin. Or, qu'est-ce que la Rémigration ? C'est le renvoi dans leurs "pays d'origines" de tous les étrangers extra européens. Il fut un temps où le RN avait un objectif similaire : l'inversion des flux migratoires. C'était formulé comme cela dans les années 90. Aujourd'hui, ce n'est plus au programme. On est plutôt dans une optique de limitation absolue de l'immigration légale. Ce n'est pas renvoyer les gens.

Du côté du Rassemblement, il y a comme une double contrainte. Ils ne peuvent pas ignorer totalement l'hypothèse du Grand Remplacement qui est quelque chose qui est dans l'air, en politique mais aussi dans ce que peut raconter Michel Houellebecq. Quand un auteur vend des centaines de milliers d'exemplaires un livre dont l'objectif est clairement de dire "grand remplacement, rémigration", il leur est impossible d'ignorer le phénomène.

Par opposition, Camus et Vauclin sont des maximalistes qui considèrent que le Rassemblement National a trahi ses origines, c’est-à-dire l'inversion des flux migratoires. Cette volonté constituait alors l'alpha et l'oméga du programme frontiste des années 90 et auquel Marine Le Pen a renoncé pour aller vers cette dédiabolisation qui lui était indispensable.

Ces candidatures traduisent-t-elles finalement une montée de cette pensée dans la société française ?

Oh, ça ne fait que 79 noms à trouver. Elles restent des listes extrêmement marginales qui jouent le coup de la publicité, et elles ont parfaitement raison. Je pense d'abord que ça montre bien la vitalité de la démocratie française. Si dans des élections il n'est pas obligatoire de réunir des parrainages pour se présenter, on a alors la possibilité de présenter des options, certes extrêmes, mais qui relèvent toujours du jeu démocratique. On verra bien le résultat, mais je serais très étonné que ces listes fassent plus que 0.5%. Deux fois 0.5%, ça fait 1%. Après, si la liste de Marine Le Pen arrive 1% derrière celle de Macron, ça sera un peu ballot pour eux [rires].

De toute façon, l'objectif n'est pas de gagner mais de bénéficier d'une couverture médiatique, de faire un coup, et diffuser les idées. Là encore, le "Grand Remplacement" est une idée qui infuse petit à petit. Les Identitaires le font en montant sur le toit d'une mosquée. La littérature façon Houellebec. Zemmour le fait à sa manière.

Pour autant, ces groupes restent minoritaires. Dimanche, à l'occasion de cette grande fête de Jeanne d'Arc où participait en tête la Dissidence Française, j'ai compté à peine une quarantaine de militants contre les 300 prétendus présents. De tous les mouvements radicaux à droite du RN, je l'ai déjà connu à 500 ou 600 personnes mais exceptionnellement. Ici, c'était deux cents personnes mais avec inclus dedans avec les amis d'Yvan Benedetti [ndlr. militant d'extrême-droite condamné notamment pour reconstitution de ligue dissoute], les invités étrangers, la petite scission autour d'Elie Hatem [anciennement à l'Action Française), et enfin la dissidence française

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