Bannon, le RN, Marine Le Pen et Marion Maréchal : des relations bien moins évidentes qu’il n’y paraît<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Bannon, le RN, Marine Le Pen et Marion Maréchal : des relations bien moins évidentes qu’il n’y paraît
©DON EMMERT / AFP

Commission d'enquête ?

Après un reportage diffusé sur France 2 qui dévoile les liens entre le RN et l'ancien conseiller de Donald Trump, Steve Bannon, des parlementaires ont demandé une commission d'enquête.

François Darien

François Darien

François Darien est politologue.

Voir la bio »

Atlantico : Un reportage d'Envoyé Spécial a récemment mis en avant les liens qui uniraient le Rassemblement National et Steve Bannon, ancien conseiller de Donald Trump. Une enquête parlementaire a depuis été ouverte, certains députés évoquant une possible "intelligence avec une puissance étrangère". Ces accusations, que nie le Rassemblement National, vous semblent-elles vraisemblables ? Quels est la nature des liens entre Bannon et le parti de Marine Le Pen ?

François Darien : C’est grotesque. Dans un pays dénué de souveraineté comme la France, où la notion « d’intelligence avec l’ennemi » commence-t-elle ? Au traité d’Aix la Chapelle ? Steve Banon est aujourd’hui non un agent de la diplomatie de Trump mais un idéologue itinérant qui essaye en Europe de rattraper un rôle politique qu’il n’a plus aux Etats-Unis. Il n’est pas plus le représentant d’une internationale noire, véritable machine à phantasme bien commode pour ceux qui ne veulent pas voir le caractère polymorphe du phénomène populiste.

Quand son think tank The Movement a été créé, une partie du RN a voulu s’en rapprocher espérant des facilités diplomatiques mais ces rapports semblent s’être distendus. On peut le constater par l’absence physique de Banon aux côté du RN comme par l’effacement relatif des tenants de cette ligne comme Louis Alliot ou Jérôme Rivière bien que celui-ci soit néanmoins en place éligible aux européennes.

Steve Bannon semble plus proche d'une démarche telle que celle de Marion Maréchal, dont il ne cesse de vanter les mérites. Est-ce le cas ?

M. Banon est en effet plus proche de Marion Maréchal. Sur un plan méthodologique, il croit à la guerre culturelle comme elle. Ils croient tous les deux à l’utilité d’une doctrine et d’une formation doctrinale. Cela les oppose au RN actuel qui n’a plus de doctrine construite de le départ de Florian Philippot. N’oublions pas qu’au Conseil scientifique de l’école de Marion Maréchal, l’ISSEP, siègent deux proches de Banon : Raheem Jamaludin Kassam éditorialiste politique du site Breitbart News London et le philosophe paléoconservateur Paul Gottfried. Idéologiquement, l’aspect libéral, identitaire et occidentaliste du discours de Marion Maréchal ne peut que lui plaire.  C’est un nationaliste américain avant tout qui craint la volonté d’indépendance et la souveraineté des Etats. Cela explique par exemple son discours très alarmiste sur la Chine tel qu’il l’a tenu dans le Figaro Magazine récemment. La menace chinoise et la subversion démographique venant de l’ancien tiers-monde sont les catalyseurs d’un nouvel atlantisme. Enfin, l’aspect confessionnel, très présent chez Marion Maréchal, convient beaucoup plus au catholique Banon que la défense orientée de la laïcité que fait Marine Le Pen.  

Peut-on dès lors parler d'un "effet Bannon" en France ?

Absolument pas d’un point de vue partisan. La campagne du RN est amorphe et leur thème central est le localisme. Nous sommes loin de l’influence de Banon tant sur les thèmes que sur la méthode. Il faut bien comprendre que ce n’est pas parce que le RN est revenu sur sa rente électorale qu’est l’immigration qu’il serait plus proche de Steve Banon. Steve Banon est beaucoup plus proche de certains « théoriciens » de la droite française comme Jean Raspail. Son anti-immigrationnisme est beaucoup plus construit et radical que celui électoraliste du RN. De même, il est imprégné d’un discours sur les valeurs qui va de pair avec sa hantise de la décadence. Rien de cela dans le RN actuel qui ne porte pas de vision de la société. L’entretien récent de Marion Maréchal à Valeurs Actuelles est dans une ligne plus proche de Banon. Sur le plan idéologique, la situation est plus complexe. Si le thème de la convergence des luttes entre patriotes de droite et de gauche cher aux souverainistes a été illustré par les gilets jaunes, une partie de l’intelligentsia de droite cherche à définir un conservatisme français, vieux serpent de mer, dans lequel à défaut Steve Banon peut jouer un rôle d’éminence, renforcé par les initiatives avortées d’union des droites.

Plus largement, alors que les élections européennes se tiennent dans moins de deux semaines, peut-on considérer que Steve Bannon a réellement obtenu ce qu'il souhaitait ? Comment expliquez-vous ce résultat ?

Il a mésestimé les cultures politiques nationales et les divergences d’intérêts. L’intérêt d’un Orban par exemple est de recevoir de l’argent de l’Union européenne ponctionné aux français. Dans les pays de l’est, le discours sur l’immigration est strictement instrumental pour des peuples qui vivent avant tout un hiver démographique et un exode majeur. De même, il y aujourd’hui une rivalité sourde entre la Ligue et le RN sur qui va orienter les tendances populistes européennes, rivalité qui tourne au bénéfice de Salvini. Plus globalement il n’a pas compris la différence fondamentale  entre « les mondialistes » qui veulent l’uniformité et « les populistes » qui cherchent la singularité. Il est toujours plus facile de fédérer des gens qui ne tiennent pas compte des intérêts nationaux. Enfin, son éloignement du Président Trump lui a fait perdre de son intérêt. Même avec Nigel Farage qui est le plus proche de lui, les liens semblent moins étroits si on regarde son apparente absence du Brexit Party. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !