De quel communisme génétiquement modifié Ian Brossat est il le visage ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
De quel communisme génétiquement modifié Ian Brossat est il le visage ?
©Eric CABANIS / AFP

Aspirateur à bobos

Avec une liste créditée à 3%, Ian Brossat est le nouveau visage du Parti Communiste Français. Un visage bien plus pro-écolo et pro-minorités que défenseur des prolétaires.

Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

Voir la bio »

Atlantico : Avec une liste créditée à 3%, Ian Brossat est le nouveau visage du Parti Communiste Français, parti historique dans le paysage français depuis sa création en 1920. Alors le parti des ouvriers, le PCF a vu son électorat changer. En tant qu'ancien adjoint de la mairie de Paris, de quels changements radicaux au sein du parti Ian Brossat est-il le symbole ?

Olivier Gracia : Vous avez raison de rappeler ce qu'a été le Parti Communiste Français, parce qu'en effet la mutation qui s'est opérée en un demi-siècle est spectaculaire si on prend un peu de hauteur. Il ne faut pas oublier le positionnement prolétarien, parfois anti-immigration (François Hollande avait d'ailleurs très justement comparé les tracts du Parti Communiste à ceux du Front National il y a quelques années), et pas très clairement écologiste. Le Parti communiste était alors implanté dans les banlieues ouvrières et les bassins industriels. Or la liste PCF menée par Ian Brossat est tout l'inverse : parisienne, très écolo, très pro-minorités, c'est comme si tout avait changé.

Ce qui est étonnant, c'est de voir tout de même que si l'on cumule toutes les listes d'extrême-gauche, elle a quand même encore un poids conséquent. Ce qui est amusant aussi, c'est de voir que le PCF est à 3% dans les sondages pour les Européennes et que LFI fait à peine trois fois mieux, alors même que Mélenchon se veut l'homme du rassemblement de l'extrême-gauche.

Pour revenir sur Ian Brossat, vous avez raison de dire que c'est quelqu'un qui a travaillé pour Anne Hidalgo et que pour beaucoup, communistes compris, c'est un communiste bobo ou un communiste de salon. Il a d'ailleurs un côté très écolo. Mais à l'évidence on peut constater que le Parti Communiste français a su s'adapter au gré de son temps.

Quel moment vous semble être le tournant ? Y a-t-il eu un moment "Terra Nova" au PCF, du nom du think-tank peu marxiste qui a eu une très influence sur le PS entre 2007 et 2012 ?

Le dernier communiste français à proprement parler, c'est tout de même Georges Marchais. Après lui, le PCF n'a plus du tout la même importance dans le paysage politique. C'est là que s'est fait la rupture. Il y a eu des moments importants. Le PCF de l'époque était par exemple assez hostile à l'immigration, et il n'œuvrait pas particulièrement en faveur du drapeau européen…

A l'évidence, il y a eu un basculement, du fait du désenchantement, et de la création d'une nouvelle classe populaire issue de l'immigration. Dans les années 1990, la création de cette nouvelle classe a conduit le parti communiste naturellement à vouloir récupérer les voix de ces personnes qui étaient en souffrance comme a pu l'être le prolétariat français. A l'évidence, il y a eu cette démarche. C'est d'ailleurs pour cela que le parti communiste est devenu aujourd'hui très présent en banlieue parisienne : c'est le phénomène des banlieues rouges. On peut aussi le remarquer : à l'échelle locale, les communistes ont beaucoup fait, par exemple dans le développement d'infrastructures pour les jeunes. Il y a du bon au communisme au niveau local, évidemment.

Il y a donc eu une forme de glissement électoral et idéologique. Finalement, Ian Brossat est encore différent, en ce sens qu'il apporte une nouvelle touche supplémentaire. Il apporte une dimension plus lisse encore : on aurait très bien pu l'imaginer sur la liste du parti socialiste aux côtés de Raphaël Glucksmann. Leurs idées ne sont certes pas toutes les mêmes mais on les sent proches. C'est la figure émergeante : lors des différents débats, il s'en est très bien sorti. Il parvient à exister et à faire revivre, à sa manière, le parti communiste, sous une identité qu'on ne lui connaissait pas.

Quand on constate le poids de LFI, ou celui d'EELV, et l'autodestruction du PS, le PCF peut-il vraiment proposer quelque chose aujourd'hui qui ait sa place dans ce paysage ?

 La question que vous posez ne touche pas seulement Ian Brossat : elle touche des listes de droite ou d'extrême droite. Il est sidérant de constater qu'on a aujourd'hui trente-trois listes aux élections Européennes, et que trois quart d'entre elles pourraient fusionner. La difficulté pour Ian Brossat d'exister est donc la même que pour les autres.

Ce qui est étonnant, ce n'est pas tant qu'Ian Brossat soit à 3%, quoiqu'encore ce soit déjà un bon score, parce que si le PCF a une bonne implantation locale, à l'échelle nationale, il avait disparu des radars, surtout avec Jean-Luc Mélenchon, qui a fait un excellent score aux Présidentielles. Ce qui est étonnant c'est que Mélenchon justement soit à 8,5%-9% dans les sondages. Où sont passés les électeurs de Jean-Luc Mélenchon ? Il y a une partie qui est allée chez Ian Brossat, une autre peut-être au parti socialiste, mais tout de même, la question reste là : où sont passés les 10% de Jean-Luc Mélenchon ? Le Rassemblement National a gardé son score du premier tour. La République en Marche a gardé ses bases, même si elles se sont un peu fragilisées. Le Parti Socialiste reste cohérent avec le score de Benoît Hamon. La droite s'affaisse mais reste à un niveau plutôt honnête. Jean-Luc Mélenchon, lui, est à la moitié de son score de la présidentielle, alors qu'il est dans un contexte qui aurait pu lui être favorable. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !