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Sarkozy / Hollande/ Macron : le match des résultats économiques après 2 ans de mandat
©LUDOVIC MARIN / AFP

On refait le match

Nicolas Sarkozy, François Hollande et Emmanuel Macron, chaque président a eu à composer avec un contexte macroéconomique différent. Mais quelles leçons tirer de leurs stratégies respectives ?

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Si les trois présidents ont du composer avec des contextes macroéconomiques différents, comment faire le bilan comparé entre les résultats économiques obtenus au cours des ces périodes, 2007-2009 pour Nicolas Sarkzoy, 2012-2014 pour François Hollande, et 2017-2019 pour Emmanuel Macron ? 

Michel Ruimy : 

Il est vrai que nous ne pouvons pas comparer le bilan du début des mandatures de présidents de la République à différentes époques d’autant que les contextes d’exercice étaient, eux aussi, différents. 
Toutefois, après avoir effectué un audit de la situation socioéconomique du pays lors de la prise de fonction présidentielle, l’approche la plus couramment privilégiée, et la plus rapide, pour dresser un bilan de l’action gouvernementale après 1 voire 2 ans à la tête du pays est de se concentrer sur l’avancement de la réalisation d’objectifs annoncés lors de de la campagne présidentielle.
Par exemple, le candidat Hollande avait pris 60 engagements. Même si, 1 an plus tard, près d’un quart de ses engagements étaient tenus, il n’a pas tenu, en revanche, d’autres engagements comme la réduction du déficit à 3% du PIB en 2013. Il n’est pas parvenu, non plus, à réorienter le budget européen, en recul pour la première fois de son histoire. La mauvaise situation économique avec une perspective sans éclaircie a alourdi encore l’atmosphère plombée par l’affaire Cahuzac. Conséquence : après quelques mois de de présidence, 75% des citoyens français, selon les instituts de sondage, n’avaient plus confiance en François Hollande.
Cinq ans plus tôt, le traditionnel « état de grâce » qui caractérise les premiers mois d’une présidence voit Nicolas Sarkozy se placer au niveau de ses prédécesseurs, à environ 65% de cote de confiance. Il se maintient à ce niveau jusqu’au début de l’automne malgré les premiers jours « bling bling » de sa présidence que beaucoup ont critiqué. 
« Travailler plus pour gagner plus », tel est le leitmotiv de Nicolas Sarkozy. La loi pour le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat, promulguée dès les premiers mois de sa présidence, fait passer le bouclier fiscal de 60% à 50% des revenus, allège l’ISF et les droits de succession. Pour ses opposants, Nicolas Sarkozy devient le défenseur des « riches ». 
Lui aussi savait qu’il comptait beaucoup de déçus. Beaucoup de Français estimaient que son action n’avait pas permis d’améliorer la situation : même si le chômage était en baisse, il n’était pas parvenu à devenir le « président du pouvoir d’achat ». Lors de ses vœux à la presse en janvier 2008, il avouait, sans détour, son impuissance : « S’agissant du pouvoir d’achat, qu’est-ce que vous attendez de moi, que je vide des caisses qui sont déjà vides ? ».
S’agissant des promesses effectuées par le candidat Macron lors de la campagne présidentielle, certaines ont d’ores et déjà été mises en œuvre (Révision du Code du travail par ordonnances, nouvelle législation antiterroriste et réforme de la SNCF en 2017, refonte de la politique migratoire ou encore de la formation professionnelle en 2018), d’autres sont en cours et d’autres ne devraient tout simplement jamais se réaliser... (réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50% d’ici à 2025). De quoi confirmer l’image de « Président réformateur » sur laquelle il a été élu. 
Mais, si les premiers résultats économiques sont timides et encourageants : taux de chômage en baisse, croissance relativement satisfaisante…, beaucoup de choses restent encore à faire. 


Si les périodes ne sont pas directement comparables entre elles, on a pu constater, en termes de croissance et de chômage, une surperformance française relativement à nos pairs européens entre 2007 et 2009, une sous performance entre 2012 et 2014, et un mix entre 2017-2019, montrant une France sous performant ses pairs jusqu’à la fin 2018, puis une relative meilleure performance depuis lors, notamment sous l’impulsion des mesures de soutien aux Gilets jaunes.

Si les périodes ne sont pas directement comparables entre elles, on a pu constater, en termes de croissance et de chômage, une sur-performance française relativement à nos pairs européens entre 2007 et 2009, une sous performance entre 2012 et 2014, et un mix entre 2017-2019, montrant une France sous performant ses pairs jusqu'à la fin 2018, puis une relative meilleure performance depuis lors, notamment sous l'impulsion des mesures de soutien aux Gilets jaunes. Dans quelle mesure ces résultats peuvent-ils être attribués aux actions de nos dirigeants ? 

L’article 20 de la Constitution française dispose que « le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation ». Ceci ne signifie aucunement que le gouvernement soit dans l’obligation d’avoir des compétences formellement reconnues en matière économique. Il en serait même excusé pour les bourdes faites ! La réponse à votre question reste donc ouverte. 
Dès lors, qui gouverne l’économie ? Robert Dahl, dans son ouvrage Who Governs?, montrait que le pouvoir pouvait être conçu comme la conséquence d’une relation asymétrique entre plusieurs acteurs intéressés à un processus de décision (hommes politiques, entrepreneurs, partenaire sociaux…) sachant qu’il est clair que les circuits de décision comme les attentes de l’électorat et des groupes d’intérêt placent les hommes politiques comme des acteurs décisifs. 
Par ailleurs, le rôle des économistes dans le débat public et dans la définition des politiques publiques n’est pas en soi spécifique à la période récente. L’essor et l’institutionnalisation de cette fonction sociale et politique datent des années 1930, aux Etats-Unis, lorsque la reconnaissance de l’expertise des économistes justifia leur présence dans les cercles du pouvoir. A cet égard, ce n’est que, près de 70 ans plus tard, qu’un décret de 1997 a institué, en France, un Conseil d’analyse économique placé auprès du Premier ministre et composé d’économistes, de sensibilités diverses, qui a pour objectif d’éclairer, par la confrontation des points de vue et des analyses, les choix du gouvernement en matière économique. Pour illustrer cette influence, citons, pour ne citer que quelques exemples récents, les économistes « nobélisés », comme Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, ont pu alimenter, par leurs écrits, les réflexions récentes sur les orientations légitimes des politiques macroéconomiques.
La France a également vu le nombre et l’audience des groupes de réflexion s’accroître à son tour, ces dernières années, avec par exemple la visibilité acquise par des organisations telles que la Fondation pour l’innovation politique, Terra Nova ou la Fondation Jean-Jaurès.
Au-delà de leurs différences, ces acteurs ont en commun la mise en avant réussie d’une expertise légitime susceptible de peser sur les décisions des politiques. C’est, en effet, leur qualification scientifique ou parascientifique qui leur confère visibilité, légitimité et accès à l’espace médiatique comme aux acteurs politico-administratifs. Leur audience croissante a, dès lors, pu être dénoncée comme une dérive de la décision en matière économique au sein des régimes contemporains, car ces instances ne sont pas légitimées ou contrôlées par des procédures explicites.
En fait, tout repose sur la notion d’attribution de la responsabilité c’est-à-dire le mécanisme psychologique par lequel les électeurs associent l’économie au gouvernement. Ce schéma d’articulation entre gouvernance économique et performance gouvernementale est même renforcé en période de crise. Depuis la crise financière de 2008, les enquêtes d’opinion lors des campagnes présidentielles de 2012 et 2017 ont montré que les sujets économiques étaient placés aux premiers rangs des préoccupations des Français.  
Mais ce jugement global varie cependant selon les périodes et les acteurs. D’abord, parce l’image de « décideur » économique attachée, par exemple, aux présidents en exercice change beaucoup de l’un à l’autre. Tout le monde se rappelle la distance prêtée au général de Gaulle ou à François Mitterrand vis-à-vis des politiques macroéconomiques à la différence d’Emmanuel Macron. Ensuite, parce qu’un partage des tâches plus ou moins tacite tend, par exemple, en France, à rendre le Premier ministre plus directement responsable des questions économiques (Raymond Barre avait même, en son temps, cumulé les fonctions de chef de gouvernement et de ministre de l’Économie et des Finances). L’économie est, enfin, parfois constituée en attribut ou en « marqueur » de leurs mandats par certains. Bill Clinton, avant même son arrivée à la Maison-Blanche, avait fait de l’économie l’enjeu principal de sa campagne et des débuts de sa présidence.
Quid d’Emmanuel Macron ? À l’instant d’être porté à la magistrature suprême, Emmanuel Macron avait promis la fin de l’ancien monde et nous avait assuré l’avènement d’un monde nouveau. C’est-à-dire que nous étions en droit d’attendre tout le contraire de ce que nous avions connu par le passé. 
Mais aujourd’hui, Macron a perdu un de ses atouts majeurs, qui était la distinction avec ses prédécesseurs. Ne peut-on pas conclure que s’il affiche un bilan en demi-teinte et si les principaux indicateurs économiques sont plutôt positifs pour 2019, n’est-ce pas, en partie, grâce aux mesures qu’il a concédées pour répondre, en partie, à la crise des « gilets jaunes ».
Que cela soit la crise financière en 2008, la crise de la dette en 2012, et désormais l’émergence d’une crise du commerce mondial en 2019, les trois présidents ont été chacun témoin d'un épisode de crise. 

Que cela soit la crise financière en 2008, la crise de la dette en 2012, et désormais l'émergence d'une crise du commerce mondial en 2019, les trois présidents ont été chacun témoin d'un épisode de crise. Comment mesurer leurs actions politiques respectives dans ces instants ? 

L’analyse des actions et de la décision en matière économique en ces moments est difficile. Elle ne peut être qu’estimée car elle suppose, tout à la fois, de resituer notamment les liens historiques et institutionnels qui sont au cœur de la relation évolutive entre l’État et le marché, mais également d’isoler la grande variété d’acteurs publics et privés, placés à différents niveaux de gouvernement, qui sont susceptibles de peser directement ou simplement d’influencer les politiques publiques régulant la production et les échanges.
De manière simple, le constat que l’on peut faire tient pour l’essentiel au fait que le pluralisme déjà important du gouvernement de l’économie n’a cessé de s’accroître ces dernières années : influence croissante des économistes, mise en place d’un réseau sans cesse plus dense de think tanks, institutionnalisation variable du rôle des firmes ou des partenaires sociaux, extension des compétences et moyens des organisations publiques et privées supranationales, etc. La liste est longue d’évolutions ayant pu peser sur les mécanismes d’élaboration et de mise en œuvre comme sur les objectifs des politiques économiques. 
Si la démonopolisation des fonctions de direction autrefois dévolues à l’État apparaît établie, elle n’a en tout cas pas été compensée ou remplacée par d’autres formes institutionnalisées et légitimées de gouvernement économique. Cette complexification et cette opacité accrues de la décision en matière économique sont d’ailleurs parmi les facteurs souvent mis en avant pour expliquer les désordres financiers et la dernière crise économique, sans que l’esquisse d’une gouvernance globale de l’économie ne se dessine toutefois pour l’instant.

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