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Le RN en voie de dépassement de LREM aux européennes : concrètement qui sont vraiment les électeurs qui bougent ?
©BERTRAND GUAY / AFP

Euro-Rolling

Les derniers chiffres, dévoilés par l'IFOP, sur les intentions de vote pour les élections européennes indiquent que le Rassemblement National a dépassé LREM. Comment expliquer les récentes évolution et la tendance actuelle à quelques semaines du scrutin.

Pierre Bréchon

Pierre Bréchon

Pierre Bréchon est professeur émérite de science politique à l’IEP de Grenoble, chercheur au laboratoire PACTE, directeur honoraire de l’IEP de Grenoble, et auteur notamment de Comportements et attitudes politiques aux Presses universitaires Grenoble. Il a également dirigé l'ouvrage Les élections présidentielles sous la Ve République (Documentation française). 

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Atlantico.fr : Le dernier rolling de l'IFOP concernant les élections européennes à venir indiquent que le Rassemblement National a dépassé La République en marche. Sur les derniers sondages, on pouvait noter une progression du vote RN et une baisse du vote en faveur de la majorité. Comment explique-t-on cette tendance ?

Pierre Bréchon : D'abord il faut quand même être très prudent sur ces résultats et les annonces qui sont faites. Le rolling est fait sur 1.500 individus avec une marge d'erreur à prendre en compte. Il faut alors garder en tête le fait que ces résultats ne sont pas définitifs. De plus, il ne faut pas oublier qu'il y a 60% d'abstentionnistes déclarés (et que ce chiffre n'a pas cessé d'augmenter au fil des années). Les intentions de vote sont donc sur un nombre beaucoup plus faible.

Cela dit la tendance de montée du Rassemblement National fait sens. La période électorale est courte, cela commence très tardivement et tout va se jouer sur la mobilisation des abstentionnistes. C'est aujourd'hui plutôt les catégories proches du Front National qui se mobilisent sur cette élection. C'est très difficile pour une majorité de mobiliser son électorat et à contrario l'opposition a des chances de se mobiliser plus facilement.

On rentre donc dans une période de mobilisation et les prochaines semaines vont être déterminantes. Dans cette période, le Rassemblement National récupère son électorat qui était "en attente". A 23% cela veut aussi dire qu'il n'est pas aujourd'hui en progression. Avec un peu de recul historique, en 1994, l'ancien Front National avait fait 25%.

Ensuite il faut parler de l'actualité récente qui a pu jouer un rôle et en partie permettre d'expliquer ces tendances. Même si je n'y crois pas trop car pour beaucoup de gens les petites polémiques ne suffisent pas à infléchir un vote.

Le contexte global est à observer. Il y a eu le Grand débat, des conclusions au moins provisoires en ont été tirées et toute une série de gens ne sont pas contents des retombées. Ils espéraient d'autres conclusions. Il est possible qu'un certain nombre de citoyens proches des Gilets jaunes se mobilisent contre le pouvoir et rejoignent l'électorat du Rassemblement National.

Le vote sanction a d'ailleurs progressé de plus 5 points en une semaine. C'est beaucoup mais en même temps le vote sanction a toujours tenu une place importante dans les élections de mi-mandat. Dans le contexte de la mobilisation progressive à un mois du scrutin il est normal qu'il soit important. Tout va donc se jouer dans les semaines à venir.

Qui sont les électeurs qui vont bouger ?

C'est à ce niveau-là qu'il faut être le plus prudent. La tendance a l'air de se confirmer car elle se situe sur plusieurs rollings d'affilée.

Maintenant il faut faire la distinction entre les deux corps électoraux qui nous intéressent : le Rassemblement National et le parti La République en Marche toujours dans un contexte de début de mobilisation car, comme dit précédemment, ces élections commencent au final tardivement, à seulement un mois du scrutin. Du côté du Rassemblement National c'est justement cet enclenchement de la mobilisation qui explique que les catégories populaires, à faible niveau de diplômes commencent à partir du côté du RN.

A l'inverse du côté de LREM, il est possible que, toujours dans un contexte de crise sociale qui s'est installé, un certain nombre de déçus peuvent partir. Maintenant au fur et à mesure que la mobilisation se fait, l'électorat Macron peut se mettre à reconsidérer son vote. Il y a des gens qui indépendamment des événements se mobilisent et décident de "ne pas faire comme aux présidentielles, je ne revoterai pas Macron".

Maintenant une deuxième analyse est possible. Emmanuel Macron a fait 24% au premier tour de la présidentielle. S'il reste dans les mêmes eaux comme c'est le cas actuellement, il n'aura pas fait un mauvais score. Prenons l'exemple de François Hollande qui a réuni 28,6% des votes au premier tour de l'élection de 2012. Il était tombé à 13,98% aux élections européennes de 2014. Dans ce type de scrutin, il est normal que le parti au pouvoir ne soit pas en forme. Du point de vue électoral, on peut dire que LREM tient quand même pas trop mal.

Maintenant, il est indéniable que l'électorat Macron est plus volatile. Une de ses caractéristiques a été de réunir des gens très divers. En 2017, c'était un des électorats les plus flottants. Un des enjeux pour LREM va être de stabiliser cet électorat issu de camps différents. Ce n'est pas complètement fait.

Pierre Bréchon vient de co-signer "La France des valeurs, quarante ans d'évolutions", publié aux Presses Universitaires de Grenoble dans la collection Libres cours – politique

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