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Edouard Philippe et le gouvernement au chevet de la dépense publique : mais qui bénéficie vraiment de quoi aujourd’hui en France ?
©ERIC FEFERBERG / AFP

Patate chaude

Le Premier Ministre ouvre ce lundi le séminaire du gouvernement censé préparer la mise en œuvre des annonces du Président de la République : il devra répondre à la demande de justice en termes de dépenses publiques exprimée par les gilets jaunes.

Jacques Bichot

Jacques Bichot

Jacques Bichot est Professeur émérite d’économie de l’Université Jean Moulin (Lyon 3), et membre honoraire du Conseil économique et social.

Ses derniers ouvrages parus sont : Le Labyrinthe aux éditions des Belles Lettres en 2015, Retraites : le dictionnaire de la réforme. L’Harmattan, 2010, Les enjeux 2012 de A à Z. L’Harmattan, 2012, et La retraite en liberté, au Cherche-midi, en janvier 2017.

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Marc de Basquiat

Marc de Basquiat est consultant, formateur, essayiste et conférencier. Fondateur de StepLine, conseil en politiques publiques, il est chercheur associé du laboratoire ERUDITE. Il préside l’Association pour l’Instauration d’un Revenu d’Existence (AIRE) et intervient comme expert GenerationLibre. Il est diplômé de SUPELEC, d'ESCP Europe et docteur en économie de l'université d'Aix-Marseille. 

Son dernier ouvrage : L'ingénieur du revenu universel, éditions de L'Observatoire.

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Atlantico : Le mouvement des Gilets jaunes a pu mettre à jour une demande des Français d'une plus grande justice en termes de dépenses publiques. Quels seraient les moyens de rectifier cette situation pour en arriver à une situation plus "juste" conformément au souhait des Français ?

Jacques Bichot : Le problème est que les Français n’ont pas tous la même idée de ce qui est juste ou injuste. Pour certains, il est juste que quelqu’un qui ne fait guère d’efforts pour se rendre utile n’ait pas plus que le minimum vital. Pour d’autres, tout le monde devrait bénéficier d’une certaine aisance, en prélevant lourdement sur les riches pour redistribuer à ceux dont le niveau de vie est inférieur à la moyenne. Ces deux façons d’envisager la justice ont été dénommées respectivement justice « commutative » (recevoir autant que ce que l’on fournit) et justice « distributive » (ceux qui ne gagnent pas beaucoup doivent bénéficier d’importants revenus sociaux financés par prélèvement sur ceux qui ont des revenus supérieurs à la moyenne).

Reste une sorte de consensus pour éviter que certains êtres humains soient dans la misère. Mais deux questions se posent alors : Premièrement, les pauvres auxquels celui qui a quelques moyens doit donner pour les sortir de la misère, sont-ils ceux de son voisinage (village ou quartier), ou de son pays, ou d’un ensemble de pays tel que l’Union européenne, ou du monde entier ?Deuxièmement, faut-il donner au pauvre de quoi vivre correctement sans pour autant « gagner sa vie », ou mettre l’accent sur la formation des qualités qui permettent de participer efficacement à la production, de façon que les personnes actuellement en difficulté deviennent aptes à se tirer d’affaire par elles-mêmes ?

Rappelons à ce sujet le proverbe bien connu : donner un poisson à un pauvre, c’est lui éviter la faim pendant un jour ou deux ; lui apprendre à pêcher, c’est lui permettre de se nourrir toute sa vie. Malheureusement, malgré la pertinence de ce proverbe, il ne permet pas de résoudre tous les problèmes de pauvreté, car il y a des personnes auxquelles on ne parvient pas à apprendre à pêcher, soit qu’elles en soient incapables, soit qu’elles ne le veuillent pas, soit que l’on s’y prenne mal. Et je pense que, pas toujours mais assez souvent, c’est parce que l’on s’y prend mal.

Que faire pour s’y prendre mieux quand on cherche à « apprendre à pêcher », c’est-à-dire à aider les personnes en difficulté à se former en vue d’exercer des métiers utiles et qui leur conviennent ? Notre système d’assistance est trop exclusivement axé sur l’aide monétaire ; nous devrions privilégier un suivi très personnalisé permettant aux personnes qui en ont besoin de reprendre confiance en elles, de se former, et de trouver un métier où il existe des besoins et qui leur convienne. On parle parfois de « care » à ce propos. Michel Guérin, dans son ouvrage De l’Etat providence à l’Etat accompagnant (Michalon, 2010), a donné de bonnes indications sur ce que l’on pourrait faire dans ce sens ; je regrette qu’il n’ait pas été davantage entendu.

Marc de Basquiat : Formuler une exigence de justice appelle la sympathie générale, mais de quelle « justice » parle-t-on ? Peut-on éviter le risque de malentendus ? Commençons par le plus simple : la justice n’est pas l’égalité. Lorsque le roi Salomon proposait de couper un bébé en deux pour départager deux femmes qui en réclamaient la maternité, il a fait apparaître la vérité dissimulée au fond des cœurs, ce qui n’a rien à voir avec une égalité absurde. On l’entend aussi dans la bouche de Louis IX par ses dernières recommandations à son fils : « Aie le cœur doux et pitoyable pour les pauvres, les chétifs, les malheureux, et les réconforte en aide autant que tu pourras... Sois loyal et roide pour tenir justice et droit à tes sujets, et soutiens la querelle du pauvre jusqu’à ce que la vérité soit éclaircie ».C’est le même Saint Louis qui n’a pas hésité à dépenser en 1239 l’équivalent de son budget annuel pour acquérir la Couronne d’épines qui s’est trouvée menacée par l’incendie de Notre Dame de Paris le 15 avril 2019. Etablir la « justice » d’une dépense publique n’a rien d’une évidence…

L’option préférentielle pour les pauvres a continuellement soutenu l’exercice d’une justice éclairée par la foi catholique. Pensons à la charmante histoire d’Yves de Tréguier payant en tintement de pièces d’argent un aubergiste qui se plaignait d’un vagabond venant humer la bonne odeur de sa cuisine. Cette attitude se retrouve dans le fameux « principe de différence » établi en 1971 par John Rawls dans sa Théorie de la justice. Ce texte compliqué est utile pour répondre à votre question, hiérarchisant avec une précision chirurgicale les notions antagonistes de liberté et d’égalité, ce dont le professeur de philosophie économique Claude Gamel fait la pédagogie en mettant en évidence trois niveaux de priorité.

Dans la hiérarchie rawlsienne, en tête vient le « principe d’égales libertés » : chaque personne a la même prétention indéfectible à un système pleinement adéquat de libertés fondamentales. Au deuxième niveau vient la « juste égalité des chances ». Le « principe de différence » n’arrive qu’au troisième niveau : les inégalités économiques et sociales résiduelles ne sont admissibles que si elles bénéficient aux individus les moins favorisés de la société. En d’autres termes, un système qui contraindrait toute la population à un capital de départ identique (par exemple 100% d’une classe d’âge diplômée du baccalauréat) n’est pas juste car il ne respecterait pas le principe premier de liberté. De même, une discrimination positive extrémiste réservant les emplois de la fonction publique aux classes défavorisées en ostracisant les classes moyennes ne respecterait pas le principe d’égalité des chances.

Cette hiérarchie est pratique pour qualifier des revendications formulées au nom de la justice, d’autant plus lorsqu’elle est complétée par la méthode rawlsienne du « voile d’ignorance » : chacun doit s’efforcer de raisonner en faisant abstraction de la réalité de sa propre situation dans la société. Si dans ma tête je peux indifféremment être riche ou pauvre, homme ou femme, jeune ou vieux, « gaulois de souche » ou immigré, malade ou en bonne santé, je considère froidement chaque politique publique pour en évaluer la justice. Plus facile à dire qu’à faire, certes, mais cette méthode permet d’invalider facilement des propositions formulées trop visiblement au profit ou au détriment d’un groupe particulier.

C’est ainsi que certaines des revendications initiales des Gilets jaunes peuvent être considérées comme injustes au sens de Rawls. Plafonner par un « salaire maximum » ou indexer sur l’inflation « les salaires de tous les français ainsi que les retraites et autres allocations » sont des revendications égalitaristes liberticides, invalidées par le premier principe. De même, la multiplication des tranches de l’impôt sur le revenu ou le salaire unique de 1710 euros net par mois « pour les élus et non élus (ministres…) » n’ont visiblement pas été pensés sous un « voile d’ignorance », ceux qui en seraient les victimes pouvant légitimement s’insurger contre ces mesures d’exception.

En utilisant les critères rawlsiens pour vérifier la justice des dépenses publiques actuelles, on détecte de nombreuses anomalies, pas toujours apparentes au premier coup d’œil. En effet, les dépenses publiques peuvent prendre de nombreuses formes, ce qui rend l’analyse compliquée. Par exemple, les aides financières pour les enfants peuvent combiner jusqu’à 11 mécanismes : prestations sociales, mesures fiscales, allocations familiales, etc. La résultante de cette complexité est illustrée par le graphique ci-dessous,inspiré des travaux del’analyste Léon Régent.

Le premier principe rawlsien est respecté : chacun est libre d’avoir le nombre d’enfants qu’il souhaite, contrairement à ce qui se passait en Chine à une certaine époque. Par contre les évolutions erratiques du niveau de l’aide publique par enfant sont contraires au deuxième principe qui voudrait que chaque enfant se voit offert des chances égales par la collectivité. Actuellement, la mère isolée d’un enfant unique est deux fois plus aidé si son salaire dépasse 4600 euros brut que s’il n’est que de 2200 euros ! Ceci est en infraction avec le principe de différence de Rawls. Par ailleurs, un couple parent d’un enfant unique n’est pas du tout aidé si son salaire brut est de 3000 euros, une aberration selon le deuxième principe. On pourrait multiplier les exemples.

En quoi le système actuel de dépenses publiques, en France, peut-il être considéré comme "injuste" ?

Jacques Bichot : Un dicton dit « on ne prête qu’aux riches ». Faire ses études dans des établissements d’excellence est plus facile si l’on est le fils ou la fille de personnes ayant elles-mêmes une bonne formation et un métier lucratif. Il existe donc une certaine focalisation des dépenses d’enseignement, du primaire à l’enseignement supérieur, qui profite aux enfants de familles aisées. Ce n’est cependant pas une grosse inégalité, parce que des enfants et des jeunes vivant dans des familles d’un bon niveau culturel et professionnel tirent plus facilement profit de classes où il y a 40 ou 50 élèves, et de grands amphis : objectivement, bien former un enfant d’ingénieur ou de cadre supérieur revient, statistiquement, moins cher que de bien former un enfant issu d’une catégorie socio-professionnelle plus modeste. Mais comme l’égalitarisme français s’exerce dans les deux sens, il rend difficile de fournir à des élèves ou étudiants venus de milieux défavorisés le petit coup de pouce qui leur permettrait d’être plus nombreux à passer par l’X ou par l’ENA.

L’injustice budgétaire ne me paraît pas très importante en France, exception faite de quelques domaines marginaux. Certes, les dotations qui permettent aux deux opéras publics parisiens de produire des spectacles prestigieux, dont les prix de revient dépassent largement le prix des places, pourtant assez élevé, profitent nettement plus aux bobos du 5ème arrondissement qu’aux habitants d’Aubervilliers ; mais il est également vrai que ces derniersprofitent de nombreuses dépenses publiques, par exemple les aides sociales, dont ne bénéficient pas les premiers.

Franchement, les dépenses publiques, en France, me paraissent plutôt redistributives que créatrices d’inégalités supplémentaires. Prenons l’assurance maladie : grâce à elle, les gens dont les revenus sont modestes reçoivent quasiment les mêmes soins que les riches. Quant aux prestations familiales et aux aides diverses et variées, elles profitent moins aux riches.

Le principal exemple de sens contraire – mais il est de taille – concerne les retraites par répartition : le système actuel d’attribution des droits à pension au prorata des revenus professionnels revient à donner des pensions confortables aux personnes qui ont eu, comme on dit, « de belles situations ». Or, dans la réalité économique, contrairement à la législation en vigueur, ce ne sont pas les cotisations vieillesse qui préparent les futures pensions, mais le fait d’avoir élevé des enfants. En effet, les cotisations étant dépensées (« réparties ») immédiatement, ce sont les cotisations futures des bébés actuels qui paieront les retraites futures. Donc, en bonne logique, les pensions devraient être attribuées, pour une part importante, au prorata des enfants élevés.

Si l’on tient compte de cette réalité économique, on découvre la principale injustice de notre système social : à savoir que les cotisations vieillesse des enfants de ménages modestes sont pour une part importante confisquées au profit des personnes âgées ayant été de riches adultes. Le chiffrage de cette ponction des classes supérieures sur les classes moyennes et inférieures reste hélas en attente de quantification, mais son existence est aussi certaine que scandaleuse.

Marc de Basquiat : A un certain niveau de complexité, les citoyens ne cherchent plus à comprendre la réalité du système. La Prime d’activité créée par la fusion du RSA Activité et de la Prime pour l’emploi est un bijou à ce titre. Se combinantavec le RSA socle, elle est la somme de trois composantes dont les règles de calcul restent obscures pour au moins 99 % des bénéficiaires. Ceux qui travaillent au SMIC à plein temps sont privilégiés par rapport aux autres, en particulier les temps partiels, mais qui s’en rend compte ? Le principe de différence rawlsien s’oppose clairement à ce que les nombreuses femmes obligées de travailler à temps partiel soient ainsi défavorisées par ces règles de calcul opaques.

Le graphique ci-dessous, passablement compliqué, montre l’éventail des dépenses publiques – explicites ou implicites – pour des couples sans enfant comptant un seul salarié, en fonction du niveau de salaire.

Au-dessus de 6000 euros par mois, ces ménages bénéficient à fond des règles de calcul de l’impôt sur le revenu, avec un avantage mensuel de 966 euros par mois. Les ménages de salaires inférieurs partagent les dépenses publiques avec les employeurs, qui bénéficient de diverses exonérations de cotisations sociales – dont les effets sont incertains en termes d’emploi. La dépense publique est minimale pour les ménages sans emploi ou salariés à 1,6 SMIC. Le profil irrégulier révélé par ce graphique est évidemment en conflit avec les principes 2 et 3 de Rawls. De plus, la complexité inhérente à ces mécanismes conditionnels nécessite de tels contrôles que le premier principe rawlsien « d’égales libertés » est lui aussi mis à mal.

Contrairement aux salariés du privé, les agents de la fonction publique bénéficient d’une indemnité de résidence et d’un Supplément familial de traitement dépendant de leur nombre d’enfants. La fonction publique des DOM-TOM bénéficie en sus de sur-salaires pouvant atteindre 53% à La Réunion ou 108% en Polynésie française. Dans ces territoires, les fonctionnaires les moins bien rétribués dépassent allègrement le salaire médian national. Justice ?

Par ailleurs, la France se distingue par le fait que le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs. Cette exception mondiale s’explique par deux facteurs : la difficulté pour les jeunes d’accéder au logement alors que les retraités des Trente glorieuses sont souvent propriétaires ; les retraités cotisent très peu pour le système de santé dont le financement est assuré très largement par les actifs. Là encore, les critères de Rawls interrogent la justice de cet état de fait.

Pour faire bonne mesure, ajoutons un troisième graphique montrant un phénomène peu intuitif : se marier (ou se pacser) est une bonne opération financière pour les riches et une aberration économique pour les pauvres. Nous voyons ici l’effet sur les ressources de couples dont l’un ne travaille pas lorsqu’ils officialisent leur union, en fonction du salaire brut du conjoint actif.

La ligne rouge fait la somme des impacts du mariage : diminution voire perte du RSA et de la Prime d’activité (vers le bas), effet positif du quotient conjugal pour le calcul de l’impôt sur le revenu. On constate que les pauvres perdent de l’ordre de 300 euros par mois en se mariant, et qu’avec un salaire supérieur à 8000 euros brut par mois le mariage (ou le pacs) est financièrement attractif. Cette situation est en opposition frontale aux trois principes de Rawls : le système décourage les pauvres de se marier !

Les quelques exemples d’injustices que nous mentionnons ici n’ont été que rarement évoqués dans les consultations du Grand débat. Ils sont masqués par la complexité du système. Au fond, la crise des Gilets jaunes a surtout permis de mesurer le décalage grandissant entre les conditions de vie dans les grands centres urbains et les territoires délaissés de la République, où les lacunes des transports et des services publics complique le quotidien de millions de ménages. L’injustice territoriale est probablement l’enjeu majeur révélé par cette crise.

Quelles sont les catégories de populations qui en tirent les principaux bénéfices ? 

Jacques Bichot : Il est très difficile de répondre à cette question, premièrement parce que le système français est assez opaque, et deuxièmement parce qu’il n’est pas facile de dire ce que c’est que « tirer un bénéfice » des dépenses publiques. 

Dès que nous mettons le pied hors de chez nous, nous tirons bénéfice des dépenses faites pour entretenir la voirie, installer et faire fonctionner un éclairage public, réguler la circulation des véhicules, protéger les citoyens contre les agressions, etc.

Certes, nous sommes tentés de dire que ces services ne sont pas parfaits, que par exemples telles rues restent sales, ou mal éclairées, que les « gendarmes couchés » qui mettent à l’épreuve les amortisseurs de nos véhicules et nos vertèbres sont construits sans respect des règles officielles qui les prévoient moins traumatisants, et ainsi de suite, mais si nous comparons à la voirie du Tiers monde, il n’y a pas photo.

Pour mesurer l’impact des dépenses publiques sur les différentes catégories de population, les moins mauvais indicateurs sont probablement les indices d’inégalité de revenus et la proportion des prestations sociales dans le revenu des ménages.

L’indice de Gini est, au niveau mondial, le plus utilisé pour mesurer les inégalités de revenus. Plus il est élevé, plus les inégalités de revenus sont fortes. Or, les comparaisons internationales situent la France parmi les pays où cette inégalité est assez faible. En République démocratique du Congo, l’indice est maximal, à 0,49. Aux Etats-Unis, il est très élevé pour un pays riche : 0,415, à peu près à égalité avec la Chine (0,42). La Russie est à 0,38 ; l’Inde à 0,35, l’Allemagne à 0,32, comme le Japon ; le Luxembourg est à 0,31 ; et la France, à 0,29, est un des rares pays à se situer en dessous de 0,30.

Cette situation très honorable n’est pas due exclusivement au système fiscal, qui ponctionne assez lourdement les hauts revenus, et social, qui verse beaucoup d’argent aux ménages modestes ; elle tient aussi au fait que les revenus avant impôts et prestations ne sont pas, loin s’en faut, parmi les plus inégalitaires dans le monde, mais il est difficile de contester le rôle redistributif joué par notre système fiscal et social.

Marc de Basquiat : Lorsqu’on prend le temps d’expliquer les anomalies du système actuel, la réaction de l’auditoire est unanime : une condamnation sans appel de la complexité et des injustices induites par des règles comprises seulement par quelques-uns. La technocratie a clairement pris le pas sur la démocratie. On se prend alors à rêver d’un président français qui s’inspirerait des réformes initiées par Mikhaïl Gorbatchev il y a plus de trente ans, à la fin de l’ère soviétique !

L’exigence de transparence (« glasnost ») impose de simplifier drastiquement un système socio-fiscal complexe et incompréhensible, où fermente l’injustice. Le simulateur disponible en ligne sur lemodele.fr permet à chacun de reconstituer sa situation personnelle et tester d’autres situations familiales, d’autres niveaux de revenus, pour mieux comprendre le fonctionnement des principaux mécanismes fiscaux, sociaux et familiaux français. Mais en réalité, chaque citoyen se contente de chercher à optimiser sa situation personnelle sans faire l’effort de comprendre le maquis opaque où se débattent les autres.

Si les règles étaient mieux comprises par le plus grand nombre, il serait possible d’enrichir le débat démocratique pour plus de justice. Certaines améliorations pourraient réunir un large consensus, permettant de restructurer (« perestroïka ») des dépenses publiques qui réunissent aujourd’hui la triple caractéristique d’être onéreuses, médiocrement efficaces et parfois injustes.

L’orientation générale vers plus de justice passe par la généralisation de règles universelles, applicables à tous sans exceptions. Par exemple, la complication des 11 aides monétaires aux enfants pourrait être remplacée par un montant forfaitaire par enfant, de l’ordre de 200 à 250 euros par mois, totalement conforme aux principes 1 et 2 de Rawls. Un complément conditionnel pour les familles monoparentales pourrait s’y ajouter, d’une centaine d’euros, dans une application transparente du troisième principe. La complication actuelle de l’impôt sur le revenu pourrait aussi être remplacée par la simple combinaison d’un taux unique de l’ordre de 23% et d’un crédit d’impôt individuel mensuel de l’ordre de 480 euros par adulte.

La fracture territoriale peut être analysée au point de vue fiscal. Les propriétaires immobiliers sont soumis selon les cas à pas moins de huit prélèvements sur l’acquisition, la détention, la location ou la transmission de leur patrimoine. Cet ensemble pourrait être remplacé par un impôt annuel de 1,2 % sur la valeur marché de leurs biens immobiliers, éliminant nombre d’injustices et d’effets pervers. Cette fiscalité locale rénovée pourrait être utilisée pour renforcer l’autonomie desRégions, leur permettant de définir et mettre en œuvredes politiques adaptées à la réalité de leurs populations.

Pour qui y réfléchit un peu sérieusement, en dehors de l’endogamie de nos instances dirigeantes, les idées ne manquent pas pour rationaliser et améliorer la justice de nos systèmes.

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