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Pourquoi la France est malade de son immobilier
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP

Evolution des prix

Ce jeudi 18 avril, l'INSEE publiait un focus consacré au logement dans l'indice des prix à la consommation, qui retrace les évolutions des prix immobiliers depuis le début des années 2000 en France.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Après le décollage des années 2000, les prix semblent avoir subi une forme de stagnation, en moyenne, sur le territoire. Quelles sont les différences que peuvent masquer cette moyenne, entre les territoires qui ont pu connaître une hausse des prix, et ceux qui ont connu une baisse, lors de cette période de stagnation, ou de faible progression, de ces dix dernières années ?

Philippe Crevel : Selon l’INSEE, depuis 20 ans, les loyers et charges augmentent chaque année en moyenne de 0,5 point plus vite que l’inflation. À partir de 2006, la hausse des loyers est moins vive du fait du changement des règles d’indexation. Par ailleurs, depuis 2012, le législateur a eu comme objectif de peser sur le montant des loyers avec plus ou moins de succès (encadrement des loyers, notamment à Paris, entre 2015 et 2017, et en 2018 réduction de loyer de solidarité dans le secteur social pour les locataires touchés par la baisse des aides personnalisées au logement).

Le poids des dépenses en logement des ménages dans leur revenu (loyers, charges, remboursement d’emprunt, taxes foncières, taxe d’habitation, etc.) appelé taux d’effort augmente depuis 2001 du fait de l’augmentation des prix de l’immobilier, de la progression des charges et de la moindre progression des rémunérations professionnelles. Entre 2001 et 2013, le taux d’effort en logement a augmenté de près de cinq points dans le secteur locatif libre, pour s’établir à 28 %. La hausse est de quatre points dans le social (24 %), de trois points pour les propriétaires accédants (27 %) et d’un point pour les propriétaires non accédants (9 %). Il a également augmenté plus vite pour les ménages les plus modestes.

Depuis 2000, les prix des logements anciens ont été multipliés par 2,3 (2,6 en Île-de-France), et ceux des logements neufs par 2,1. Ces hausses pèsent sur le taux d’effort des propriétaires accédants. Elles réduisent aussi les possibilités d’accès à la propriété des ménages qui ne sont pas déjà propriétaires

L’étude de l’INSEE souligne bien que le marché immobilier n’est pas uniforme. Il est par nature plurielle. Il faut distinguer Paris et l’Île de France, les grandes agglomérations comme Bordeaux, Rennes, Nantes ou Lyon, les façades maritimes des autres territoires..

Quels ont été les effets de l'évolution des prix immobiliers sur le patrimoine des Français ?

Depuis 1998, le patrimoine des ménages a plus que doublé. Cela est évidemment imputable en grande partie aux biens immobiliers. Selon l’INSEE, en 2017, le patrimoine net des ménages a atteint 11 494 milliards d’euros, soit 8,5 fois leur revenu disponible net de l’année contre 5 fois en 1998. Pour les deux tiers ce patrimoine est constitué de biens immobiliers dont la valeur a augmenté Il y a eu un effet de concentration du patrimoine sur les seniors et sur les 10 % des ménages les mieux dotés. Les plus de 60 ans ont pu acquérir relativement facilement leurs biens immobiliers durant les 30 Glorieuses et grâce à l’inflation qui a réduit les remboursements du capital. Par ailleurs, à partir de la fin des années 90, ils ont profité de la valorisation des actifs.

Qui sont les Français qui ont le plus bénéficié de cette évolution, et ceux qui en ont été les "perdants" ?

Par définition, ceux qui sont propriétaires de leur résidence principe et qui ont rembourse leurs prêts sont dans une situation plus favorable et en particulier ceux qui ont pu acheter avant le mouvement d’appréciation des prix de ces vingt dernières années.

58 % des Français sont propriétaires de leur résidence principale. En ajoutant ceux qui sont propriétaires d’un bien immobilier sans que celui-ci soit sa résidence principale, le taux monte à près de 62 % 38 % n’ont plus de charge de remboursement. En 1968, il n’y avait que 43 % de propriétaires. Au sein des grandes agglomérations du fait du prix de l’immobilier, le nombre de propriétaires y est plus faible. A Paris, le ratio est de 50 %.

Parmi les propriétaires, ce sont évidemment ceux résidant ou ayant des biens immobiliers locatifs dans les grandes agglomérations et en particulier en région parisienne. Ceux disposant de logements ou de terrains sur les façades maritimes figurent parmi ceux qui sont potentiellement gagnants. Après, il faut également prendre en compte la date d’acquisition, les charges et les impôts.

Les plus aisés sont naturellement ceux qui ont profité de cette valorisation. En effet, les revenus du patrimoine sont très concentrés. En 2015, 1 % de la population déclare ainsi 30 % des revenus du patrimoine.

Comment cette période a-t-elle changé le rapport des Français à l'immobilier ?

La pierre a toujours été, en France, une valeur refuge. La hausse des prix de l’immobilier même si elle ne s’accompagne pas d’une progression à due concurrence des loyers n’a fait qu’accentuer cette tendance. Les Français placent l’immobilier comme le placement le plus intéressant et le plus rentable même si cela n’est pas toujours le cas. La baisse des taux d’intérêt conduit évidemment à renforcer l’appétence des ménages vis-à-vis de l’immobilier. En revanche, la hausse des prix fait qu’il est plus difficile pour les jeunes ménages, les célibataires de devenir propriétaires. Il y a surtout l’idée que compte tenu des évolutions différenciées de l’immobilier, il y a plusieurs catégories de Français, ceux qui peuvent se loger au cœur des agglomérations et ceux qui sont contraints de demeurer en lointaine périphérie. La hausse de l’immobilier a contribué à segmenter la population et le pays.

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