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Les vrais objectifs de la sulfureuse ONG Qatar Charity
©STRINGER / AFP

Bonnes feuilles

Dans leur ouvrage "Qatar papers" (ed. Michel Lafon), Christian Chesnot et Georges Malbrunot révèlent la cartographie du prosélytisme en France et en Europe mené par Qatar Charity, la plus puissante ONG de l'émirat. 2/2

Christian Chesnot

Christian Chesnot

Christian Chesnot est grand reporter à la rédaction internationale de Radio France.

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Georges Malbrunot

Georges Malbrunot

Georges Malbrunot, au Figaro. Spécialistes du Moyen-Orient, ils ont coécrit de nombreux ouvrages, dont le dernier "Nos très chers émirs – Sont-ils vraiment nos amis ?".

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Les centaines de pages d’argumentaires et de notes internes à Qatar Charity que nous avons pu éplucher ne laissent aucune place au doute sur l’objectif poursuivi par l’ONG, à savoir renforcer l’identité islamique et contribuer à répandre et enraciner l’islam politique dans les communautés musulmanes en Europe, ni sur sa stratégie pour y parvenir, qui passe par l’édification, autour de moquées, de « centres de vie » animés, avec salles de classes, bibliothèques, espaces culturels et commerciaux, et parfois même jardins d’enfants, espaces médicaux, voire un espace funéraire. Bref, tout pour favoriser l’essor d’un « islam global » qui accompagnera les musulmans de la naissance à la mort.

L’ONG qatarienne étant soutenue, voire parfois encouragée par les plus hauts dignitaires de Doha, il est clair, malgré les dénégations officielles, que ses objectifs sont également ceux de l’émir. Qui finance influence ! À travers le vaste réseau d’associations islamiques en France et en Europe aidées par sa plus puissante ONG, le Qatar cherche bien à influencer l’islam de l’Hexagone et des grands pays européens. C’est même le principal objectif de cette prodigalité que nous avons mise au jour par notre enquête.

Mais par où passe cette recherche d’influence ? Par l’imam que les Qatariens chercheraient à imposer ? Pas forcément. Dans la mesure où la très grande majorité des associations bénéficiaires de l’aide qatarienne sont adeptes du même islam politique que l’émirat, nul besoin pour celui-ci de chercher à nommer un imam. Par la défense de la politique du Qatar ? Nous ne l’avons pas constaté. Au contraire, les responsables des centres islamiques européens financés par Qatar Charity prennent soin officiellement de ne pas apparaître comme des porte-parole de l’émirat. Mais en discutant avec eux, on se rend rapidement compte qu’ils partagent les mêmes ennemis comme les Emirats arabes unis et l’Egypte, principaux pourfendeurs de la cause frériste, ou épousent au contraire les mêmes causes celle des islamistes palestiniens du Hamas à Gaza, par exemple. Bref, cette recherche d’influence est plus subtile mais bien réelle, comme le confesse Nadia Karmous, responsable du musée islamique de la Chaux-de-Fonds en Suisse, qui a reçu de l’argent de Qatar Charity. « Qatar Charity ne cherche pas à contrôler les institutions que l’ONG aide, mais à les influencer. Elle pose des conditions : déployer un drapeau du Qatar, que plusieurs de leurs responsables soient conviés aux réunions importantes de ces institutions, qu’ils doivent donner leur accord pour certains projets d’agrandissement » d’établissements que QC finance.

En France, le Qatar inscrit son œuvre de prosélytisme dans la lignée de celles menées par l’Algérie, le Maroc, l’Arabie saoudite, et plus récemment la Turquie – qui ont, tous, copieusement investi dans des mosquées et institutions religieuses qui leur sont affiliées – et entend désormais rivaliser avec eux. « L’islam de France est un marché sur lequel cinq États concurrents aspirent à réaliser une OPA, confirme un cadre d’un service de renseignements qui scrute leurs agissements. Et cette concurrence s’est durcie depuis 2017, avec la guerre larvée que l’Arabie saoudite livre au Qatar. »

Dans cette bataille d’influence, le Qatar dispose donc de relais solidement implantés dans l’Hexagone, mais aussi en Allemagne, en Italie et en Suisse, grâce notamment aux membres des Frères musulmans installés de longue date dans chacun de ces pays. Leurs responsables, qui occupent souvent des postes importants ou en vue dans l’enseignement ou dans les affaires cultivent, en général, de bonnes relations avec les élus locaux. Au point parfois de devenir des partenaires incontournables des autorités municipales. Cette attitude plaît beaucoup à Qatar Charity qui, dans toute sa propagande, demande à ses relais d’agir toujours en lien avec ces élus locaux, histoire d’être irréprochable.

En France, mais surtout en Allemagne, le Qatar s’appuie également sur la Turquie, son principal allié non arabe, et sa nombreuse diaspora. Même si la pratique de l’islam turc revêt des spécificités qui rendent difficile la coopération sur le terrain, des tentatives de rapprochement sont observées dans certaines villes, à Nantes, mais aussi à Strasbourg, où un immense chantier de mosquée-cathédrale turque de 30 millions d’euros environ est en cours. « C’est le scénario que nous redoutons : l’argent qatarien allié à la ressource humaine turque », assure un diplomate saoudien, un peu amer. Une évolution qu’il faudra suivre de près dans les années à venir.

Extrait de "Qatar papers" de Christian Chesnot et Georges Malbrunot, publié chez Michel Lafon

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