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Taxe Gafa : Monsieur le président, voilà pourquoi une Start-up nation devrait montrer l’exemple
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Mauvaise route ?

Depuis le 9 avril, le Parlement a entamé la discussion du projet de loi destiné à créer une nouvelle taxation sur le chiffre d’affaires généré par certaines entreprises du numérique.

Giuseppe de Martino

Giuseppe de Martino

Franco-italien, Giuseppe de Martino a commencé sa carrière chez Arte avant de prendre la Direction Générale de DailyMotion jusqu’à sa revente à Vivendi. Il dirige depuis Loopsider, le media pureplayer qu’il a fondé. Outre sa carrière de dirigeant d’entreprise, il fut le Président de l’Association des Fournisseurs d’accès internet, puis membre du Conseil du Numérique, et préside aujourd’hui l’Association des Services Internets Communautaires

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Qualifiée à tort de taxe GAFA, en référence à l’acronyme formé par les quatre acteurs majeurs du numérique (Google, Amazon, Facebook, Apple), cette mesure vise à adresser un des enjeux forts de la transformation numérique de notre société : comment la valeur nouvellement créée doit-elle être appréhendée par l’impôt ?

Depuis plus de 8 ans, de nombreux projets sont discutés. Le premier est entre les mains de l’Organisation pour la Coopération et le Développement économique (OCDE). En lien avec l’ensemble des pays du G20, les États y envisagent une réforme massive de la fiscalité internationale. Les premières briques ont déjà été adoptées. Les prochaines - destinées à prendre en compte les effets du numérique - seront étudiées dans quelques semaines. Le second projet est porté par Bruno Le Maire, qui a tenté de convaincre l’ensemble de nos partenaires européens d’adopter une fiscalité dédiée pour les acteurs du numérique venant se superposer à la fiscalité classique des entreprises.

La France démarre donc aujourd’hui la discussion d’une mesure unilatérale de taxation des entreprises du numérique. Elle repose sur un faux postulat, répété régulièrement selon lequel les grandes entreprises du numérique n’auraient acquitté que 9% d’impôt sur les sociétés. Or, et les chiffres publics le démontrent, les entreprises en question ont payé entre 22 et 29% d’impôts au cours de ces dernières années. Les États-Unis, tout comme le Japon, ont en effet mis en œuvre des mécanismes afin que leurs entreprises payent un minimum d’impôt sur leur territoire.

La question n’est donc pas celle du montant de l’impôt payé par les acteurs du numérique, mais bien du lieu où cet impôt est payé. Et en cela, l’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) et ses membres rejoignent la préoccupation du Président de la République mais aussi d’une majorité des Français qui appellent de leur vœux une meilleure répartition de l’impôt entre les pays. Depuis plusieurs années, nous appelons tous à une adoption rapide des travaux de l’OCDE.

Hélas, la solution discutée actuellement en France ne règle pas ce problème. Au contraire, elle va avoir plusieurs effets de bords, non voulus. Tout d’abord, cette taxation sera répercutée sur les consommateurs. Plusieurs études le démontrent. Le Ministre de l’économie lui-même a concédé une augmentation des prix de 0,4% sur les places de marché sur internet. Ensuite, les entreprises soumises à cette double imposition devront revoir leurs ambitions en matière d’investissements, d’innovation ou même de création d’emplois. Une taxe sur le chiffre d’affaires d’une entreprise faiblement bénéficiaire, c’est une taxe sur sa capacité d’innovation et de développement. Enfin, on peut s’interroger sur l’image que cette taxe renverra de la France à un moment où tous nos autres partenaires comme l’Espagne, la Belgique, le Portugal, mais aussi l’Australie ou encore l’Italie ont décidé de ne pas poursuivre cette idée et de plutôt soutenir une solution rapide au niveau de l’OCDE.

Monsieur le Président, cette taxe est aussi à l’opposé de l’ensemble des valeurs que vous défendez depuis de nombreuses années. Elle promeut l’unilatéralisme - voire une situation de guerre commerciale avec certains États, alors que la France entend soutenir le multilatéralisme. Les entreprises françaises présentes à l’étranger seront les premières à payer les conséquences de cette taxe. Par ailleurs, celle-ci cherche à répondre à un problème complexe par une solution avant tout politique et dont le rendement espéré ne dépassera sans doute pas 200 millions, loin des chiffres avancés sans étude d’impact sérieuse... Enfin, elle s’oppose à l’attente des Français qui, tout en soutenant le principe d’une meilleure justice fiscale, s’opposent à toute mesure fiscale qui impacterait le prix des produits, isolerait la France sur la scène internationale ou ne serait une réponse de court terme.

Aujourd’hui, Monsieur le Président, il ne s’agit pas de reculer. Il s’agit d’avancer vers une solution qui permettra d’obtenir une meilleure justice fiscale, une répartition équitable de la valeur entre les divers États tout en maintenant l’attractivité de la France. La seule solution que la France devrait soutenir, c’est celle de l’OCDE. A tout le moins, il est aujourd’hui plus que nécessaire qu’une réévaluation complète de la mesure envisagée et de son impact sur la France, ses entreprises, ses consommateurs et son attractivité soit réalisée.

Lors de la campagne, vous le répétiez régulièrement : la force politique, c’est aussi de dire quand on se trompe. Cette taxe sur le numérique en est le parfait exemple. Alors que tout le monde s’accorde sur l’objectif final, la solution telle que proposée est, pour reprendre les propos d’un ancien membre du Gouvernement, la “pire des solutions”. La France, start-up nation, doit montrer l’exemple. Et non pas s’isoler.

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