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Pourquoi le monde du travail n’appartient pas à ceux qui se lèvent tôt
©Flickr

Efficacité du matin, (esprit) chagrin

Le fait de se lever tôt est de plus en plus valorisé comme une garantie d'efficacité et de productivité au travail. Pourtant, c'est scientifiquement très contestable.

Séverine  Brune

Séverine Brune

Séverine Brune est psychologue spécialiste de la prise en charge de l'insomnie. Elle forme également depuis 12 ans les salariés et les acteurs de l'entreprise dans la gestion du stress et des troubles du sommeil. 

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Atlantico : Certains Français ont adopté une mode qui vient des Etats-Unis, et qui est attestée par le succès de Miracle Morning, un livre de Hal Elrod : le fait de se lever aux aurores, bien avant le lever du jour, afin d'être plus performant et d'avoir plus de succès.  L'exemple type : Tim Cook, qui a annoncé se lever à 3h45 pour lire ses mails en Californie avant ses collègues. Comment expliquer le succès de cette tendance ?

Séverine Brune : Un décalage de plus en plus important se creuse entre nos vrais besoins humains et les « besoins » de notre société dictée par une accélération du temps surtout depuis ces 20 dernières années (nous devons répondre et nous adapter à 50 fois plus de stimulation !). Nous avons donc tous l’impression de manquer cruellement de temps…et pour tout ! alors se lever tôt le matin donne certainement le sentiment de récupérer un temps précieux mais surtout pour soi, pour pouvoir faire des activités en étant seul, coupé des stimulations extérieures, des contacts sociaux,  pouvoir se concentrer sans être dérangé et en dehors des heures où tout s’accélère… je pense donc que le succès de cette tendance est surtout lié à un vrai besoin de se ressourcer, de prendre du temps pour soi (faire du sport, lire ou autre lorsque l’on n’a pas le temps de le faire en journée ), prendre du temps pour réfléchir  à des projets de travail, lire ou répondre à ses mails tranquillement sans être dans l’urgence…quel luxe aujourd’hui ! Le problème serait donc résolu en prenant ce temps en plus de notre journée d’activité ? Cela aurait pu être une bonne idée si le  risque n’était pas d’en prendre aussi sur notre besoin vital qui est de dormir pour être efficace la journée ! Ce temps de ressource où l’on ralentit notre rythme est pourtant absolument nécessaire pour notre équilibre mais doit être adapté à chacun et pas n’importe quand.

Comme une étude parue dans Nature Communications menée sur 700 000 personnes le montre, le rythme du sommeil est lié à des facteurs génétiques, donc est individuel. Dans ce cas, est-ce que se lever tôt est vraiment fait pour tout le monde ? 

Concrètement, seules les personnes considérées comme des vrais « courts dormeurs » (besoin de moins de 6h de sommeil sans impact sur leur fonctionnement diurne) et qui sont du matin (endormissement naturel tôt le soir), typologie individuelle effectivement génétiquement programmée pourraient se payer le luxe d’un « miracle morning » sans impact sur leur santé ! Rappelons que l’on ne se « décide » pas « être du matin » par volonté, désir  ou choix personnel, ce sont nos gènes qui décident ! Il est même extrêmement dangereux de généraliser de type de concept à l’ensemble de la population avec des risques de dette chronique du sommeil qui engendrent des conséquences graves pour la santé (somnolence, risque d’accident, augmentation des risques cardio vasculaires, impacts sur la mémoire, sur la performance, l’humeur etc…). Donc non ! se lever tôt n’est pas fait pour le monde.

Comment connaître son propre rythme et s'y adapter ? 

Même si nous souhaiterions tous gagner du temps et être plus performant en se levant très tôt le matin, cela n’est pas biologiquement possible pour tout le monde comme je viens de l’expliquer. Bien connaître ses besoins de sommeil et son rythme « naturel » qui est propre à chacun, gérer son rythme veille/sommeil aussi bien la nuit que la journée est la clé pour être efficace, vigilant, performant et réactif en adaptation.

Observer pendant quelques jours (sans contraintes de lever : en vacances par exemple), l’heure à laquelle vous ressentez les premiers signes de sommeil (yeux qui se ferment, bâillement, envie irrépressible de dormir..) et se lever sans réveil permet déjà de mieux identifier vos rythmes et vos besoins, certains seront plus du soir et  auront besoin de plus dormir le matin, d’autres seront peut être plus du matin…calculer ensuite votre temps moyen de sommeil sur 15 jours 3 semaines (si possible en incluant une semaine de vacances) pour mieux d’appréhender vos propres besoins en temps de sommeil. Pendant la journée, faites des pauses, favoriser une sieste de 10mn après le repas de midi, apprendre à déconnecter son cerveau ponctuellement des stimulations quotidiennes et inclure 30 mn de marche dans sa journée….sont autant de facteurs qui permettent de mieux gérer ses ressources au quotidien.

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