Pourquoi l’énergie est le défi à le plus sérieux pour la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Pourquoi l’énergie est le défi à le plus sérieux pour la Chine
©Greg Baker / AFP

Bonnes feuilles

Éric de La Maisonneuve publie aux éditions du Rocher "Les défis chinois : La révolution Xi Jinping". En inventoriant les éléments du mécanisme stratégique chinois, il présente les solutions préconisées pour réorienter la dynamique chinoise vers un projet interne mieux équilibré et un destin mondial plus ambitieux. Extrait 2/2.

Éric de La Maisonneuve

Éric de La Maisonneuve

Éric de La Maisonneuve, général de division (2S), est fondateur et président de la Société de Stratégie - www.societestrategie.fr. Professeur invité à l'Institut de Diplomatie de Pékin (2004-2014), il a effectué une vingtaine de séjours en Chine, notamment en 2018 dans la région autonome du Xinjiang.

Voir la bio »

L’énergie est le défi à la fois économique et écologique le plus sérieux pour la Chine des trente prochaines années. Elle produit 18,1 % de l’énergie primaire et consomme 24 % de l’électricité mondiale, ce qui semble raisonnable pour 20 % de la population planétaire. Mais ce qu’il est intéressant d’observer, c’est d’une part l’origine de cette énergie et son utilisation dans le système économique, d’autre part sa contribution aux rejets de gaz à effet de serre et la planification pour diminuer sa signature carbonée.

Sur le premier point, les données fin 2017 indiquent une production totale de 6 417 Térawatts/heure, en hausse de 6,5 % par rapport à 2016, au même rythme que la croissance économique. La part des énergies fossiles y est toujours très majoritaire à 73,5 % (en retrait de 1 % par an en moyenne) et, parmi celles-ci le charbon à 60% avec plus de 4 milliards de tonnes annuelles ; c’est toutefois une proportion moins alarmante que celle du Japon ou encore de l’Australie. Concernant le charbon omniprésent, la Chine en est le premier producteur mondial (avec 50 % du total), le premier importateur et, bien sûr, le premier consommateur avec toujours 50 % du total mondial ; même si la réduction de sa consommation a été engagée, elle reste marginale à - 1% par an : la Chine est droguée au charbon. La part du nucléaire, en hausse de 16 %, n’est que de 248 Twh, soit 4 % du total. Quant aux énergies renouvelables, de l’ordre de 24 % du total, elles se répartissent entre l’hydro-électricité (1 194 Twh – stable), l’éolien à 305 Twh en hausse substantielle de 26 % et le solaire qui, avec 118 Twh n’est pas loin de doubler sa performance ; mais ces énergies, très coûteuses, représentent encore une part très secondaire du mix énergétique.

La consommation d’électricité – 6 308 Twh – est encore très déséquilibrée au profit de l’industrie à raison de 70 % (4441Twh), puis du secteur résidentiel pour 14 % (869 Twh) en forte hausse, du secteur tertiaire (6,2 %), des transports (3,7 %), de l’agriculture (2 %), etc. Ces statistiques révèlent une situation de pays en développement dont l’intensité énergétique dispose de marges importantes de progression.

Sur le deuxième point, la Chine est effectivement devenue le premier pollueur de la planète, émetteur de 28 % du CO2 mondial. La Chine s’est engagée lors de la COP21 à Paris en 2015 à réduire ses émissions carbonées à partir de 2030 ; elle semble remplir son contrat puisqu’elle a abaissé son intensité carbone64 à - 46 % en 2017 alors que l’objectif de - 45% était programmé pour 2020. En 2018, le Président Xi, dont l’engagement écologique n’est pas contestable et s’est confirmé lors de la conférence de Paris dont il a assuré la réussite avec le Président Obama, a déclaré : « Nous allons consacrer plus d’énergie et prendre davantage de mesures concrètes pour accélérer la transition écologique, la production et les modes de vie verts et prendre à bras le corps les problèmes environnementaux. » Ce qui se traduit dans les préconisations du 13e plan quinquennal 2016-2020 et dans les faits : passer de 12 à 15 % en 2020 puis à 20% en 2030 la part des énergies non fossiles dans la production d’énergie primaire ; faire baisser l’intensité énergétique de 15%, celle de l’intensité carbone de 18%. Les énergies renouvelables devraient représenter une capacité installée de 675 Gigawatts, dont 58,6 Gw pour le nucléaire dans 19 projets et un doublement des capacités en cinq ans, ce qui paraît largement hors d’atteinte ; pour les autres types d’énergie, les objectifs seront atteints : 130 Gw pour le solaire, 200 Gw pour l’éolien. La dernière centrale à charbon alimentant Pékin a été arrêtée en 2016 et remplacée par une centrale au gaz.

Malgré ces efforts et compte tenu de la demande, 25% des investissements (soit 10 milliards d’euros) sont encore effectués dans le gaz et le charbon ; et la production d’énergie fossile a augmenté de 203 Twh en 2017 alors que celle des énergies renouvelables n’a crû que de 184 Twh. La Chine atteindra en principe son pic de pollution en 2030 ou peu avant, soit dix ans au moins pendant lesquels le pays se dégradera et la température continuera d’augmenter. Le chemin vertueux vers une énergie propre sera long et ce n’est que vers 2050 qu’on devrait observer une véritable inversion de la répartition énergétique avec plus de 80 % de la production d’origine non fossile. En attendant, la planète se réchauffera inexorablement et la Chine, mal située géographiquement, en subira toutes les conséquences, la sécheresse au nord, les typhons au sud et, partout, de grandes amplitudes de température. Pour un peuple de paysans, qui vénère la nature et la terre nourricière, empêcher le désastre climatique et environnemental qui se prépare devrait être l’objectif prioritaire du Parti. Et il faudrait ajouter un cinquième impératif au mandat du Ciel : celui de pouvoir « respirer ».

De la mutation du système économique à la protection de l’environnement, la succession des défis qui se posent au régime chinois ne pourront pas se satisfaire de mesures gestionnaires, aussi habiles soient-elles ou de déclarations non suivies d’effets comme ce fut le cas dans les années 2000. Le temps de grands changements est arrivé. Le Président Xi Jinping les a annoncés et publiés, il s’efforce de les mettre en œuvre avec autorité, une autorité bien nécessaire pour bousculer les conservatismes, les rentes de situation et… la réalité économique. Mais nous vivons dans un temps mondial où, en particulier, les économies sont liées et où le sort de la planète est collectif. La Chine ne pourra donc relever seule les défis qui se présentent à elle, elle devra les relever avec, au minimum le consentement, au mieux le soutien du reste du monde.

Extrait du livre d'Éric de La Maisonneuve "Les défis chinois : La révolution Xi Jinping", publié aux éditions du Rocher.

Lien direct vers la boutique Amazon : ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !