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Pourquoi parler de renaissance européenne a une véritable pertinence historique
©Mladen ANTONOV / AFP

Concordance des temps

Dans une tribune adressée à tous les citoyens européens, et publiée ce 5 mars, Emmanuel Macron écrit : "C’est le moment de la Renaissance européenne".

Guillaume Klossa

Guillaume Klossa

Penseur et acteur du projet européen, dirigeant et essayiste, Guillaume Klossa a fondé le think tank européen EuropaNova, le programme des « European Young Leaders » et dirigé l’Union européenne de Radiotélévision / eurovision. Proche du président Juncker, il a été conseiller spécial chargé de l’intelligence artificielle du vice-président Commission européenne Andrus Ansip après avoir été conseiller de Jean-Pierre Jouyet durant la dernière présidence française de l’Union européenne et sherpa du groupe de réflexion sur l’avenir de l’Europe (Conseil européen) pendant la dernière grande crise économique et financière. Il est coprésident du mouvement civique transnational Civico Europa à l’origine de l’appel du 9 mai 2016 pour une Renaissance européenne et de la consultation WeEuropeans (38 millions de citoyens touchés dans 27 pays et en 25 langues). Il enseigne ou a enseigné à Sciences-Po Paris, au Collège d’Europe, à HEC et à l’ENA.

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Atlantico : Dans une tribune adressée à tous les citoyens européens, et publiée ce 5 mars, Emmanuel Macron écrit : "Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne". Est-il pertinent d'invoquer la notion de renaissance européenne ? Dans quelle dynamique historique cela s’inscrit-il ?

Guillaume Klossa : La notion de Renaissance européenne est pertinente à plusieurs niveaux. Le premier c'est que c'est un thème fédérateur pour les Européens qui parle à chacun de nous dans tout le continent. La Renaissance est un moment majeur de notre Histoire qui fait partie de l’imaginaire commun de tous les Européens. En se référant à la Renaissance de l’Europe, Emmanuel Macron sait donc qu'il part sur une base commune, qu’il parle à chaque citoyen européen. Il sait aussi que cette période de la Renaissance correspond à l’émergence de la modernité européenne et à l’affirmation de la puissance des Européens dans le monde. L’utilisation du mot Europe se développe d’ailleurs à cette période.

La deuxième raison c'est que la Renaissance est une période que ressemble à maints égards à la nôtre. Période de transition entre le Moyen-âge et les Lumières avec ses tentations obscurantistes, c'est une période de transformation radicale : on assiste à un rééquilibrage rapide de la puissance en moins de deux décennies avec, à l'époque l’émergence de l'Espagne et le Portugal qui se lancent à la conquête de l'Amérique et deviennent les deux premières puissances mondiales; la papauté est profondément remise en question ; le développement de l'imprimerie permet une individualisation sans précédent du savoir, de grands débats ont lieu sur la place de l'Homme dans l’univers et la défiance à l'égard des institutions bat son plein comme le rappelle  "L'éloge de la folie", le livre satirique d'Erasme. Mais, c’est aussi une période de création sans précédent dans tous les domaines artistiques. Emmanuel Macron emploie donc à juste titre la notion de Renaissance de l’Europe. Aujourd’hui l’enjeu pour les Européens, c’est finalement de prendre à nouveau leur destin en mains comme ils ont su le faire à cette époque et de faire de l’Europe, un projet concret et fédérateur qui donne des perspectives d’avenir positives aux citoyens de notre Union, des perspectives conformes à l’héritage de la Renaissance et des lumières fondées sur le triptyque liberté, protection et progrès qu’évoque le Président de la République française dans sa tribune. L’enjeu, c’est aussi d’échapper à la tentation de repli pour se projeter à nouveau dans le monde.

Emmanuel Macron parle de conférence européenne pour la renaissance de l’Europe, la méthode est-elle à la hauteur de l'ambition ?

Le sujet, c'est en effet la méthode de transformation. Lorsqu'on parle de Renaissance, on place l'Homme au centre du projet. La Renaissance est avant tout la période de l'Humanisme, de la confiance en la force motrice de l’être humain. On remarquera qu'Emmanuel Macron s'adresse aux citoyens européens et donc à la femme et à l’homme européens. Il propose une nouvelle méthode, ce qu'il appelle la conférence européenne. C'est l'idée que pour transformer l'Europe, il faut mobiliser de manière transversale les citoyens et les leaders d'opinion, les institutions et les dirigeants. Cette transversalité est une méthode très en rupture avec la méthode historique de fabrication de l'Europe qui, pour ce qui concerne les traités, a été  sauf exception l’affaire des seuls chefs d'Etat et de gouvernement se mettant d’accord dans le cadre de conférences intergouvernementales. Cette méthode de mobilisation transversale est à mon sens la bonne approche, il y a un puissant désir des citoyens européens d’être des contributeurs actifs de la réinvention du projet européen, comme le montre notamment le succès de la consultation transnationale WeEuropeans.eu qui a déjà touché plus de 30 millions de citoyens européens dans les 27 Etats membres, avec un taux d’engagement supérieur de 40% à celui des consultations nationales numériques du même type.

Comment mesurer le soutien que pourrait avoir cette ambition au sein des autres gouvernements européens. En excluant les partis qualifiés de "nationalistes", quel est le niveau de soutien apporté à une telle vision, notamment en Allemagne ?

Il sera intéressant de voir comment les dirigeants et les leaders d'opinion allemands réagissent à la tribune du président de la République dans les jours qui viennent. Ce que je remarque, c'est que lorsqu'Emmanuel Macron a fait son discours de la Sorbonne – haut-lieu de la Renaissance – l’espoir qu’il a suscité en Europe et notamment en Allemagne a été extrêmement fort. Et cette tribune s’inscrit dans la lignée du discours de la Sorbonne si l'on en regarde les propositions concrètes. Les libéraux allemands et les sociaux-démocrates ont donné ce matin des premiers signaux positifs, le vice-chancelier Olaf Scholz a par exemple parlé d’ « un signal fort pour la cohésion en Europe ». Il faut maintenant laisser du temps pour voir comment le débat né de cette tribune publiée seulement ce matin prend en Allemagne pour être en mesure d’en évaluer l'impact.

Alors que l'Union européenne est actuellement confrontée au défi du Brexit, à une possible guerre commerciale avec les Etats-Unis, et par une montée en puissance chinoise, ne peut-on s'interroger sur cette approche de "Renaissance" alors que les populations européennes semblent être à la recherche de pragmatisme et de solutions concrètes ? 

Emmanuel Macron fait des propositions concrètes dans son texte (lutte contre les puissances étrangères, bouclier social, préférence européenne, remise à plat de l’espace Schengen, Conseil européen de sécurité, banque européenne pour le climat, régulation des plateformes…). Maintenant son sujet, c’est de créer une dynamique d’adhésion autour de ses propositions, c’est tout l’enjeu des élections européennes qui s’annoncent. Viendra ensuite le moment de les mettre en œuvre. La plupart des propositions mentionnées sont pragmatiques d’autant qu’elles peuvent pour l’essentiel être mises en œuvre à traité constant.  

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