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Que vaut le Green New Deal à la française proposé par le duo Hulot-Berger ?
©PHILIPPE LOPEZ / AFP - ludovic MARIN / AFP

66 Propositions

Nicolas Hulot et le Secrétaire général de la CFDT Laurent Berger ont présenté au nom de plusieurs organisations un pacte « social et écologique » visant à combiner équité et transition écologique.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Dans le cadre du Grand débat national, ce pacte entend amener des propositions concrètes. Sur quels leviers économiques ce pacte entend-il peser pour pouvoir jouer sur les deux tableaux, sociaux et écologiques ?

Michel Ruimy : L’objectif de ces organisations environnementales, de solidarité et d’éducation, mutuelles et syndicats est de participer à la réflexion qui est menée actuellement dans le cadre du grand débat national, organisé par les pouvoirs publics en réponse à la crise des « gilets jaunes ». Cette coalition, qui estime avoir été « insuffisamment écoutée » jusqu’à présent, propose donc aujourd’hui un projet de société, qui veut allier, de manière indissociable, justice sociale et transition écologique.

Ce pacte écologique et socialest divisé en 66 propositions. Leur qualité est inégale. Si certaines d’entre elles sont très concrètes ou ressemblent plus à des objectifs de long terme, d’autres sont parfois, un brin incantatoires, comme l’idée de « faire reculer le poids de l’appartenance sociale sur la réussite scolaire » ou encore celle visant à « construire dès le plus jeune âge une culture de l’égalité entre femmes et hommes ».

Certaines se veulent aussi, être bien plus précises. Sur la question du pouvoir d’achat, au cœur des revendications des gilets jaunes, le pacte propose de revaloriser les minima sociaux, de faire évoluer automatiquement les grilles salariales en fonction de l’évolution du Smic, dans le privé comme dans le public, de garantir un niveau de pension de retraite par répartition « qui ne puisse pas être inférieur au Smic pour une carrière pleine », là où l’exécutif promet, dans une réforme à venir, un nouveau système de calcul par points.

De plus, ce pacte propose notamment la création d’un observatoire dont la mission serait de vérifier que les choix politiques qui sont faits se préoccupent des enjeux sociaux et environnementaux et soient plus justes au plan fiscal. Cette initiative est, en quelque sorte, une main tendue pour dire « faisons autrement ! ».En effet, critiquant un exercice trop vertical du pouvoir qui oublie les corps intermédiaires, ces propositions préconisent des initiatives citoyennes afin de mieux partager le pouvoir et permettre la codécision dans les politiques publiques. C’est pourquoi, elles s’adressent à l’ensemble des décideurs quel que soit leur statut : membres du gouvernement, employeurs, élus territoriaux, autres associations, citoyens... c’est-à-dire que chacun de nous est invité à s’en saisir, à son niveau de décision.

Par ailleurs, la fiscalité, que les signataires veulent écologique, solidaire et sociale, est une questioncentrale du schéma. En effet, un axe majeur du projet consisterait à sortir les « investissements verts » de la règle européenne relative au déficit public, limité à 3% du Produit intérieur brut en cas de circonstances exceptionnelles.

Ensuite, il conviendrait de réaliser un « big bang » fiscal pour rendre la fiscalité plus juste et le partage de l’effort, plus équitable. Ainsi, le pacte veut introduire une plus grande progressivité de l’impôt, une taxation des hauts patrimoines, la fin des dérogations bénéficiant aux revenus du capital, la réorientation des niches fiscales et les aides publiques au profit de l’emploi, de la transition écologique et à l’investissement social.

Enfin, les organisations se sont accordées sur l’adoption d’une trajectoire de la « taxe carbone » compatible avec l’accord de Parissur le climat / réchauffement climatique et sur le fait de reverser l’intégralité des recettes de la fiscalité écologique aux ménages - c’est l’aspect « dimension sociale » - et au financement de la transition.

Plusieurs mesures sociales proposées peuvent se retrouver dans le programme de différents partis politiques marqués à gauche.Ne peut-on pas y voir un risque de limiter la portée de telles propositions par de tels marqueurs ?

Il est rare qu’un programme politique soit totalement innovant, disruptif pour reprendre un mot très employé actuellement. Comme tout programme, certaines idées sont partagées avec d’autres, remodelées, façonnées selon l’environnement économique et social. Les propositions de ce pacte social et écologique n’y échappent pas et se retrouvent également dans le programme de certains partis politiques, notamment de Gauche.

C’est pourquoi, l’ensemble de ces recommandations ont reçu le soutien de plusieurs personnalités. A cet égard, le premier Secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, a relevé, sur Twitter, des convergences plus qu’évidentes entre les propositions de la coalition et celles du Parti, et se dit prêt à porter ce travail dans le débat. Par ailleurs, l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve a affirmé qu’elles étaient une boussole utile dans la période de divisions que traverse notre pays. De son côté, le député Mathieu Orphelin, ancien membre de La République En Marche, félicite l’ancien ministre pour son travail.

Mais plutôt de s’interroger, il conviendrait d’envisager, pour l’instant, leur mise en œuvre. Avec le succès, la question de la paternité sera vraisemblablement soulevée. Avec l’échec, les parties prenantes feront profil bas.

Par sa forme et son objectif, ce pacte rappelle le « Green New Deal » présenté aux États-Unis. Assiste-t-on à une montée en puissance de cette « écologie sociale » dans le monde ?

En fait, ce mouvement existe depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, il est simplement mis plus en lumière. En effet, avec la dernière crise financière, une réflexion sur le choix de notre modèle de croissance a été lancée, au niveau mondial. Déjà, à cette époque, l’idée d’un « pacte vert » avait été initiée comme une réponse à la crise du « libéral - productivisme ».

Ainsi, en 2012, en France, l’ancien député Vert européen, Alain Lipietz avait écrit un ouvrage, intitulé « Green Deal », dans lequel s’il ne nie pas la responsabilité de la financedans la crise financière, il veut montrer que le marasme a d’autres causes, plus profondes comme le « nœud FFFF » : Food (la nourriture), Feed (la nourriture pour le bétail), Fuel (la nourriture pour les machines) et Forest (pour les réserves de biodiversité). Il parlait également d’un « new deal » européen et d’une pédagogie du changement.

Plus récemment, à l’occasion des questions d’actualité au gouvernement, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition Ecologique,annonçait, fin octobre 2017, la prochaine présentation d’un Green New Deal : un pacte pour un nouveau modèle économique réconciliant définitivement économie et écologie.

Encore plus récemment, aux États-Unis, un plan, le Green New Deal a refait surface sous l’aspect d’une inspiration toute « rooseveltienne » : Pourquoi ne pas réorienter en profondeur l’économie et répondre à la triple crise que nous vivons : écologique, sociale et financière ? Une proposition logique mais qui ne parvint pas à s’inscrire à l’agenda politique.

Devant l’urgence environnementale et sociale, la question cruciale qui se pose est l’échéancier, le temps de la réalisation, que ce soit, le pacte social et écologique ou le Green New Deal. Certains parlent de dix ans pour le projet américain.

En outre, pendant des années aux États-Unis, nombreux étaient sceptiques sur les chances que ce Green New Deal, jugé trop technocratique, puisse intéresser les foules. Aujourd’hui, quelque chose est en train de se passer. De jeunes activistes en ont fait leur principale revendication à l’instar du Sunrise Movement. Une chose est sûre, le débat sur le Green New Deal est désormais installé aux États-Unis, d’autant qu’il pourrait constituer la pierre angulaire du programme des primaires démocrates en 2020. Michael Bloomberg, un des possibles candidats, s’est dit prêt à soutenir un plan « audacieux et ambitieux » s’il s’avère réaliste et réalisable. Une inspiration pour l’Europe ?

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