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Brexit dur, Londres et Bruxelles sont-ils en train de concocter un plan B pour repousser l’échéance ?
©Tolga AKMEN / AFP

Atlantico business

Theresa May reporte le vote mais ne réussira pas à obtenir une majorité sur son plan de divorce avant le 29 mars, elle parie plutôt sur la mise en place d’une période d’adaptation très longue.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Personne ne voit comment on pourrait maintenant éviter un hard Brexit le 29 mars prochain. Toutes les solutions sont tombées les unes après les autres. Theresa May n’a pas réussi à rassembler une majorité au Parlement britannique sur le projet d’accord qu‘elle avait péniblement arrêté avec Michel Barnier, chargé de négocier les conditions d’un Brexit au nom de l’Union européenne. Bruxelles  campe donc sur les positions définies dans ce protocole d’accord. Rappelons que ce compromis prenait acte du divorce entre la Grande Bretagne et l’Union Européenne, mais autorisait le maintien de la Grande Bretagne dans le grand marché, sans que pour autant Londres puisse intervenir sur les modalités de fonctionnement de ce grand marché à partir du moment où la Grande Bretagne quittait les institutions européennes.

Ce compromis permettait à la Grande Bretagne de respecter le vote populaire, puisqu’elle quittait l’Union européenne, mais maintenait la liberté des échanges de produits et de services entre la Grande Bretagne et le continent, à condition que la Grande Bretagne respecte les règlementations.

Theresa May n’a pas réussi à faire accepter cette accord ambigu qui ne plaisait ni aux Brexiters ni à ceux qui souhaitaient le maintien dans l’UE.

Le problème, c’est que personne ne veut vraiment d’un hard Brexit sans aucune préparation, ce qui sera le cas le 29 mars. Les partisans du hard Brexit ont quitté la scène politique sans avoir rien prévu.

D’où l’inquiétude des milieux d’affaires, des industriels ou des banques qui travaillent énormément avec l’Union européenne.

On en parle moins, mais du côté des Européens, on considère que le hard Brexit aura aussi des effets très préjudiciables aux échanges. Les deux pays les plus touchés seront sans doute la France et l’Allemagne. La France qui exporte beaucoup de produits agroalimentaires et l’Allemagne, où l’industrie automobile serait particulièrement impactée. Mais de là à accepter ce que souhaitent les hard Brexiters, à savoir continuer à commercer librement sans avoir à respecter les contraintes règlementaires, sociales et fiscales, il ne peut pas en être question. Ce serait complètement aller à l'encontre de la vocation de l’Union européenne, un marché où les conditions d’échanges sont harmonisées et régulées.

A partir de là, on sent bien que la situation est complètement bloquée et que le Brexit va engendrer des effets pervers que tout le monde voudrait éviter. Tout le monde, y compris les Brexiters. Pour en sortir, les marges sont très étroites.

Theresa May a reconnu qu‘elle ne pouvait pas, comme certains à Londres le lui demandaient, négocier un nouveau délai pour mette en œuvre le Brexit.

L’hypothèse a été catégoriquement refusée par Bruxelles, considérant qu’un nouveau délai ne donnait aucune garantie pour accoucher d’une formule miracle mais permettait seulement à Londres de gagner du temps.

Officiellement, il n’y a donc aucune autre solution que de prendre acte du divorce à minuit le 29 mars, mais comme rien n’a été prévu pour assurer le passage, personne ne sait comment les choses se passeront à la frontière et notamment à l’entrée de l’eurotunnel, par où passe plus de la moitié des flux commerciaux et des voyageurs. Une frontière ou pas ? Des douanes ou pas ? Des droits de douanes ou pas ? Des formalités mais lesquelles ?

Pour éviter cette pagaille annoncée, qui ne peut qu’engendrer une catastrophe économique, Londres et Bruxelles auraient imaginé un plan de transition fondé sur un backstop généralisé entre la Grande Bretagne et l’Union européenne.

L’idée du backstop avait été imaginée par Bruxelles, pour éviter de reconstruire une frontière physique entre les deux Irlande. Pour les 500 kilomètres qui séparent l‘Irlande du Nord (qui appartient au Royaume Uni) et la République d’Irlande indépendante, membre de l’Union européenne, on s’était accordés d’éviter de revenir à une frontière.

Cette frontière avait disparu depuis 1998 lors des accords de paix du vendredi Saint, qui avaient mis fin à plus de 70 ans de guerre entre les deux Irlande. Des années de violence entre les gens du Nord qui étaient restés fidèles à la couronne britannique et les gens du Sud, républicains et catholiques, qui avaient choisi l’indépendance. Personne ne voulait réveiller ces vieux démons, personne ne voulait rétablir des contrôles et des droits de douane. Depuis 1998, les deux populations ont appris à se connaître, à travailler et à vivre ensemble. Le backstop, prévu dans l'accord accepté par Theresa May, permettait de maintenir une frontière ouverte entre les deux Irlande. Les hard Brexiters étant opposés au backstop, Londres et Bruxelles avaient accepté que ce backstop soit provisoire pendant une période qui restait à préciser.

Aujourd'hui, et pour sortir du blocage total le 29 mars, Londres et Bruxelles auraient convenu d’étendre à l'ensemble du Royaume-Uni la solution du back stop, le temps de trouver un accord.

Concrètement, selon cet accord qui reste secret pour l’instant, ce backstop pourrait s’appliquer selon l’agenda suivant :

Le 29 mars prochain, le Brexit devient effectif. Juridiquement, le divorce est prononcé. Mais les modalités ne s’appliquent pas.

D’abord, jusqu’en 2020, la Grande Bretagne reste dans l’union douanière le temps de trouver un nouvel accord commercial. Donc rien ne change, sauf que Londres ne participe plus à la gouvernance européenne.

Après 2020, si aucun accord commercial n’était trouvé, le backstop s’active et avec ce système, la Grande Bretagne reste dans l'union douanière, la libre circulation est respectée, la Grande Bretagne continuera d’appliquer la règlementation du marché commun.

Alors selon l’accord, le backstop généralisé sera temporaire, mais il maintient le statu quo puisqu’aucune limite de temps n’aurait été fixée par l’Union européenne.

A priori, tout le monde serait satisfait de cette formule, à Londres, à Dublin, à Belfast et à Bruxelles. Tout le monde, sauf les partisans pur et dur d’un Brexit qui ont très bien compris qu’avec cette formule négociée dans la dernière ligne droite, on revenait à des modalités très proches de celles qui était au cœur du deal de Theresa May et qui avait été rejetées. Les hard Brexiters ont très bien compris qu’avec ce compromis, la Grande Bretagne resterait attachée à l'Union européenne. Le délai de transition sera-t-il suffisant pour qu’ils l'acceptent ?

Le propre des politiques, c'est d'acheter du temps. Theresa May ne déroge pas à l'habitude.

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