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Nicolas Lecaussin : « Comme un vrai populiste, Emmanuel Macron lui-même a critiqué l’Europe ultralibérale; elle ne l’est pourtant pas, c’est la France qui est ultraétatiste »
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Donneur de leçon

L’intellectuel « progressiste », le journaliste « engagé » qui sermonne mais informe peu, le politique et le haut fonctionnaire étatistes, préposés aux taxes mais ne connaissant rien à la vie quotidienne des citoyens... Autant de responsables de la situation de la France.

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin

Nicolas Lecaussin est directeur du développement de l'IREF - Institut de Recherches Economiques et Fiscales. Il est aussi fondateur de Entrepreneur Junior

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Atlantico : Vous décrivez dans votre dernier livre, "Les donneurs de leçons : Pourquoi la France est en vrac !" (éditions du Rocher) une France affaiblie et parasitée, par les "donneurs de leçons". Qui sont-ils ? 

Nicolas Lecaussin : Regardez la secrétaire d’Etat à l’écologie : elle vient d’être flashée à 150 km/l’heure en plein pic de pollution ! Elle nous fait pourtant la leçon depuis un bon bout de temps. Ces donneurs de leçons comme elle sont nombreux et un peu partout : l’intellectuel « progressiste », le journaliste « engagé » qui critique, sermonne mais informe peu, le politique et le haut fonctionnaire étatistes, préposés aux taxes, aux réglementations mais qui seraient bien en peine de dire combien coûte un ticket de métro ou de bus. La France coule mais ils s’occupent de tout et depuis des années ils ne savent que réglementer et pratiquer la saignée fiscale ! Le comble c’est qu’ils continuent dans l’erreur et clament haut et fort qu’ils savent mieux que les Français ce qui est bon pour eux ! Il est temps à ce qu’ils nous foutent la paix !

Sur ce point, le gouvernement Macron est-il "donneur de leçon" ?

Macron en fait partie comme ses prédécesseurs d’ailleurs. Il nous administre tous les jours des leçons de tolérance, de paix, de civisme, il stigmatise le populisme (même s’il rejoint Marine Le Pen et Mélenchon pour dénoncer « l’Europe ultralibérale ») et il lance des « grands débats » pour soi-disant écouter le peuple. Il s’occupe de tout, du big data aux taxes sur les colis, des affaires internationales aux doggy-bags et eu permis de conduire. Ce n’est pas son rôle. Il avait promis la transparence et le changement et nous avons les affaires Ferrand, Benalla, Nyssen, Schiappa… qui sont autant d’agaçantes épines sur son parcours. Un parcours qui n’est pas si clair qu’il n’y paraît lorsque l’on se penche sur ses finances personnelles, que ce livre décortique par le menu. Le constat laisse perplexe, car il n’est guère en adéquation avec les déclarations patrimoniales du candidat à la présidence de la République : où est passé l’argent qu’Emmanuel Macron est censé, au vu de son parcours professionnel, avoir gagné ? 

Comment analysez-vous la crise des Gilets jaunes ?

Au début, c’était une manifestation de ces Français en colère, contre le gouvernement certes, mais surtout contre le poids de l’Etat : les impôts, les réglementations, les ingérences, les gaspillages, les insécurités. Aujourd’hui, les gilets jaunes sont devenus rouges avec de nombreux gauchistes violents et aussi des islamistes comme on a bien pu le voir. A ceux-là s’ajoutent aussi d’autres extrémistes et nous avons ainsi un cocktail explosif aux revendications très hétéroclites. Mais en tant que libéral, je n’approuve pas le pouvoir de la rue dans un pays démocratique. Le pouvoir élu est en place pour agir et réformer non pas pour céder face aux manifestants ou aux syndicats comme il le fait régulièrement. Il faut bien entendu comprendre la colère des – vrais – gilets jaunes et réformer dans le bon sens.

Vous défendez notamment l'importance de contrôler une dette faible. En parallèle vous dressez un bilan élogieux des premières années de Donald Trump à la tête des Etats-Unis. Ce dernier a pourtant fait exploser la dette publique américaine et le déficit budgétaire devrait être de 4,6% pour l'année 2019 alors que les dernières années de mandat de Barack Obama avaient permis de réduire ce même déficit. N'y a-t-il pas là une incompatibilité ?

Les bonnes nouvelles qui nous viennent de l’économie américaine sont très nombreuses et, effectivement, j’avais fait partie des rares à avoir défendu la réforme fiscale de Trump et ses mesures pour déréglementer l’économie. Tout cela a porté ses fruits et rares sont ceux, sauf peut-être Bernie Sanders, qui osent contester les excellents chiffres de l’emploi et les hausses des salaires. Mais il faut, bien entendu, faire très attention à la dette et aux déficits. Je rappelle néanmoins que la dette américaine était à 34 % du PIB en 2008 avant la crise et à 78 % fin 2018 tandis que le déficit a atteint 10 % du PIB en 2009 à cause du plan de relance d’Obama, un niveau jamais atteint depuis la fin de la deuxième guerre mondiale ! Le problème c’est que, contrairement à ce que soutiennent ses adulateurs, la croissance sous Obama a été atone et même beaucoup ralenti durant ses deux dernières années de présidence avec des signes de récession. C’est bien Trump qui a relancé la machine. Ensuite, nombreux sont les économistes qui considèrent que la dette n’est pas un problème pour l’Amérique : grâce aux baisses d’impôts, les rentrées fiscales augmentent et la forte croissance (+ 3 %) montrent que l’économie est en bonne santé. Les taux d’intérêts n’augmentent pas et les créditeurs de l’Amérique sont nombreux. Mais, bien entendu, il faut faire attention et toujours payer ses dettes…

Vous pointez du doigt l'antilibéralisme comme l'une des causes des crises en Europe. Pourtant le succès des populismes actuels s'est souvent construit par un rejet d'une Europe perçue comme trop libérale. Comment l'Europe doit-elle se réformer pour lutter contre ces critiques ?

Je considère qu’il a plusieurs sortes de populisme en Europe. Les défenseurs du Brexit n’ont rien à voir avec Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon. Nigel Farage est plus libéral que n’importe quel politique français et les Brexiters n’ont jamais mis en cause le libre change ou la baisse de la fiscalité. Au contraire, ils ont rejeté l’Europe surtout à cause des réglementations et des taxes. On oublie aussi qu’une autre cause est la peur de l’immigration engendrée par le terrorisme. En France, c’est différent car il n’y a pas vraiment de différences entre les extrêmes. Les deux sont étatistes et ont un programme économique marxiste. L’Europe est le bouc émissaire parfait, comme la mondialisation, l’Amérique, la Chine, les riches, etc…Macron lui-même a critiqué, comme un « vrai » populiste, l’Europe « ultralibérale » ; En fait, ce n’est pas l’Europe qui est ultralibérale, c’est la France qui est ultraétatiste ! Puis, tous ces grands bazars appelés grands débats, qu’est-ce que c’est sinon des grandes messes populistes où chacun y va de son couplet. Dans ces conditions, à quoi servent encore le gouvernement et l’assemblée ??  Bien entendu, l’Europe doit se réformer : moins de bureaucratie, encore plus de transparence et de démocratie, plus de subsidiarité et de concurrence. A l’IREF, nous proposons une Europe des individus, de la subsidiarité et de la concurrence.

Vous liez succès économique et libéralisme. Pour autant, la Chine, pays ayant la plus grosse croissance économique et parti pour s'imposer comme première puissance mondiale semble prouver l'inverse. Si sa politique économique n'a plus grand-chose de marxiste, elle est loin d'être un parangon du libéralisme, sauf lorsque ça l'arrange. Le succès chinois ne prouve-t-il pas que d'autres voies sont possibles ?

Tout d’abord, il faut se méfier des statistiques chinoises, on sait aujourd’hui qu’elles sont un peu… « gonflées ». Mais la Chine s’est développée justement parce qu’elle a chois du capitalisme. Elle est sortie de la pauvreté et d’un système économique communiste parce qu’elle a appliqué les recettes du capitalisme : libre échange, privatisations, ouverture aux investissements étrangers, etc… Bien sûr, ça reste un capitalisme d’Etat et, probablement, sans leur pratique de s’approprier (voler) les brevets et les technologies étrangères (là, Trump a tout à fait raison !), ce pays n’en serait pas là. Regardez un autre sorti de la nuit communiste : la Russie. Malgré d’énormes ressources naturelles, le pays est très, très loin économiquement de la Chine. L’évolution de son PIB/habitant est inquiétante et les dernières données économiques sont très mauvaises. Le capitalisme mafieux ne marche pas sans une vraie ouverture. A moins qu’on me le montre, je ne crois pas à « d’autres voies possibles ». Trump demande à la Chine de changer et de pratiques un commerce juste. Si elle change, c’est bien le capitalisme libéral qui aura gagné. Une nouvelle fois !

Nicolas Lecaussin, "Les donneurs de leçons : Pourquoi la France est en vrac !", publié aux éditions du Rocher.

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