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Ce qu’il faudrait faire pour réussir à construire un géant numérique européen
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Pari possible

L'Europe ne possède pas de géants numériques comme Amazon, Apple, Google ou le chinois Alibaba. Pour y remédier, l'Union européenne doit mener une politique ambitieuse.

Nicolas Hueppe

Nicolas Hueppe

Vice-Président de CroissancePlus, CEO, d'Alchimie.

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Atlantico : Quelles mesures sont à mettre en place qui permettraient de faire émerger un vrai acteur numérique de dimension internationale en Europe ?

Nicolas d'Hueppe : Je pense, à l'instar de Croissance Plus, que pour bâtir des champions, l'entrepreneur doit être au centre. Derrière chaque grande entreprise se cache un entrepreneur de talent. Il faut pouvoir les accompagner. Dans la consultation citoyenne que Croissance Plus a mené avec G9+, la BPI et Roland Berger, il ressort plusieurs idées qui sont des éléments importants pour les entrepreneurs et des pistes de réflexion. 

D'abord il est nécessaire d'avoir un terrain favorable au niveau européen. La grande force des Américains et des Chinois est d'avoir un marché intérieur gigantesque sur lequel prospérer. Ils peuvent y tester leurs innovations, y régler le marketing et une fois que c'est au point ils peuvent se déployer sur la terre entière. Nous, en tant qu'Européens notre problème est que chaque pays, individuellement, a un marché trop petit. Le territoire français n'est pas assez large pour structurer une innovation. Il est donc nécessaire de pouvoir faire tomber des barrières, qu'elles soient fiscales ou réglementaires afin d'avoir un terrain favorable.

Ensuite, il y a la notion de protection qui intervient. Non pas au sens du protectionnisme qui vise à se couper du monde mais qui permet d'exprimer une notion de temps mort afin de se remettre à niveau et jouer à armes égales. Aujourd'hui nous avons décroché technologiquement face à d'autres pays que ce soit au niveau de l'intelligence artificielle, de la gestion des données… Nous avons un train de retard et ce retard ne fait que s'accentuer. 

Enfin, aujourd'hui les startups sont florissantes et parviennent à se financer mais c'est après que les défis commencent. Les sociétés ont besoin de capital pour pouvoir se déployer en Europe. Ces investissements massifs font encore défaut aujourd'hui. Il faut qu'elles soient financées à la hauteur de leurs ambitions.

Enfin, la sensibilisation au numérique doit se faire dès l'école. Il n'est pas juste question d'apprendre aux élèves à se servir des outils du numérique mais de leur donner à voir et à comprendre les nouvelles formes de raisonnement que les nouvelles technologies ouvrent.

On note enfin dans cette consultation qu'il y a une vraie ambition citoyenne qui va au-delà de celle de nos élites avec des citoyens qui veulent rebâtir une société culturelle, qui maîtrise ses données, qui a une image positive du numérique… 

Au final les citoyens sont nettement plus murs et plus ambitieux sur ces questions que ce qui est parfois laissé entendre 

Une des deux licornes française, Blablacar, a atteint son statut de licorne car elle a évolué dans un angle mort du marché américain. N'est-ce pas là un exemple qui laisse à penser qu'essayer de concurrencer des acteurs du numérique mondiaux est voué à l'échec, notamment à cause du fossé technologique et budgétaire entre ces derniers et nos entreprises ? 

Je ne pense pas. A Montréal quand Uber est arrivé, la plateforme a généré les mêmes problèmes qu'à Paris. La mairie a alors adopté une stratégie du temps mort afin de prendre le temps de la réflexion et d’aboutir  à un accord gagnant-gagnant pour tout le monde. On rejoint là l'idée du protectionnisme exposée plus tôt. Il n'est évidemment pas question de faire du protectionnisme au long cours mais cela permet d'établir une situation de concurrence juste entre tous les acteurs. 

En revanche cela s'est fait avec un certain volontarisme de la part du régulateur pour protéger les acteurs locaux. Il existe donc des stratégies qui permettent de protéger le consommateur, la concurrence et les citoyens au sens large.

Après sans doute que sur certaines technologies, il est trop tard pour agir. Pour certains domaines, le retard accumulé, si l'on souhaitait le rattraper ne se chiffrerait pas en mois mais en dizaine d'années.  Et le temps de se remettre à niveau, les autres auront encore avancé. Toutefois une meilleure gestion qui permettrait de briser des situations de monopole pourraient déjà améliorer les choses.

La situation que l'on connaît actuellement est également le résultat d'un abandon des élites de la tenue d'une vraie politique industrielle en France. Comment combler ce retard pour vous ?

Je vais répondre en prenant un exemple. Israël il y a quelques années s'est aperçu que son gisement de startups était animé par lavolonté de vendre ses sociétés et l'État s'est aperçu que les actifs et les talents partaient entre les mains de  groupes souvent Américains. Finalement le pays n'était qu'un incubateur de startups. Ce n'est plus le cas aujourd’hui. Il y a eu une vraie politique de développement de ces entreprises, une vraie politique industrielle qui a permis de garder les entrepreneurs et les entreprises et de bâtir des entreprises d’envergure mondiale. 

Ils ont su basculer avec un volontarisme national très fort dans une phase de construction de champions. Mais pour cela il faut du courage politique et avoir  une grande ambition. Si eux ont pu faire cette transformation, la France pourrait en être capable également.

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