Fonction publique et modèle social : la pression des Gilets jaunes peut aider le gouvernement à réformer <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Atlantico business
Fonction publique et modèle social : la pression des Gilets jaunes peut aider le gouvernement à réformer
©Julie SEBADELHA / AFP

Atlantico business

Si le mouvement des Gilets jaunes rassemble ceux qui, en France, veulent que leur travail paie plus et mieux, ils ne peuvent pas s’opposer aux réformes initiées par le gouvernement.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Faire du problème qui a provoqué la colère une solution pour sortir de la crise. C’est peut-être possible. A condition que le gouvernement écoute et que les Gilets jaunes mettent un peu d’ordre dans leurs rangs.

Car si le mouvement des Gilets jaunes s’est développé sur la base de revendications économiques et sociales, si ces revendications reviennent à réclamer que leur travail paie plus et mieux, les Gilets jaunes offrent une opportunité au gouvernement pour réformer le système économique. A lui de saisir très vite cette opportunité.

Après trois mois de manifestations parfois violentes, les revendications réelles des Gilets jaunes sont difficiles à discerner. Le mouvement est particulièrement désorganisé et confus. Il est même débordé et parfois noyauté par les groupes extrémistes dont la seule ambition est de casser et de déstabiliser le système français.  Ce qui rend évidemment compliquée la recherche d’un compromis.

Ceci dit, si on reprend les facteurs qui ont provoqué cette colère populaire et qui remontent d‘ailleurs dans le brouhaha du grand débat, on retombe à chaque fois sur la question de la pression fiscale et du pouvoir d’achat.

En bref, la pression fiscale est trop forte et apparaît comme trop injuste. Quand au pouvoir d’achat, il ne correspond pas au travail fourni.

Le travail ne paie pas, les prélèvements obligatoires sont perçus comme excessifs par rapport à la qualité des services publics.

Qu’on le veuille ou non, le diagnostic qui avait été fait par Emmanuel Macron pendant sa campagne présidentielle répond à ce type de demande. Les projets de réformes initiées par le gouvernement correspondent à ce diagnostic. Alors que le président ait été particulièrement brutal et maladroit, que le gouvernement et le parlement aient manqué singulièrement d’expertise dans la gestion politique d’une telle mutation, c’est une évidence, mais la forme doit-elle masquer le fond des réformes qui correspondent à une nécessité ? Donner au système économique plus de dynamisme et de liberté afin d’accroitre l’activité, l’emploi, le pouvoir d’achat, etc..

L’objectif de baisser la dépense publique ne correspond pas à la nécessité de respecter les critères de Maastricht. Quand les gouvernements répètent en boucle qu'on doit impérativement ramener le déficit budgétaire à moins de 3%, ils n’ont rien compris, c’est évidemment stupide et contreproductif.

On doit baisser la dépense publique simplement pour flécher une partie plus importante des ressources vers le secteur productif, pour rendre l’appareil d’Etat plus productif et plus juste. Ce que les Français ne supportent pas, c’est de payer beaucoup d’impôts et de charges sans savoir exactement ce à quoi ces impôts servent ou sans avoir la liberté de choisir leur prestataire.

Quand le ministre du budget veut envoyer à chaque contribuable un rappel de ce qu’il paie et ce à quoi c’est utilisé, c’est une formidable idée parce que c’est pédagogique et que cela contribue à informer.

Mais l'idée serait encore plus formidable si le contribuable pouvait reprendre la main sur ses arbitrages de dépenses publiques et sociales. Choisir en toute responsabilité ce qu’il veut acheter et à qui. C’est particulièrement vrai dans le domaine social.

Le cout du travail additionne ce que le salarié reçoit et ce que l’entreprise paie en charges sociales. Le total est exorbitant et plombe la compétitivité des entreprises. En contrepartie, le salarié dispose d’un modèle social extrêmement généreux par rapport à ce qui existe dans beaucoup de pays, mais ce même salarié considère (avec raison) que les services publics et sociaux sont de mauvaise qualité et insuffisants. On se retrouve devant une situation insoluble. D’un côté, trop d’impôts et de charges. De l’autre, pas assez de services publics et un système imposé de protection sociale.

Maintenant, imaginons que les Français qui travaillent puissent gagner plus d’argent en net, imaginons qu‘une partie des charges sociales prélevées par l’employeur soit réservée et versée directement avec le salaire, les salariés pourraient aussi dépenser eux-mêmes et ajouter à leur dépense de consommation quotidienne et habituelle des dépenses sociales choisies.

Le meilleur exemple d’un système social décentralisé et remis à la     responsabilité des assurés sociaux, c’est l’assurance automobile.

L‘assurance automobile est obligatoire, la prime que l’on paie est donc une dépense contrainte, un prélèvement obligatoire. Sauf que l’automobiliste a le choix de son assureur, de sa couverture de risque et des prix qu’il paie pour s’assurer. Ça change tout.

Il retrouve une liberté individuelle et une responsabilité de dépenser. Le système d’assurance se compose d’acteurs privés, publics ou mutualistes et se retrouve en situation de concurrence, ce qui les oblige à offrir les meilleures offres, au meilleur prix.

La réforme de la fonction publique et du modèle social n'a pas pour but de baisser la dépense de services publics ou sociaux, elle a pour but de modifier son financement. Mais le gouvernement n’ose pas l’expliquer.

Moins de dépenses publiques ou sociales, ça ne génèrera pas mécaniquement moins de services publics ou sociaux. Ça entrainera une mutation dans le fonctionnement du système avec une responsabilité plus grande de l'usager ou de l'assuré social, et donc une prise en compte de sa volonté plus ou moins grande de protection.

Alors ça peut passer sans doute par des privatisations ou par des délégations de services publics. Mais aux cours des vingt dernières années, le système des télécommunications, le téléphone, a abandonné son monopole et France- Télécom est entré en concurrence avec des entreprises privées. Air-France aussi a perdu leur monopole, tout comme EDF. On ne peut pas dire que dans ces secteurs, les prix aient flambé et la qualité du service se soit dégradé. Non ! C’est même le contraire. Alors, ça n‘est pas vrai dans tous les secteurs, mais les disfonctionnements se gèrent.

La privatisation ou la mise en concurrence n’empêchent pas l‘Etat de réguler le fonctionnement et de veiller à ce que les obligations de services publics soient respectées, avec un cahier des charges.  

L ‘Allemagne, et toute l’Europe du nord, fonctionne avec des services publics et sociaux aussi performants que les nôtres, si non plus, mais dont la dépense est partagée entre le public et le privé. D’un côté, une logique de solidarité financée par l’impôt ou le prélèvement obligatoire, de l‘autre, une logique assurancielle dont le moteur est la liberté de choix et la responsabilité individuelle.

Retrouver des moyens, de la liberté et de la responsabilité individuelle, participe à une demande qui ne doit pas être très éloignée des demandes entendues autour des ronds-points

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !